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Le décryptage éco. 100 jours : quand Trump se fracasse sur le mur du réel

Samedi, cela fera 100 jours que Donald Trump est à la Maison Blanche. Après renoncements et revirements que reste-t-il du programme et des promesses Trump ? Le décryptage de Vincent Giret.

Article rédigé par franceinfo, Vincent Giret
Radio France
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Temps de lecture : 5min
Donald Trump au Capitole, à Washington, le 25 avril. (MANDEL NGAN / AFP)

Samedi 29 avril, cela fera 100 jours que Donald Trump est à la Maison Blanche. Le plus surprenant, c’est qu’un peu plus de trois mois après le début de son mandat, les Américains n’y croient déjà plus. La popularité du 45e président des Etats-Unis est en chute libre, et surtout les quelques grandes idées que le candidat Trump avait défendues et qui l’avaient fait triompher – la doctrine Trump, en quelque sorte – est déjà battue en brèche.

Jugez plutôt : Près de 60% des Américains se disent aujourd’hui partisan du libre-échange et non du protectionnisme que vantait Trump. Près de 60% des Américains pensent qu’il faut plus d’Etat, et récusent donc la déréglementation et la libéralisation que le nouveau président veut encore mettre en œuvre. Et la même proportion, toujours 60% des Américains, affirme que l’immigration aide leur pays, quand Trump veut y mettre fin, ériger des murs et renvoyer les clandestins. Je pourrais continuer ainsi, mais j’ajoute ce dernier chiffre : deux Américains sur trois veulent que leur président agissent contre le réchauffement climatique, dont le président avait pourtant dit qu’il était une invention destinée à faire payer l’Amérique.

La présidence n'est pas la télé-réalité

Que s’est-il passé pour que cette présidence se débine aussi vite ? On pourra bien sûr, invoquer, et ça n’a pas échappé aux Américains, l’impréparation, l’amateurisme des premiers pas, et l’équipe trop baroque du nouveau président. Comme l’a dit le prix Nobel d'économie, Paul Krugman au New Yok Times, "on ne gouverne pas l’Amérique comme une émission de télé-réalité".

Mais il y a une autre raison, une raison simple et puissante à ces débuts désastreux : Donald Trump a rencontré une chose déplaisante que s’appelle le réel, la réalité concrète. C’est sous ce choc fatal et prévisible que le président antisystème a enterré la plupart de ses promesses de campagne. Il a pris, par exemple, toute la mesure de l’extrême densité des relations économiques sino-américaines, et il ne veut plus, désormais, de guerre commerciale avec la Chine, mais d'une négociation de bon aloi pour tenter de rééquilibrer les échanges. Il est même tombé sous le charme du président Xi Jinping.

De même Donald Trump a-t-il changé de ton à l’adresse du Mexique, qui avait été pourtant très violemment pris à partie : on révisera certes certaines clauses du traité de libre échange, l’Alena, qui lie les Etats-Unis au Mexique et au Canada, mais on ne l’abolira plus.

Troisième exemple, le président a bien pris une directive pour chanter les louanges du Buy American Act, qui protège nombre de marchés publics américains de la concurrence étrangère, mais la législation, elle, restera en fait inchangée. Je pourrais ajouter aussi que le président ne parle plus, jusqu’ici au moins, des 1 000 milliards de dollars de grands travaux qu’il avait promis de lancer dès les débuts de son mandat.

Du trumpisme, il ne reste qu'un réthorique

Cette leçon ne vaut pas que pour l’Amérique. Donald Trump n’avait que deux choix possible : appliquer ses promesses démagogiques et irréalistes de campagne, et ruiner ainsi ses électeurs, surtout les plus fragiles qui paient toujours les pots cassés, et affaiblir son pays, ou trahir en jetant aux oubliettes ses folles promesses. Et le président a choisi, pour une bonne part, la trahison.

Il devrait gouverner aujourd’hui en libéral de droite, revenant dans la grande tradition du parti républicain. Trump a découvert le réel, la complexité du réel, le trumpisme s’y fracasse, au point que le nationalisme économique ultra du candidat, s’apparente aujourd’hui à un numéro largement rhétorique. Les 100 jours de Donald Trump pourrait ainsi devenir une fable : une fable qui montre l’illusion tragique de la table rase et du recommencement absolu. Cela ne signifie nullement qu’on ne puisse rien changer, bien au contraire, mais que la réforme patiente, exigeante, préparée, déterminée, coordonnée aura toujours plus de résultats que les coups de menton.

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