Les 20 ans de l'élargissement de l'Otan vue d'Estonie et de Bulgarie

Sept nouveaux pays ont rejoint l'Otan en 2004 : la Bulgarie, l'Estonie, la Lituanie, la Lettonie, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie. Le Club des correspondants s'arrête dans deux de ces pays pour comprendre ce que cette adhésion implique.
Article rédigé par franceinfo, Virginie Pironon - Damian Vodénitcharov
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Le drapeau de l'Otan à Stockholm, en Suède, le 11 mars 2024. (JONATHAN NACKSTRAND / AFP)

Alors que la Suède, vient tout juste de rejoindre l'Otan, le 7 mars 2024, un an seulement après la Finlande, c'est la commémoration aujourd'hui du plus grand élargissement à l'Est de l'alliance de défense transatlantique. Il y a 20 ans jour pour jour, le 29 mars 2004, sept nouveaux pays d'Europe du Nord et Orientale rejoignaient l'Otan, au grand dam de la Russie : la Bulgarie, l'Estonie, la Lituanie, la Lettonie, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie.

L'Estonie est le pays le plus au Nord des trois pays baltes et pour ses dirigeants, comme pour la population d'ailleurs, pas de doute : l'Otan a fait de l'Estonie un pays plus fort. Mais aujourd'hui, la menace russe est omniprésente.

Pour la Bulgarie, l'adhésion à l'Otan a été un pas décisif dans sa réorientation stratégique après la chute du communisme. Elle a également rejoint l'Union européenne en 2007. Mais aujourd'hui, la Bulgarie est déchirée entre ses engagements euroatlantiques et les liens étroits qui l'unissent à la Russie.

Estonie : le slogan en 2004 était : "Plus jamais seul"

Dès leur indépendance au début des années 90, les Pays baltes, et en particulier l'Estonie, ont plaidé pour rejoindre l'Otan. C'est évidemment dû à leur histoire, pour éviter qu'elle ne se répète. L'occupation de l'Estonie par l'Allemagne nazie de 1941 à 1944, a été suivie par 50 ans d'occupation soviétique, une période marquée par des déportations massives. Il fallait, selon les Estoniens, intégrer l'Otan. C'était même une question existentielle, et cela n'a pas été sans difficultés, comme l'a rappelé, il y a quelques jours, à Tallinn la Première ministre estonienne, Kaja Kallas. "Quand l'Estonie a fait part de son souhait pour rejoindre l'Otan dans les années 90, beaucoup de décideurs politiques, et des deux côtés de l'Atlantique, se sont immédiatement opposés à cette idée. Pourquoi inclure plus de membres, alors que le rôle de l'Otan et ses objectifs ne sont pas clairs, dans ce nouvel ordre mondial pacifique ? Pourquoi avez-vous besoin de l'Otan ? Parce que la Russie n'est plus une menace !", déclare Kaja Kallas.

Dix ans après l'entrée de ces sept nouveaux pays dans l'Otan, en 2014, la Russie annexait la Crimée. Et c'est précisément à partir de cette date que les pays de l'Otan ont décidé de renforcer leur présence dans la région de la mer baltique. En Estonie, ce sont environ 1 400 hommes, répartis en deux groupements, un au Nord sous l'égide de la Grande-Bretagne avec participation française, et un, plus au Sud avec les Etats-Unis. Des exercices interalliés ont lieu régulièrement avec les Forces de Défense Estoniennes, et c'est à Tallinn, la capitale, que se situe également le centre d'excellence de l'Otan pour la cyberdéfense. Le ministre estonien de la Défense insiste : l'Estonie n'est pas qu'un "bénéficiaire" de l'organisation transatlantique, mais un contributeur à part entière. En 20 ans, d'ailleurs, le pays a participé à des opérations en Irak ou en Afghanistan.

La crainte d'être les prochains sur la liste de Vladimir Poutine

Reste évidemment qu'en Estonie, la menace russe est omniprésente. Alors, l'Estonie se prépare, c'est elle qui dépense le plus pour sa défense parmi ses alliés, 3,2% de son PIB. Et le pays travaille en ce moment à des solutions pour acheter des munitions à l'Ukraine en dehors de l'Union européenne, il vient de lancer sa propre initiative. Car le sentiment qui prédomine ici, y compris au sein de la population, c'est que si la Russie de Vladimir Poutine finissait par emporter cette guerre en Ukraine, les Pays Baltes pourraient bien être les prochains sur la liste. 

Bulgarie : le pays ne peut pas participer pleinement aux missions de l'Otan

La Bulgarie soutient l'Ukraine avec l'envoi d'armement, mais c'est sa propre armée qui connaît des difficultés. Même si le budget destiné à la défense a atteint 2% du PIB pour la première fois en 2024, il y a beaucoup de manquements en ce qui concerne le personnel militaire et l'armement de toutes les branches des forces armées. Près de 22% des postes y sont vacants, d'après un rapport du gouvernement sur l'état des armées. L'armée de terre est la plus concernée, mais les pilotes de l'armée de l'air ont du mal à s'entraîner et à remplir leurs quotas d'heures de vol. La Bulgarie peine aussi à renouveler son équipement militaire, notamment son aviation. La commande de nouveaux avions de chasse est en cours depuis une décennie.

Par ailleurs, le pays ne peut pas participer pleinement aux missions de l'Otan avec ses MiG russes qui sont reconnus comme des avions ennemis par les forces de l'Alliance. Le pays a également du mal à assurer sa propre sécurité en mer Noire et doit compter sur des avions d'autres pays membres pour défendre son espace aérien. Pourtant, la Bulgarie est un gros producteur d'armement et produit des mitraillettes et des munitions qui sont largement exportées.

L'extrême droite pro russe appelle au retrait de la Bulgarie de l'Otan

La décision a été prise par les pays membres de l'Otan d'augmenter la présence militaire en Roumanie et en Bulgarie, mais les chiffres exacts n'ont pas été annoncés. En ce moment, la Bulgarie héberge un bataillon de l'Otan, donc une unité de 1 200 soldats au plus. À l'avenir, elle devra être en mesure d'accueillir une brigade, ce qui signifie une présence d'environ 5 000 soldats. Pourtant, l'extrême droite a beaucoup avancé au cours d'une série de législatives ces dernières années. Le parti Renaissance, qui est ouvertement pro russes et a obtenu 15% des voix en avril 2023, appelle carrément au retrait de la Bulgarie de l'Otan.

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