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Journée mondiale du droit à l’avortement : le Mexique, la Chine et le Sénégal face à l'accès à l'IVG

Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui direction, le Mexique, la Chine et le Sénégal, trois pays où le combat pour le droit à l'avortement n'est pas encore gagné. 

Article rédigé par Omar Ouahmane, Emmanuelle Steels - Stéphane Pambrun
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Des opposants à la dépénalisation de l’avortement au Mexique, le 7 septembre 2021. (GUILLERMO DIAZ / MAXPPP)

Ce mardi 28 septembre est marqué par la journée internationale du droit à l’avortement. En France, l'interruption volontaire de grossesse (IVG) a été instaurée par la loi Veil du . Probablement en raison d'une baisse des conceptions pendant le premier confinement, le nombre d'interruptions volontaires de grossesse a baissé en 2020 dans l'hexagone, en particulier en mai et juin, avec 222 000 avortements enregistrés l'an dernier, en baisse de 11.000 par rapport à 2019 (-4%), selon une étude de la Drees publiée mardi 28 septembre. Qu'en est-il dans le reste du globe ? De l'interdiction totale à la prise en charge, l'accès à l'avortement reste très inégal dans le monde. IIlustrations au Mexique, en Chine et au Sénégal.

Au Mexique, l'avortement dépénalisé mais pas encore légalisé

Le 7 septembre dernier, la Cour suprême mexicaine a déclaré inconstitutionnelle la criminalisation de l’avortement. La décision, adoptée à l’unanimité par les dix juges, équivaut à une dépénalisation de facto dans tout le pays. Reste à savoir si ce jugement va changer la donne alors que dans plusieurs régions du pays, l’avortement est encore considéré comme un délit.  

En effet, seuls quatre États sur 32, dont la ville de Mexico, ont légalisé l’avortement. Il y a actuellement dans tout le pays environ 200 femmes derrière les barreaux pour avoir avorté. Elles devront toutes être libérées, en vertu de cette décision récente de la Cour suprême.

Entre 2010 et 2020 il y a eu plus de 3 500 dénonciations de faits de tentatives d'avortement, généralement de la part du personnel soignant qui appelait la police lorsqu’une femme cherchait de l’aide. Cette pratique des dénonciations devra aussi prendre fin. Avec la décision de la Cour suprême, toute forme de sanction est désormais bannie : qu’il s’agisse des peines de prisons, mais aussi des amendes ou des séances de rééducation que se voyaient imposer les femmes suite à une interruption volontaire de grossesse.

Cependant, cette décision ne correspond pas à l’opinion de la société mexicaine sur la question car le Mexique reste un pays majoritairement catholique. Néanmoins la Cour suprême l’a dit très clairement : ce qui est en jeu, ce ne sont pas des opinions ou des croyances, mais les droits des femmes. D’ailleurs les dix juges ont aussi invalidé la possibilité pour les législateurs de "protéger" la vie dès la conception. Une décision qui ouvre la voie à une légalisation dans tout le pays.

En Chine, Pékin fait machine arrière sur l'IVG

Dans ce contexte de journée mondiale pour le droit à l'avortement, Pékin a annoncé vouloir réduire fortement les avortements qui ne sont pas considérés comme médicalement nécessaires. Une volte-face très surprenante dans un pays où pendant 40 ans, les autorités ont appliqué un planning familial très stricte, la fameuse politique de l’enfant unique où on encourageait l’IVG pour maîtriser la démographie galopante à l’époque.

Au total, ce sont environ 330 millions d’IVG qui ont été pratiquées avec un pic dans les années 80 où 56% des femmes ont subi une interruption volontaire de grossesse. Avec même des IVG forcés. Mais c'est en 2016 qu'intervient le premier revirement de la Chine en autorisant les couples à avoir un deuxième enfant. Depuis quelques mois, il est possible d'en avoir un troisième. Enfin, en septembre, la Chine a décidé d'interdire, les IVG hors raisons médicales.

L'objectif de Pékin est de freiner le déclin démographique du pays. Les Chinois ne font pas assez d’enfants, le pays vieillit et les seniors pourraient représenter un tiers de la population d’ici 2050. Mais les dernières décisions du gouvernement ne plaisent pas aux Chinoises alors qu'aujourd'hui environ 20% des IVG sont pratiquées par des femmes, jeunes le plus souvent, après des relations hors mariage. Pour les ménages, avoir un enfant est souvent synonyme de fardeau financier en raison notamment du coût de l’éducation et du prix prohibitif du logement.

C'est encore pire lorsqu'une femme met au monde un bébé hors mariage. Son enfant n'aura pas accès au système de santé, ou à l’éducation gratuite. Enfin, les Chinois célibataires n'ont pas accès à une contraception subventionnée. Mais plutôt que de répondre à ces questions le gouvernement insiste sur le mariage, la famille et la natalité.

Au Sénégal, des organisations islamiques en guerre contre l’avortement pourtant interdit

Au Sénégal, l’avortement est interdit mais un spot publicitaire diffusé à la télévision a provoqué la colère des organisations islamiques du pays. La séquence met en scène une jeune fille en larmes victime d’un acte incestueux dont la conséquence est une grossesse non désirée. Un spot qui n’est pas signé mais au Sénégal personne n'ignore qu’il émane de militants féministes. Il n’en fallait pas plus pour provoquer la colère des organisations islamiques sénégalaises. Pas moins de 48 d’entre elles ont dénoncé "une apologie de l’avortement".

Il faut savoir que les femmes qui ont recours au Sénégal à l’IVG sont punies par la loi de peines allant de 6 mois à deux ans de prison. Les personnes qui ont provoqué, ou tenter de provoquer, un avortement risquent jusqu’à 5 ans de prison alors que les médecins ou les personnels de santé encourent quant à eux une suspension de 5 ans, voire une interdiction définitive d’exercer.

Le Sénégal est un des pays les plus restrictifs au monde en matière d’avortement même si des militants, des membres de la société civile et des féministes se battent pour faire appliquer le protocole de Maputo (2005). Il s'agit d'un cadre juridique censé garantir la protection des droits des femmes et des jeunes filles en Afrique.

Le Sénégal a ratifié ce protocole, or le texte prévoit la légalisation de l’IVG dans certaines circonstances, notamment en cas d’agression sexuelle, en cas d’inceste où lorsque la grossesse met en danger la vie de la mère ou celle du fœtus. Mais les autorités sénégalaises n’ont toujours pas harmonisé les lois du pays. Le gouvernement traîne des pieds sous la pression des organisations islamiques alors que les féministes luttent pour que ces lois qui criminalisent l’IVG soient assouplies.

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