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Hausse des foyers de choléra : la situation en Syrie et au Liban inquiète l'OMS

Dans le club des correspondants, franceinfo s'intéresse à l'actualité vue de l'étranger. Aujourd'hui, la progression du choléra au Liban et en Syrie. Ces pays ne sont d'ailleurs pas les seuls touchés par une maladie qui prospère quand il y a des problèmes d’accès à l’eau.

Article rédigé par franceinfo - Noé Pignède , Jérémie Lanche
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Une campagne de sensibilisation à l'hygiène visant à endiguer une épidémie de choléra dans un camp pour personnes déplacées dans le nord-ouest de la Syrie, le 25 septembre 2022. (AAREF WATAD / AFP)

La pénurie de vaccins contre le choléra force les instances sanitaires à administrer une seule dose -au lieu des deux recommandées. Cette difficulté intervient au moment où, dans le monde, le nombre de foyers de la maladie fait un bond sans précédent, alerte l'Organisation mondiale de la santé mercredi 19 octobre. En tout, 29 pays ont déclaré des cas de choléra sur leur sol en 2022. 

 En Syrie, la détection des malades reste très compliquée

On observe un retour en puissance de l’épidémie dans la région depuis la fin du mois d’août. En Syrie, 20 000 cas ont été détectés dans tout le pays et plus de 70 morts sont recensés. Un chiffre surement largement sous-évalué, on le sait. Dans un pays en guerre depuis 11 ans, la détection des malades reste très compliquée : la moitié de la population syrienne est déplacée à l’intérieur du pays, 2 millions d’entre eux vivent sous des tentes. L’accès aux soins est donc évidemment très difficile, d’autant que de très nombreuses infrastructures médicales ont été détruites ou endommagées par les combats.

Dans certaines régions ravagées par la guerre, au nord du pays notamment, des ONG et des médecins rencontrés par franceinfo expliquent être très inquiets de la situation. Dans une Syrie sous embargo et divisée entre différents groupes armés, l’aide humanitaire arrive au compte-goutte. Soigner le choléra, les Syriens savent faire, mais ils craignent de manquer de traitements, si la situation empire.

Au Liban, le système de santé est au bord de la banqueroute  

La frontière entre la Syrie et le Liban est très poreuse et le choléra commence à se propager aussi au Liban. Les chiffres communiqués par le ministère de la Santé libanais sont moins impressionnants qu’en Syrie : 220 cas et 5 décès tout de même, mais l’épidémie progresse très vite. Elle a commencé dans les camps de réfugiés syriens, elle touche désormais aussi des Libanais. Le principal problème ici, c’est qu’avec la crise économique historique qui frappe le pays, il n’y a pratiquement plus d’électricité publique. Les stations de pompage et de traitements sont à l’arrêt et résultat : les gens qui n’ont pas de quoi acheter de l’eau en bouteille, ou lavent leurs légumes avec de l’eau polluée, pouvant facilement être contaminée. 

Cela fait près de 30 ans que le Liban n’avait pas connu d’épidémie de choléra. Pour l’instant, le pays arrive à faire face à l’épidémie grâce au soutien des ONG , mais le système de santé est au bord de la banqueroute. Depuis trois ans, les hôpitaux sont pris à la gorge, entre le manque de soignants qui ont quitté le pays à cause de la crise, et les pénuries de médicaments. Certains craignent qu’après le coronavirus qui a durement éprouvé le système de santé ici, cette épidémie de choléra ne soit la crise de trop.

 L'OMS constate la progression de la maladie  dans d'autres pays 

La Syrie et le Liban ne sont pas les seuls à être confrontés au choléra. En tout, 29 pays ont déclaré des cas sur leur sol en 2022, dont près de la moitié qui n’avaient pas eu affaire au choléra en 2021. L’OMS s’inquiète de voir la maladie gagner du terrain après des années de recul. Même s'il y a encore beaucoup de flou autour des chiffres.

Jusqu’à présent, on estimait qu’il y avait entre 1,3 à 4 millions de cas de choléra chaque année, soit entre 21 000 et 143 000 décès. Alors pourquoi une fourchette aussi large ? Et bien parce qu’on a un certain nombre de pays qui rechignent à compter les malades. Le choléra est souvent associé à une maladie de pays pauvres. C’est donc difficile d’avoir des chiffres précis. On en a un peu à Haïti qui affronte une nouvelle épidémie après celle qui a suivi le terrible tremblement de terre de 2010. Pour le moment, on évoque un peu plus de 600 cas suspects. Le Kenya est l’un des derniers pays à avoir signalé le retour de la maladie. Avec une soixantaine de cas confirmés. Le Malawi inquiète aussi beaucoup l’OMS. Le choléra y est quasiment présent partout. Au début du mois, les autorités évoquaient près de 4000 cas et une centaine de morts.

Dans la plupart des cas, il suffit de prendre des sels de réhydratation pour aller mieux. À diluer dans de l’eau potable. Et c’est ce dernier mot qui est important :  potable. Le choléra prospère quand il y a des problèmes d’accès à l’eau et a un réseau d’assainissement. C’est le cas en Syrie, dont les infrastructures ont été ravagées par la guerre. C’est le cas au Pakistan, où les inondations ont mélangé les eaux usées et les eaux potable. À l’inverse, le choléra peut aussi apparaître en période de sécheresse. Parce qu’on essaie alors d’utiliser toutes les sources d’eau possibles, même si elles ne sont pas propres.

C’est aussi le cas dans la Corne de l’Afrique. C’est pour cela que le patron de l’OMS, le Dr Tedros, a dit que le réchauffement climatique booste une maladie comme le choléra. On pourrait ajouter que la guerre le fait aussi. L’autre problème, vient du marché. On l’a dit, le choléra touche en priorité les pays pauvres, les vaccins existants ne sont pas très rentables. On est même dans une situation de pénurie. Conséquence : l’OMS va maintenant vacciner avec une dose de vaccin contre deux normalement, juste pour ne pas avoir à trier entre les populations concernées.

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