La reprise en Autriche des négociations sur le nucléaire iranien surveillée de près par Israël
Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Lundi 29 novembre, la reprise des négociations sur le nucléaire iranien, qui se tiennent Vienne, en Autriche.
Les pourparlers sur le nucléaire iranien reprennent lundi 29 novembre à Vienne, en Autriche, après cinq mois de pause. Le but est de sauver l’accord sur le nucléaire iranien conclu en 2015. À 3 200 kilomètres de la capitale autrichienne, les Israéliens surveillent les négociations comme le lait sur le feu.
Le nouveau gouvernement iranien a changé la donne
Un premier cycle de négociations s’était tenu dans la capitale autrichienne et achevé en juin dernier. Il rassemblait, comme c'est le cas aujourd'hui, les pays encore membres de l’accord, c’est-à-dire la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Russie, la Chine et l’Iran mais aussi les États-Unis, qui ont quitté l’accord en 2018. Plusieurs rounds de négociations avaient eu lieu entre avril et juin : les Iraniens et les Américains ne négociaient pas directement mais par l’intermédiaire des autres signataires, Européens en tête. Les discussions visaient, à l’époque, à établir une feuille de route concernant d’une part la levée des sanctions américaines rétablies en 2018, et d’autre part le retour de l’Iran au respect de ses engagements, dont il s’est progressivement affranchi depuis 2019. A la fin de ces négociations, il restait des points d’achoppement mais certains diplomates avaient fait part de leur espoir de parvenir à un accord. Elles s’étaient arrêtées en juin, mois durant lequel l’ultra-conservateur Ebrahim Raïssi avait remporté l’élection présidentielle iranienne.
L'arrivée du nouveau gouvernement iranien a changé la donne et pose beaucoup de questions, notamment celle de savoir si les négociations reprendront là où elles se sont arrêtées en juin dernier. On sent du pessimisme ces derniers jours, et notamment certains signaux négatifs concernant par exemple la coopération entre l’Iran et l’AIEA, l’Agence internationale de l’énergie atomique, chargée de surveiller les activités nucléaires de Téhéran. Le chef de l’agence, Rafael Grossi, s’est rendu en Iran la semaine dernière espérant faire des progrès sur plusieurs sujets de contentieux, qui entravent les capacités de vérification de l’agence. Malgré des discussions constructives, Rafael Grossi n’a pas pu obtenir d’accord à ce sujet avec l’Iran. Il reconnaît que travailler avec une nouvelle équipe change les choses : "Les positions sont très différentes et je pense que ce n’est pas une surprise. Le défi pour nous tous est de nous comprendre. C'est un gouvernement différent, ils ont la position qu'ils veulent, pour moi il n'y a pas de problème, je dois travailler avec le gouvernement que j'ai mais nous devons tomber d'accord." Cette première journée de discussions va donc être importante, elle sera un signal et donnera le ton de ce nouveau cycle de négociations.
Israël suit les négociations de près
Il y a un pays où la question nucléaire est suivie de très près : c'est Israël, très inquiet de ce qui pourrait arriver dans les prochains mois où les semaines à venir... Le gouvernement israélien de Naftali Bennett doit gérer deux défis. Le premier : il est persuadé que l'Iran veut accéder à la bombe atomique. Le second : les Israéliens et les Américains ne sont plus d'accord sur cette question, contrairement aux années Trump-Netanyahou entre 2016 et 2020. Pendant quatre ans l'alignement entre les deux pays a été absolu sur la question iranienne, mais les deux dirigeants se seraient trompés, estime Raz Zimmt, ancien officier du renseignement militaire israélien désormais chercheur spécialiste de l'Iran à l'Institut national des études stratégiques de Tel Aviv : "Ca a été une erreur stratégique. L'une des conséquences de la décision de Trump est que l'Iran a fait des progrès significatifs dans son programme. Sortir de l'accord n'était pas une décision américaine, elle a été certainement influencée par le gouvernement israélien." Aujourd'hui, un diplomate européen qui suit de très près le dossier nous raconte : "Il y a un manque de confiance croissant du gouvernement israélien envers l'administration Biden. Israël perd son allié de toujours sur son dossier sécuritaire numéro un."
Pour les Etats-Unis ou la France, le seuil, c'est à dire le moment où Téhéran peut techniquement accéder à l'arme nucléaire, est atteint quand il peut avoir la bombe dans les 12 à 24 mois à venir. Pour Israël, ce seuil est le moment où aucune négociation ne peut plus empêcher cet accès à la bombe, que ce soit dans un mois ou dans quatre ans... "Toutes les options devraient être sur la table y compris l'option militaire, poursuit Raz Zimmt. Israël essaie de relancer des plans opérationnels en Iran. Les États-Unis ne semblent pas vouloir recourir à la force armée à moins que l'Iran n'accède à l'arme nucléaire. Pour Israël, on ne peut pas attendre d'en être là car soit on ne le saura pas, soit il sera trop tard." Mais Israël ne dispose ni d'un feu vert américain pour cela ni des armements nécessaires pour frapper des installations nucléaires profondément enterrées en Iran. En bombant le torse, les Israéliens veulent d'abord peser indirectement dans des négociations auxquelles ils ne participent pas. Ils pensent que pour obtenir quelque chose des Iraniens il ne faut pas être conciliant avec eux mais menaçant.
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