Écorecharges : ni écologiques, ni économiques...
Sylvie Metzelard, rédactrice en chef au magazine 60 Millions de consommateurs a enquêté ce mois-ci sur les produits d'entretien ou les produits d'hygiène et de beauté, que l'on peut se procurer en écorecharges. Attention, soyez vigilants, elles peuvent se révéler ni économiques, ni écologiques, conclut le mensuel.
franceinfo : Vous avez trouvé plusieurs produits beaucoup plus chers, en version recharge, que dans le contenant d’origine, les différences de prix sont importantes ?
Sylvie Metzelard : Oui, elles peuvent être considérables, jusqu’à 4,72 euros de plus au litre, pour un gel douche, près de 1 euro de différence pour un liquide vaisselle mains, ou l’équivalent de 7 centimes de plus au lavage, pour une recharge de lessive.
Et tous les rayons sont concernés ?
Cela concerne principalement les produits d’hygiène beauté et les produits d’entretien, mais on en trouve aussi désormais parmi les produits alimentaires.
Mais comment on peut expliquer des écarts aussi importants ? Cela devrait revenir moins cher pourtant ?
On a bien du mal à l’expliquer justement. Une recharge contenant moins de plastique demande moins de matériaux, et elle est aussi plus légère à transporter, or l’avantage du prix à l’écorecharge se fait rare. La seule entreprise qui a accepté de nous répondre sur ce sujet, nous a dit que certaines recharges pouvaient coûter plus cher à fabriquer que de simples bidons, ce que l’on n’a pas du tout pu vérifier.
Ça signifie que si on veut que le consommateur opte pour ces écorecharges, il faut baisser les prix, quitte à faire une marge moins importante ? Est-ce que les marques jouent le jeu ?
Les marques qui ont accepté de nous répondre sur ce point déplacent la faute sur les distributeurs, elles disent qu’elles vendent moins cher les recharges que les produits de référence. Ce qui est plausible d’ailleurs, car d’un grand magasin à l’autre, vous avez parfois des écarts de prix très importants, et même dans des magasins d’une même enseigne.
Mais oui, pour que les consommateurs passent le pas, il faut qu’ils voient une vraie différence de coût, et il faudrait aussi que les contenus des recharges soient exactement les mêmes que les produits de référence.
Si vous allez en magasin et que vous regardez de près, vous vous apercevrez que c’est rarement le cas. Vous avez un autre parfum, dans les lessives, les produits d’hygiène, ce qui vous laisse penser que la différence de prix vient de là. Ce n’est absolument pas normal !
Les distributeurs ont donc bien une marge de manœuvre par rapport aux prix fixés par les marques ?
Absolument oui !
En lisant votre article on se rend compte qu’il faut absolument lire les étiquettes avec attention, car le diable se niche vraiment dans les détails…
Oui, il ne faut pas hésiter à sortir la calculette de son smartphone, pour calculer le prix au kilo, ou au litre, du produit en écorecharge, et le comparer au prix au kilo du produit de référence. Il faut faire très attention aussi, sur une même marque : vous pouvez avoir une gamme intéressante à prendre en écorecharge, et pas du tout pour une autre.
Quand on vous écoute, on se demande vraiment si ces écorecharges sont vraiment intéressantes, sur le plan écologique, est-ce que le jeu en vaut la chandelle ?
Indéniablement, on fait des économies de plastique. Il en faut cinq fois moins, en moyenne, pour une recharge. Donc, c’est un plus. En revanche, en termes de recyclage, ce n’est pas toujours le cas, il faut bien penser à glisser la recharge dans le bac ou sac jaune, pour être effectivement recyclé et surtout que votre recharge soit composée d’un seul et même matériau.
Si le bouchon, n’est pas du même type par exemple, on ne sait pas faire généralement. Et côté porte-monnaie, il faut reconnaître que c’est rarement avantageux.
Ce qu’il faut dire aussi, et on le sait moins, c’est que ces écorecharges ont un intérêt économique pour les industriels ?
Bien sûr, il faut savoir que les industriels paient une éco-contribution pour leurs produits, en fonction du poids de leurs emballages en plastique. Payer pour des recharges revient donc bien moins cher que pour des bidons.
Or, les industriels ont des bonus pour cela. Toutefois, ils sont censés respecter certains critères comme des contenus identiques dans les bidons et les recharges, et notre enquête montre bien que ce n’est pas le cas. Avant d’accorder ces bonus, certaines vérifications devraient s’imposer.
À l’heure actuelle, le système des recharges était-il réellement vertueux ?
Aujourd'hui, pas encore franchement. Ce qui serait vraiment vertueux, ce serait la généralisation du vrac. Vous apportez vos contenants, on vous glisse les produits dedans. Le "plus" environnemental serait alors bien réel et devrait permettre des prix moins élevés.
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