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Guerre en Ukraine : comment les Russes qui fuient leur pays sont-ils accueillis en Pologne, en Géorgie et en Serbie ?

Dans le Club des correspondants, franceinfo s'intéresse à l'actualité vue depuis l'étranger. Aujourd'hui direction Varsovie, Belgrade et Tbilissi où des citoyens russes se réfugient pour échapper à la mobilisation en Ukraine.

Article rédigé par franceinfo - Régis Genté, Martin Chabal, Laurent Rouy
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5 min
Des agents de contrôle à la frontière entre la Pologne et l'Ukraine, à Lviv (Ukraine), le 16 août 2022. (YURIY DYACHYSHYN / AFP)

La "mobilisation partielle" de réservistes décrétée la semaine dernière par Moscou pour renforcer les troupes déjà mobilisées en Ukraine, poussent de nombreux russes qui refusent de combattre à fuir le pays. Mais cette vague de départ avait commencé dès le début du conflit. Parmi les terres d'exil, il y a notamment la Pologne, la Serbie et la Géorgie.

Les Russes fraîchement accueillis en Géorgie

Depuis le début de l'invasion russe en Ukraine, 120 000 Russes environ auraient trouvé refuge en Géorgie, auxquels viennent s’ajouter des milliers d’autres, des dizaines de milliers peut-être, depuis mercredi 21 septembre. Et l'accueil qui leur est réservé dans ce pays du Caucase membre de l'OCDE, désireux d'adhérer à l'Otan et l'Union européenne, est plutôt frais.

Les rues de Tbilissi sont pleines de graffitis, rappelant que la Russie est un pays agresseur. Le vocabulaire employé y est pour le moins cru, tandis que des drapeaux ukrainiens flottent un peu partout en Géorgie. On peut aussi lire des "Gloire à l’Ukraine" sur nombre de panneaux électroniques ou à l’entrée de restaurants. La polémique fait rage aussi au sujet par exemple de la réimposition des visas pour les Russes. Pour le moment ils peuvent rester en Géorgie un an sans visa.

Pourquoi cette fraicheur dans un pays que les Russes aiment pour son hospitalité légendaire ? Les Géorgiens reprochent aux Russes de ne pas se soulever contre le régime de Vladimir Poutine. Le sentiment d'une partie de la population est que les Russes ne se sont pas insurgés contre la guerre, contre les atrocités de Boutcha ou Marioupol, et ils ne bougent que maintenant qu’on leur demande d’aller se faire tuer sur le front ukrainien.

Ces critiques sont d’autant vives que l’on sait en Géorgie que si la Russie gagne la guerre en Ukraine, elle se retournera aussitôt contre Tbilissi pour la contraindre à renoncer à son rapprochement avec l’Occident. Et on le sait d’autant que si la Géorgie a perdu deux régions sécessionnistes au début des années 1990 (Ossétie du Sud et Abkhazie) - 20% de son territoire - et si la Russie l’a attaquée en 2008, ce sont pour les mêmes raisons au fond que celles qui l’ont conduites à agresser l’Ukraine, en février.

Beaucoup d'obstacles pour entrer en Pologne

En Pologne, il n’y a pas eu d’embouteillages de voitures russes le long de la frontière. Entrer dans le pays est devenu très compliqué depuis le début de la guerre en Ukraine. Ils ne sont qu’une petite poignée à avoir fui vers ce pays de l’Union européenne, depuis que Vladimir Poutine les a appelés aux armes.

Un peu moins de 500 ressortissants russes sont entrés sur le territoire polonais, selon les derniers chiffres des gardes-frontières. Ceux qui sont venus se réfugier avaient, dans la quasi-totalité des cas, une carte de séjour. Ils ont soit leur entreprise basée en Pologne, soit leur famille qui vit en Pologne. D’autres se font refuser l’entrée à la douane.

Et la Pologne n’a pas l’intention d’accueillir ces Russes qui fuient la mobilisation. Le gouvernement polonais se montre assez hostile envers ces réfugiés. Il martèle que des espions russes pourraient se faufiler parmi ceux qui ne veulent pas combattre, et ainsi répandre le conflit sur le territoire polonais. Dans la loi, s’exiler en Pologne quand on est russe est très compliqué.

Depuis la semaine dernière, les autorités polonaises ne délivrent plus aucun visa pour des raisons touristiques, culturelles et sportives. Elles refusent même l’entrée sur le territoire par voie terrestre à ceux qui ont obtenu un visa Schengen ailleurs. Et cette mesure a encore été durcie lundi matin : les arrivées par bateau et par avion sont maintenant concernées par ces refus.

La Pologne n’a pas non plus l’intention de donner le statut de réfugié politique à ceux qui fuient la mobilisation. Le vice-ministre de l’Intérieur soutient que ce sont des déserteurs, pas des opposants à Vladimir Poutine.Tous ces obstacles expliquent pourquoi les Russes contournent la Pologne, convaincus qu'ils seront facilement refoulés à la frontière. 

Les Russes plutôt bienvenus en Serbie

La Serbie est aussi une destination privilégiée pour les Russes qui quittent leur pays en raison de la politique de Vladimir Poutine. Un choix a première vue étonnant puisque Belgrade a une attitude ambiguë, parfois qualifiée de pro russe dans le conflit. 


Dès l'annonce de la mobilisation partielle, des Russes fuyant leur pays sont arrivés à Belgrade. Le choix des destinations est restreint pour les Russes, et la Serbie est un des rares pays européens à encore leur ouvrir les portes sans conditions, avec le Monténégro et la Biélorussie. Un citoyen russe peut rester trois mois sans visa, mais un rapide aller-retour au Monténégro voisin prolonge la durée du séjour d'un nouveau trimestre.

De plus, si une partie la population serbe se nourrit de sentiments pro Poutine, même ceux qui se placent du côté de l'Ukraine ont une certaine proximité avec la culture russe. Les deux langues sont aussi assez proches. Il n'y a pas d'ostracisme envers les Russes, et il est même facile pour eux de s'intégrer dans la société serbe.

Un premier groupe de Russes fuyant le régime de Poutine était arrivé en Serbie juste après le déclenchement de la guerre en Ukraine. La Serbie connaît donc sa deuxième vague d'arrivée d'opposants. On parle de plusieurs dizaines de milliers de nouveaux arrivants, même s'il n'y a aucun chiffre officiel.

Le premier résultat très visible est l'explosion des loyers, qui augmentent pour la deuxième fois en un an, maintenant à plus 50% par rapport à janvier. Beaucoup de Russes viennent pour travailler, notamment ceux qui peuvent continuer leur activité économique en ligne. Résultat : de nombreuses petites entreprises se sont créées. Il n'est pas à exclure que ces multiples micro investissements de la part des Russes qui veulent s'installer définitivement, aient un effet bénéfique sur l'économie serbe à moyen terme.

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