Le nouveau régime taliban cherche des alliés auprès du Pakistan et de la Chine
Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui, on s'intéresse aux relations diplomatiques du Pakistan et de la Chine avec le régime taliban.
La Russie accueille mercredi 20 octobre, une délégation de talibans, à Moscou. Les nouveaux maîtres de l'Afghanistan cherchent une reconnaissance diplomatique et des alliés, qu'ils peuvent espérer trouver auprès du Pakistan, allié historique, et de la Chine.
Le Pakistan joue la carte de la prudence
Avec l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis, le Pakistan avait reconnu le régime taliban des années 90. On peut donc supposer qu'Islamabad va reconnaître le régime taliban puisque les liens sont très étroits entre les autorités pakistanaises et les dirigeants talibans depuis longtemps. Les talibans ont eu pendant des années leurs chefs au Pakistan avec deux antennes, si l’on peut dire. À savoir la Shura de Peshawar et celle de Quetta. Ces deux représentations officieuses étaient les centres névralgiques du pouvoir informel taliban avant l’ouverture de leur bureau politique à Doha au Qatar en 2013. Depuis la prise du pouvoir par les talibans, le 15 août 2021, le Pakistan joue la carte de la prudence sur la scène internationale. Islamabad n’a pas encore reconnu le nouveau gouvernement de Kaboul. Il l’avait fait pourtant pour le régime dans les années 90. Le Premier ministre pakistanais s’en explique facilement. Imran Khan a déclaré à des médias internationaux que la reconnaissance des talibans par le Pakistan seul ne ferait pas "une grande différence", mais qu'une reconnaissance conjointe des puissances régionales et des voisins serait une meilleure solution. En même temps, il encourage les pays de la région et les Occidentaux à faire de même.
L'aspect sécuritaire est un des enjeux évident. Les Pakistanais veulent se débarrasser de la menace du Tehrik-e-Taliban Pakistan (TTP) qui sont les talibans pakistanais. Le groupe mène des attaques contre les représentants de l’autorité pakistanaise au Pakistan depuis des années. Beaucoup de miliciens se cachent en Afghanistan où les talibans ont toujours toléré leur présence, d’autant que les frontières entre les groupes terroristes sont très poreuses. Rappelons aussi que lorsque les talibans avançaient dans le pays au cours des mois qui ont précédé la chute de Kaboul, ils ont ouvert au fur et à mesure les prisons du pays, laissant s'échapper tous les criminels et parmi eux des terroristes, tous groupes confondus. Les attaques meurtrières perpétrées ces dernières semaines par la branche afghane du groupe État islamique, ont montré que le terrorisme est toujours présent en Afghanistan et qu'il est une menace pour le pays mais aussi pour tous ceux de la région. Ce qui est aussi en jeu pour le Pakistan, c’est l’aspect économique. Il y a déjà près de 3,5 millions de réfugiés afghans au Pakistan depuis plusieurs années et depuis la prise du pouvoir par les talibans, le Pakistan exerce un contrôle trés sévère à ses frontières. Il le ne veux pas d’afflux de refugiés comme cela a été le cas dans le passé.
La Chine ne sait pas sur quel pied danser
La Chine s’en tient surtout à des discours concernant la situation humanitaire. Il faut dire que ce qui l’inquiète surtout, c’est le désordre à ses frontières. La Chine s'est déjà engagée à fournir à l'Afghanistan 26 millions d'euros d'aide humanitaire, dont trois millions de doses de vaccins contre le Covid-19. La formation du premier gouvernement taliban a aussi été saluée comme mettant fin à des semaines d’anarchie. Mais on sent bien que la Chine marche sur des œufs et elle s’est rapprochée du Pakistan et de la Russie sur ce dossier, comme sur d’autres d’ailleurs. Hasard du calendrier ou pas, des manœuvres militaires sino-russes se déroulent en ce moment et un éditorial du quotidien communiste Global Times, mardi 19 octobre, explique qu’un rapprochement militaire entre la Chine et la Russie est "inévitable". La Chine qui a aussi depuis, organisé des manœuvres militaires à sa frontière avec l’Afghanistan.
Mais on ne parle pas non plus de lune de miel avec Kaboul. Pékin reste méfiant quant à l'attitude des talibans vis-à-vis des militants séparatistes islamistes ouïghours présents en Afghanistan et qui cherchent à s'infiltrer dans la région chinoise frontalière du Xinjiang. On se souvient qu’une délégation talibane avait rencontré fin juillet en Chine le ministre chinois des Affaires étrangères, lui promettant que le sol afghan ne serait jamais utilisé pour mener des attaques anti-chinoises. C’est une promesse qui reste à confirmer. Pékin a d’ailleurs gardé ouverte son ambassade dans le pays afin de garder une ligne directe entre Pékin et Kaboul et s’assurer donc que ses promesses soient tenues.
L'un des dossiers importants pour la Chine reste l’économie. Pékin lorgne plus que jamais les ressources minérales de son voisin, y compris ses importantes réserves de lithium, un composant clé des véhicules électriques. Mais aussi le cuivre et les terres rares essentielles pour la Chine. Pékin assure que les investissements chinois ne viendront cependant que si la sécurité est rétablie. L’objectif à terme est d’intégrer l’Afghanistan au programme appellé les nouvelles routes de la soie qui pourrait donner à l'Afghanistan une viabilité économique à long terme. L'Afghanistan pourrait ainsi rejoindre le corridor économique Chine-Pakistan, élément central de ce programme économique chinois, en vertu duquel Pékin a promis plus de 60 milliards de dollars pour des projets d'infrastructures au Pakistan, en grande partie sous forme de prêts. Pékin s’est dit prêt aussi à discuter activement de la reprise du trafic de trains de marchandises entre la Chine et l’Afghanistan.
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