Faut-il taxer et encadrer l’économie collaborative ?
Pour vous raconter la manière dont les Français sont parfois perçus à l’étranger, je ne résiste pas à vous citer, la réplique qu’une chef d’entreprise italienne, Emma Marcegaglia, a donné à Manuel Valls, il y a 15 jours, lors du forum de Davos. Voici ce qu’elle avait dit au Premier ministre : "Quand il y a une innovation, les Américains en font un business, les Chinois la copient, et les Européens la réglementent ". Rires dans la salle. L’ancienne patronne des patrons italiens s’est taillé un franc succès avec cette formule, il est vrai, un peu caricaturale, mais pas complètement fausse. Reconnaissons-le, le sujet est miné, complexe, c’est presque un sujet de philosophie politique : faut-il taxer et réguler une nouvelle économie née d’une rupture technologique ? Si vous en faites trop, vous prenez le risque de la tuer dans l’oeuf, et si vous laissez faire, vous prenez le risque de laisser déstabiliser des pans entiers de la vieille économie. Le mérite du rapport du député Pascal Terrasse, c’est d’abord d’essayer de prendre la mesure de cette nouvelle économie : La France compte 276 plateformes dans les secteurs des transports (comme Blablacar), du logement (comme Airbnb), mais aussi du financement et du crédit, de l’habillement, de l’équipement, de l’alimentation, de la logistique, du divertissement et même du caritatif.
Cette économie des plateformes se caractérise donc par une très grande diversité ?
Et c’est justement le problème. Vouloir imposer un modèle unique de régulation et de taxation à des activités aussi diverses est irréaliste et dangereux. La mesure la plus controversée ou en tout cas débattue du rapport Terrasse, c’est l’obligation qui serait faite à toutes ces plateformes de communiquer au fisc les montants de transactions pour pouvoir faire une différence entre les bénéficiaires occasionnels d’Airbnb par exemple, et les véritables professionnels qui achètent des biens pour les louer à des particuliers via des plateformes et qui eux provoquent la colère des hôteliers traditionnels. Pourquoi pas, cela n’est pas une mauvaise piste, mais il faudrait alors se fixer quelques règles, quelques principes.
Quels principes ?
Le premier risque, c’est l’usine à gaz qui décourage tout le monde. Donc la première règle, c’est donc simplifier au maximum cette règle fiscale, et accepter que tous les échanges entre particuliers ne soient pas systématiquement taxés. Il faut laisser vivre et se développer cette économie irrésistible qui est en train de créer des milliers d’emplois.
Ensuite, il ne faut pas se tromper de combats : maintenir de vieilles rentes, au prix de règlements absurdes, comme ceux qu’imposent la loi Thévenoud sur l’activité de taxis, qui exige par exemple aux VTC de rentrer au garage entre deux courses, est totalement anachronique.
Enfin, la France a tout intérêt à faire grandir ses propres start-up, ses propres acteurs dans ces domaines en pleine expansion, des acteurs qui se développeront à l’international tout en payant, eux, leurs impôts en France. L’Etat devrait donc tout faire pour les aider.
Voilà pourquoi, en matière de numérique et d’économie collaborative, rien ne vaut la sagesse de Montesquieu : "Il ne faut toucher aux lois que d’une main tremblante".
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