Alimentation à l'hôpital : encore beaucoup d'efforts à faire
L’importance du "bien manger" pour mieux guérir fait son chemin, mais le budget ne suit pas, c'est le constat d'une enquête réalisée par le mensuel de l'INC. Patricia Chairopoulos explique que "même un séjour court à l'hôpital, expose à la dénutrition, qui touche 20 à 40% des patients adultes hospitalisés". Une grande enquête parue dans le numéro de novembre du magazine 60 Millions de consommateurs.
franceinfo : Vous avez reçu une cinquantaine de témoignages pour cette enquête, qu’est-ce que les patients reprochent essentiellement ?
Patricia Chairopoulos : Sans grande surprise, près des deux tiers des patients sont déçus par la qualité des repas. Que ce soit sur le goût, par exemple avec les légumes cuits à l’eau sans assaisonnement, sur l’équilibre alimentaire, comme un manque de crudités, ou encore sur la présentation, surtout quand les plats sont servis en barquettes plastique, ce qui est souvent le cas.
Certains sont beaucoup plus positifs, ils parlent de repas sains et équilibrés, les menus sont très variés d’un établissement à l’autre ?
Cette disparité est normale, sachant que près d’un milliard et demi de repas sont préparés chaque année, dans les cuisines des hôpitaux. Et oui, la qualité de l’alimentation et le choix des menus sont directement liés à la gestion de chaque hôpital, et à ses moyens financiers. En établissements publics, la majeure partie d’entre eux ont une cuisine centrale ou mutualisée avec d’autres établissements, tandis que les cliniques privées ont souvent recours à un prestataire extérieur, mais l’un comme l’autre ne change pas grand-chose à la qualité des repas.
Manger c’est important, et bien manger c’est capital pour guérir. La dénutrition est un phénomène fréquent en milieu hospitalier ?
Le repas devrait être un moment de réconfort pour le malade, et aussi et surtout, un rempart contre la dénutrition. Mais elle touche 20 à 40% des adultes hospitalisés. Et l’on sait qu’elle a de multiples conséquences sur la santé, ce qui entraîne des durées d’hospitalisation plus longues ou même des retours à l’hôpital.
Mais pourquoi ces repas hospitaliers sont-ils aussi peu engageants, c’est un problème de coût ?
En plus de la piètre qualité des repas, il y a le manque d’appétit des patients, à cause des odeurs de produits de nettoyage, ou encore de la prise de certains médicaments qui coupent l’appétit. Et puis la cuisine à grande échelle impose de préparer les repas à l’avance, la plupart du temps en liaison froide, ce qui empêche de faire des grillades ou des frites par exemple.
Il y a aussi un manque de formation des équipes de restauration pour mieux préparer les repas à texture modifiée, pour mieux assaisonner etc. Or le budget n’est pas toujours suffisant pour acheter des matières premières de qualité, pour mieux équiper la cuisine afin de cuisiner, par exemple, un millier de litres de soupe maison, plutôt que de servir de la soupe industrielle.
Mais cela dépend de la politique de chaque établissement, à savoir : faire ou pas des économies sur la restauration, qui représente 0,75 à 1% du budget global de fonctionnement.
L’État pourrait faire mieux ? Il faudrait combien par repas pour que cela devienne acceptable ?
Rappelons que la loi Egalim impose à la restauration collective de servir au moins 50% de produits durables et de qualité (Label rouge, AOP, IGP, HVE…) dont 20% de produits bios. Or, à l’hôpital, on est très loin du compte, et si les pouvoirs publics veulent que la loi puisse y être appliquée, ils doivent attribuer un budget supplémentaire. La Fédération hospitalière de France estime qu’il faudrait 1 euro supplémentaire par repas pour leur permettre de faire face à l’augmentation des coûts et à la mise en œuvre de la loi Egalim.
Le problème aussi, c’est que parfois les aides-soignantes n’aident pas le malade lorsqu’il a des difficultés pour manger. D’autres fois, il y a des soins pendant les repas, tout ça, c’est un problème d’organisation, pas un problème de qualité de repas.
Souvent en sous-effectif, les aides-soignants n’ont pas le temps d’aider le patient à ouvrir les emballages ou couper la viande si besoin. Et il arrive que le repas ne soit pas consommé, si les patients sont absents au moment du service, ou occupés par la visite des médecins ou par des soins. Car les soins médicaux et gestes techniques sont considérés comme prioritaires, devant l’alimentation.
Il y a aussi toutes les questions de régimes alimentaires en fonction des pathologies des uns et des autres, et au final ça aboutit à des courgettes cuites à l’eau, ce qui n’est pas toujours très appétissant. Est-ce qu’il faut revoir tout ça ?
Les choses commencent à bouger, et les nouvelles recommandations sont de réduire les restrictions alimentaires et la multitude de régimes spécifiques, comme les repas sans sel pour les hypertendus, sans sucres pour les diabétiques, etc. Pas étonnant que les patients n’en veulent pas ! Aujourd’hui, on sait qu’il y a un intérêt sanitaire à proposer des plats tenant compte des goûts des patients, et avec un travail sur les assaisonnements, les épices, les textures, etc.
Est-ce qu’on peut prendre un repas extérieur ? Si quelqu’un vous apporte de la nourriture, est-ce qu’on peut privilégier ce choix ?
La plupart des établissements de santé acceptent que la famille apporte des aliments, mais à condition de vérifier auprès du service s’ils sont compatibles avec le régime du patient. Il faut aussi être vigilant sur la qualité sanitaire des plats faits maison : à conserver au froid tout au long du transport, jusqu’à leur consommation par le patient, afin d’éviter une contamination bactérienne
Dernière chose, où faire une réclamation en cas de problème ?
Dans tous les cas, adressez-vous en priorité à l’équipe soignante de proximité. Si rien ne bouge, envoyez un courrier à la Direction Qualité de l’établissement avec copie aux représentants des usagers ; normalement, leurs contacts se trouvent dans le livret d’accueil patient des établissements de santé. Ils assurent le relais des plaintes et réclamations auprès de la direction et si besoin, du service de restauration.
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