Des turbulences chez Air France
Il faut d’abord rappeler que les pilotes d’Air France n’ont que faire de la loi travail, ce n’est pas leur préoccupation, toutes leurs revendications tiennent à leur situation personnelle au sein d’une compagnie où ils ont toujours occupé une place à part. Il faut dire aussi que si les pilotes ne représentent que 10% du personnel, ils ont une culture de la confrontation et du rapport de force maximal pour défendre les intérêts de leur corporation. Ils ont ainsi vu dans la situation actuelle trois éléments, trois raisons qui pourraient, selon eux, leur permettre d’arracher des concessions inespérées :
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La première, c’est le début de l’Euro, les pilotes d’Air France avaient appliqué exactement la même stratégie en juin 1998, lançant un conflit extrêmement dur au moment même où la France accueillait la Coupe du Monde de football.
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Le deuxième élément, il est propre à l’entreprise, il y a aujourd’hui une sorte de vacance du pouvoir à la tête du groupe Air France – KLM, le nouveau PDG Jean-Marc Janaillac n’est pas encore dans les murs, il n’entrera en fonction qu’au 31 juillet prochain.
- Enfin les pilotes ont bien observé le cas de la SNCF, et ils ont bien vu qu’à un moment donné, c’est la pression sur le pouvoir politique aujourd’hui très affaibli, qui leur donnait une chance d’arracher des concessions ultimes. Voilà donc les raisons du durcissement soudain du conflit.
Que demandent précisément les pilotes aujourd’hui ?
Ils ont deux revendications principales : d’abord un rééquilibrage de l’activité, entre les deux filiales du groupe, Air France d’un côté et KLM de l’autre, que les pilotes jugent aujourd’hui trop favorable à KLM. La direction n’est pas contre le fait de corriger, d’ajuster les vols, mais le rééquilibrage tel qu’il est demandé par les pilotes nécessiterait l’ajout de 27 gros-porteurs, plus du quart de la flotte long courrier actuelle d’Air France. Bref, c’est une revendication qui se chiffre à plusieurs milliards, et bien évidemment elle ne peut pas être discutée en catimini par le PDG d’Air France, dans le dos de KLM, l’autre filiale, et dans le dos d’un président de groupe qui n’est pas encore en fonction. Telle qu’elle est formulée, cette revendication astronomique n’a aucune chance d’être satisfaite.
Seconde revendication : une hausse de salaire
Ils réclament également une augmentation de salaire de 11,6% en trois ans pour les pilotes d’Air France et de 35% pour les co-pilotes de Transavia. C’est peu dire que ces revendications sont aussi jugées irréalistes par la Direction. Si personne ne peut nier le poids des responsabilités d’un pilote d’avion, ceux d’Air France bénéficient de conditions qui n’ont rien à voir avec celles de la concurrence : les pilotes gagnent entre 150 et 195 000 euros bruts annuels pour un temps de travail qui demeure encore très inférieur à celui en vigueur dans les compagnies rivales. Ainsi se joue une nouvelle manche d’un vieux conflit pour une corporation qui considère depuis longtemps qu’elle représente à elle seule la compagnie et qu’elle doit peser dans tous les choix économiques de l’entreprise. Autant le dire clairement, ce conflit est totalement destructeur pour une compagnie en convalescence et dont le modèle économique est encore attaqué de toutes parts dans un domaine ultra concurrentiel.
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