Le décryptage éco. La démondialisation a-t-elle commencé ?
Il va être question du commerce mondial : les échanges ralentissent à un point tel que certains n’hésitent pas à parler de démondialisation.
C’est une affaire passionnante parce que dans l’histoire de la mondialisation, nous sommes là, en ce moment, à un point de bascule, un point de rupture, un point d’histoire tout à fait significatif. Ces quatre dernières décennies, l’économie mondiale a été façonnée par l’explosion des échanges, le commerce mondial a ainsi été multiplié par dix, c’est considérable, il y a eu la montée en puissance des émergents et au premier celle de la Chine, l’intégration progressive de l’Asie, la chute du mur de Berlin et du bloc communisme, une série d’événements qui ont tous poussé dans le même sens, et qui ont permis cette multiplication des échanges. Et ce mouvement spectaculaire a nourri une très forte croissance et sorti de la pauvreté des centaines de millions de personnes. Et puis, ce mouvement a connu comme un coup d’arrêt avec la grave crise financière de 2007-2008.
Le commerce mondial n’a jamais retrouvé depuis le rythme de croissance qui était le sien avant cette crise. Et avant la crise, les exportations mondiales progressaient deux fois plus vite que la production. Depuis la crise, les exportations ne progressaient plus qu’au même rythme que l’activité. Et puis ces derniers mois, le retournement est complet : le volume des exportations progresse désormais moins vite que l’activité. C’est pour ça que des économistes se demandent si la démondialisation n’a pas commencé.
Comment explique-t-on que le commerce mondial ralentisse ainsi ?
Pour une série de raisons profondes et de mouvements qui là encore, ont tous poussé dans le même sens, mais dans le sens inverse de la phase précédente. D’abord la crise financière de 2007-2008 a refroidi tout le monde, elle a entraîné une crise de l’investissement, puis alimenté une croissance trop molle qu’on connaît aujourd’hui. Cela explique déjà au moins 50% du ralentissement des échanges. Mais il y d’autres causes profondes et irréversibles, qui tiennent à la mutation de l’économie. Et d’abord à la mutation de l’économie chinoise qui a été le grand catalyseur, le grand moteur des échanges mondiaux. Et bien depuis quelques années, la Chine change de modèle : elle ne veut plus être l’usine du monde, en exportant partout ses produits, elle veut tout miser désormais sur sa demande interne, c’est-à-dire sur ces centaines de millions de Chinois dont le niveau de vie a progressé et qui maintenant consomment. Ce n’est plus du tout le même modèle de croissance, la croissance en Chine a d’ailleurs été divisée par deux.
Est-ce que le développement des nouvelles technologies avec le numérique a aussi un impact sur les échanges ?
C’est un deuxième facteur très puissant. En fait, c’est toute la chaine de production, les modes de production qui sont en train de muter. Avant les entreprises décomposaient leur produit et cherchaient à en faire fabriquer chaque partie là où c’était le moins cher, quitte à faire l’assemblage ailleurs. Cette phase d’éclatement de la production s’achève elle aussi. La production industrielle a une nette tendance à se relocaliser, avec des séries plus petites, produites plus proches des lieux de vente. Et ça c’est aussi un effet des nouvelles technologies qui rendent possible ce retournement.
En conclusion, on notera que cette inflexion, cette inversion de la courbe des échanges et donc de la mondialisation ne doit quasiment rien à la politique, à la décision politique, mais qu’elle est le produit de forces de l’économie et des mutations de l'économie. Et c’est un point que je vous laisse méditer aujourd’hui.
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