Natalité en Europe : alors que l'Italie possède l'indice de vieillesse le plus élevé de l'Union, la Russie perd plus de 700 000 habitants par an

La natalité en France est passé sous la barre des 700 000 naissances en 2023. Si cette situation inquiète le pays, l'Italie et la Russie font face à un effondrement de leurs courbes. Nos correspondants décrivent la situation sur place.
Article rédigé par Bruno Duvic, Sylvain Tronchet
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Le taux de fécondité est de 1,68 enfant par femme en France. Il est de 1,5 en Russie et de 1,2 en Italie. (photo d'illustration) (FRED DUFOUR / AFP)

L’Insee a publié un bilan alarmant de la démographie en France en 2023. En 2023, 678 000 bébés ont vu le jour dans le pays, soit 6,6% de moins qu'en 2022, et 20% qu'en 2010. C'est le plus faible nombre de naissances sur un an depuis 1946. Mais avec un taux de fécondité de 1,68 enfant par femme, la France reste bien positionnée par rapport à ses voisins européens, notamment l'Italie et la Russie, où les chiffres montrent un vieillissement accéléré de la population.

En Italie, être parent "n'est qu'une option parmi d'autres"

En Italie, les chiffres sont catastrophiques. Avec moins de 400 000 naissances en 2022 et un taux de fécondité à 1,2 enfant par femme, le pays perd des habitants. On compte aujourd'hui moins de 59 millions de personnes dans la "botte", quand il y a 10 ans on en dénombrait encore plus de 60 millions. Les projections sont pessimistes et dessinent une hémorragie. Elles prévoient environ 5 millions de personnes en moins d’ici à 2050. C'est comme si Rome et Milan disparaissaient de la carte ! Si on poursuit la courbe, cela donnera 11 millions de moins en 2070. Ce sont les prévisions médianes qui sont les plus probables, selon les démographes. Sans l’immigration, la chute serait encore plus brutale : une naissance sur cinq en 2023 était le fait d’une mère non italienne.

Cette baisse du taux de natalité s'explique d'abord par un phénomène mécanique. Le premier "hiver démographique" italien date des années 1990. Près de 30 ans après, la génération, aujourd’hui en âge de procréer, est naturellement moins nombreuse. Ensuite, on retrouve probablement les mêmes facteurs qu'en France, "l'inquiétude pour l'environnement, l'angoisse suscitée par les guerres en cours" qui favorisent le choix "de ne pas fonder de famille", selon la démographe Maria Rita Testa, professeur associée à l'université Luiss, à Rome, qui ajoute qu'"être parent n'est qu'une option parmi beaucoup d'autres".

Pour contrer le déclin des naissances, des mesures comme l'allocation familiale universelle, mise en place depuis 3 ans, n’ont pas d’effet. Les démographes insistent sur l’investissement dans les crèches et dans l’emploi féminin, qui permettrait de consolider l’équilibre économique des familles. L’Italie est en queue de peloton européen pour l’emploi des femmes. L'Italie est un pays vieillissant. En soi ce n’est pas un drame, mais cela fragilise le modèle social. Il n’y aura plus qu’un cotisant pour un retraité dans une quinzaine d’années. "On approche d’un stade critique", alerte le président de l’Institut de sécurité sociale.

En Russie, Vladimir Poutine multiplie les mesures en vain

La Russie perd des habitants au rythme de 700 000 à 800 000 par an. Ces derniers mois, le nombre de naissances dans le pays était revenu au niveau de 1945 et les perspectives sont très sombres. D'après les Nations unies, la population russe, actuellement de 146 millions d'habitants, pourrait chuter à 120 millions en 2050. Le problème ne date pas d'hier, il remonte à l'effondrement de l'URSS, en 1991. Dans le sillage de la crise économique qui a frappé le pays, la natalité s'est effondrée et l'espérance de vie également, surtout chez les hommes. Depuis, l'espérance de vie s'est redressée, mais la fécondité reste un problème majeur. Le taux de fécondité est de 1,5 enfant en moyenne, c'est nettement insuffisant pour assurer le maintien de la population. Si la tendance se poursuit à la fin du siècle, la Russie comptera à peu près autant d'habitants qu'à la fin de l'époque tsariste.

Le pouvoir russe tente d'enrayer cette tendance. On peut même dire que c'est une obsession chez Vladimir Poutine. Dans ses discours, le destin du pays est souvent lié à sa capacité de redresser sa démographie. Dès son arrivée au pouvoir en 2000, le chef du Kremlin a lancé une politique nataliste, avec plusieurs plans comportant des incitations financières, des facilités pour les familles. Après une légère reprise, la natalité est repartie à la baisse depuis 2014, malgré l'appel de Vladimir Poutine : "Nos grands-mères avaient sept ou huit enfants, ravivons ces merveilleuses traditions." Les Russes ne l'ont pas entendu et les évènements de ces dernières années n'ont pas facilité les choses. L'épidémie de Covid a probablement fait un million de morts en Russie, la guerre a fait fuir des centaines de milliers d'hommes ne voulant pas être mobilisés, sans compter les morts au combat dont le chiffre est incertain. Le contexte de morosité et d'incertitude plane dans le pays et la Russie n'a pour l'instant pas la solution pour le relever le défi de la natalité.

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