Le débrief politique. Les socialistes au bord de la crise de nerfs
Valls qui votera Macron, le PS qui se déchire, Macron qui fait le tri, Hamon qui rejoue en vain l'air de l'union... Tout ce qu'il ne fallait pas rater de l'actualité politique de mercredi 29 mars avec Yaël Goosz.
"Traîtrise", "jeu morbide" : le PS se déchire après l'annonce de Manuel Valls
A J-25 du premier tour de la présidentielle, les socialistes sont au bord de la crise de nerfs. Et celui qui est responsable de cette poussée de fièvre a été Premier ministre, militant au PS depuis 37 ans, candidat aux primaires de 2012 et 2016...
Manuel Valls.
En annonçant qu'il voterait pour Emmanuel Macron dès le premier tour, sur RMC, mercredi 29 mars, le finaliste de la primaire brise deux tabous en quelques secondes. D'abord, il boycotte Benoît Hamon, ce qu'on savait déjà. Ensuite, il n'attend pas le soir du premier tour pour s'engager derrière Emmanuel Macron, Manuel Valls défend le vote utile tout de suite.
Et là, c'est le drame chez les socialistes... Jusqu'à maintenant on parlait de décomposition du paysage politique, là c'est une mèche qui est allumée et qui peut faire imploser le Parti socialiste. Manuel Valls se retrouve cloué au pilori par celles et ceux qui se sont engagés pour Benoît Hamon : "Un homme sans honneur", pour Arnaud Montebourg, "Traîtrise minable", "sabotage", le champ lexical est très fleuri sur Twitter.
Hamon fustige "les théoriciens de la déchéance de nationalité et la Loi travail", et appelle la gauche à le rejoindre, "du PCF aux Insoumis" pic.twitter.com/YQo2P6kLtS
— franceinfo (@franceinfo) 29 mars 2017
Le candidat du PS redoutait cet énième "couteau planté dans son dos",
A 13h30, Benoît Hamon a convoqué la presse et a lancé un appel aux électeurs de gauche. "Je vous demande de réagir. je vous demande de sanctionner ceux qui se prêtent à ce jeu morbide, de tourner le dos à ces politiciens qui ne croient plus en rien, au mépris de toute conviction."
Martine Aubry n'est pas née de la dernière primaire
Benoît Hamon est à Lille mercredi soir, en meeting avec Martine Aubry. La maire de Lille a pris sèchement la défense de son "petit Ben" : "Qui se ressemble s'assemble. Quand on ne respecte pas sa parole donnée, je parle à la fois de Macron vis-à-vis du président de la République et de Valls, quand les valeurs et les idées passent au second plan [derrière] les intérêts personnels et l'envie du pouvoir (...), et bien on se ressemble et on s'assemble. Le choix qu'avaient fait les Français devait être respecté. Je l'ai fait, moi, quand François Hollande avait gagné la primaire. Je suis allé faire tous les meetings possibles, comme si c'était ma propre campagne ! C'est ça la démocratie !"
Pour Martine Aubry, le soutien de Valls à Macron, c'est "qui se ressemble s'assemble". ⬇ #Hamon pic.twitter.com/GFKg3l2DVl
— franceinfo (@franceinfo) 29 mars 2017
Manuel Valls, avant-garde éclairée ?
Les proches de Manuel Valls jurent qu'il n'a pas de plan. Que l'annonce qu'il voterait Macron est une prise de position libre et personnelle. Il n'y a pas d'écurie, pas de nouveau parti, juste de l'anticipation, voilà ce qu'on dit chez Valls : l'ancien Premier ministre serait un "visionnaire" en politique. Dix ans avant que le PS ne se convertisse à la fermeté sur les questions de sécurité, il avait pris le virage, avant les autres.
Et bien là, même chose, il sent que tout est à réinventer, face à un FN aux portes du pouvoir. Aujourd'hui, il heurte, il choque, mais d'après ses amis, c'est ce que tout le monde dira au soir du premier tour...
A défaut d'être désintéressé, Manuel Valls prend date. Il est allé trop loin pour rester au PS, il n'est pas encore assez loin pour créer un autre parti, mais ça en prend le chemin. Si Emmanuel Macron a besoin d'un coup de main pour compléter sa future majorité, Manuel Valls répondra présent... Même si, pour l'instant, le candidat d'En Marche n'est pas intéressé.
Macron partisan du tri sélectif
"Je serai le garant du renouvellement", a réagi Emmanuel Macron sur Europe 1, qui acquiesce quand on lui dit qu'il ne gouvernerait pas forcément avec Manuel Valls. La porte est donc vraiment fermée ? Aujourd'hui, oui... Macron fait du tri sélectif. Mais au PS tendance Valls-Hollande, on est convaincu que le candidat Macron aura besoin de passer des accords aux législatives. Dans plusieurs départements, les barons PS ont prévenu Macron : si tu refuses la double investiture, on fera battre tes marcheurs... Le bras de fer commence.
De son côté, Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du Parti socialiste, se contente d'appeler au calme... Aucune sanction n'est évoquée, car il sait que la météo politique pourrait vite changer après la présidentielle.
Hamon-Mélenchon, Je t'aime, moi non plus
Benoît Hamon a lancé un nouvel appel au rassemblement aux communistes de Pierre laurent et aux insoumis de Jean-Luc Mélenchon, a rassembler leurs forces autour de lui. Un appel du pied à Mélenchon qui fait plutôt sourire au Havre, où le candidat de la France insoumise est en meeting. Il a refusé l'appel à l'unité du candidat socialiste, expliquant qu'il voulait continuer son "chemin, sans ne céder rien" et désormais "rattraper Fillon".
Un désistement réciproque paraît d'autant plus improbable que la campagne est désormais trop avancée... et que de l'argent est en jeu. Un emprunt de 5 millions d'euros auprès d'une banque coopérative pour Mélenchon, un prêt de 8 millions d'euros du PS pour Benoît Hamon... Pour être remboursé, il faut dépasser les 5%. Trop tard pour renoncer ou se désister.
Chatel cible Macron, "l'eau tiède" après "la synthèse molle"
Rattraper Emmanuel Macron et se qualifier pour le deuxième tour, même quand on est mis en examen, mission impossible ? Pas forcément. Pour Luc Chatel, porte-parole de François Fillon et invité de l'émission Questions d'infos sur LCP,
en partenariat avec Le Monde, l'AFP et franceinfo. "Marine Le Pen et Emmanuel Macron se sont choisis mutuellement comme adversaires pour le deuxième tour, assure-t-il. Moi, je pense que les Français détestent qu'on écrive les scénarios à l'avance."
La cible prioritaire désormais, c'est Emmanuel Macron, et l'objectif est d'aller chercher chez le gros tiers d'indécis qui subsistent chez le candidat d'En Marche, en dénonçant son inexpérience et son flou très "hollandais". "Vous avez aimé la synthèse molle de François Hollande, vous allez adorer l'eau tiède d'Emmanuel Macron."
La note du Debrief
20 sur 20 sur le critère girouette pour le général quatre étoiles Bertrand Soubelet,
pressenti pour être le candidat d'EM pour les législatives dans la 10e circonscription des Hauts-de-Seine. Le ralliement de Jean-Yves Le Drian avait brisé son élan. Il avait adressé une lettre à Macron pour lui dire son courroux : avec Le Drian, où est le changement ? Colère, coup de gueule, et puis finalement, ça renégocie... Ni droite, ni gauche, ça ne marche pas toujours droit autour d'Emmanuel Macron.
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