La France a-t-elle les moyens de mener des actions militaires dans plusieurs pays ?
Si de Gaulle avait coutume de dire en la matière « l’intendance suivra », il n’est plus possible aujourd’hui de ne pas s’interroger sur le coût et le financement des opérations délicates dans laquelle la France s’est engagée depuis deux ans. Au delà des débats sur le bienfondé de telle ou telle intervention, les experts sont unanimes à dire que la menace djihadiste est là pour durer et qu’elle ne sera donc pas anéantie en quelques mois. Sur le papier, l’armée française a plutôt fière allure : avec plus de 31 milliards de budget, elle occupe le 5ème rang mondial, la première place en Europe, devant la Royaume Uni. Elle dispose d’équipements sophistiqués, d’une industrie d’armement ultra performante, d’une puissante capacité d’intervention, et son expérience lui vaut un prestige certain. 8000 soldats français sont déployés à l’heure actuelle dans le monde, dont 3000 au Sahel et plus de 2000 en Afrique centrale.
Oui, mais en ces temps de disette budgétaire, l’armée doit aussi faire des économies.
Oui, et c’est tout le paradoxe, on ne sait pas encore comment l’armée va parvenir à joindre les deux bouts. Même si François Hollande dit avoir sanctuarisé la loi de programmation militaire 2014-2019, des coupes sévères sont effectuées, chaque année, 7000 postes sont supprimées. Dans le même temps, le budget des opérations extérieures – les fameuses OPEX – explose littéralement : il va largement dépasser un milliard et demi d’euros en 2014 alors que seulement 500 millions avaient été budgétés, et au train où vont les choses, en Irak, en Syrie, et peut-être demain dans le sud Libyen, les dépenses vont continuer leur envolée. Le budget de la défense semble déjà intenable.
Est-ce que l’Europe pourrait nous aider à financer ces opérations militaires ?
Cela ne serait pas illogique, après tout la France se bat aussi bien au Mali qu’en Irak pour la sécurité et pour des valeurs qui sont aussi celles de l’Europe, le président de la République ne manque jamais une occasion de le rappeler. Mais la France a un mal fou à faire contribuer ses partenaires de l’Union européenne à cet effort de guerre. Les Britanniques ont certes rejoint la coalition contre l’organisation de l’Etat islamique, mais les autres membres de l’Union, à commencer par l’Allemagne, se contentent d’une participation plutôt symbolique. Si Berlin assume sans complexe sa puissance économique, l’Allemagne se refuse encore à prendre vraiment ses responsabilités en matière de sécurité. Dans ces conditions, la France qui se bat pour elle mais aussi pour les autres, ne serait pas infondée à demander qu’une partie de cet effort de guerre soit retiré du calcul de son déficit. Comme on sait que les discussions avec Bruxelles sur le budget 2015 s’annoncent orageuses, la France aurait tort de ne pas jouer cette carte-là. Ou à tout le moins, de mettre enfin sur la table la question du financement de la sécurité en Europe, je n’ose dire d’une authentique défense européenne, face à la multiplication et la gravité des crises à l’œuvre aujourd’hui.
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