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Le décryptage éco. Fessenheim : une affaire pleine de non-dits et d’arrière-pensées

EDF et l’Etat ont trouvé mardi un compromis pour préparer la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim. Un dossier où aucun acteur n'assume ses positions.

Article rédigé par franceinfo, Vincent Giret
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Centrale nucléaire de Fessenheim, dans le Haut-Rhin, le 14 novembre 2013. (SEBASTIEN BOZON / AFP)

EDF et l’Etat ont trouvé mardi 24 janvier un compromis pour préparer la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim. Il n’y a pas dans cette affaire que des arrière-pensées, il y a beaucoup de non-dits et même une bonne dose de cynisme. Examinons, tour à tour, chacune des parties prenantes. François Hollande, d’abord, prince de l’ambiguïté et du double langage. Il s’était engagé il y a cinq ans, pendant la campagne électorale, à fermer la centrale de Fessenheim.

L’objectif semblait assumé : obtenir le soutien des écologistes au second tour de l’élection présidentielle. Il fallait un symbole, et après tout, François Hollande n’a fait qu’imiter François Mitterrand et Lionel Jospin, qui eux aussi avaient eu besoin des voix écologistes : le premier avait décrété l’arrêt de la construction de la centrale nucléaire de Plogoff et le second avait annoncé l’arrêt du réacteur à neutrons rapides Superphénix.

Les Français sont majoritairement favorables au nucléaire

Dans les deux cas, ces décisions avaient pour but de masquer la poursuite d’une politique délibérément très favorable au nucléaire. La vérité, c’est que les socialistes sont à l’image des Français, massivement favorables au nucléaire, ils estiment qu’il constitue un atout majeur pour l’économie française, mais ils répugnent à l’assumer ouvertement pour ne pas fâcher leurs alliés.

Et le dossier de Fessenheim vient illustrer à merveille l’ambiguïté socialiste : François Hollande pourra plaider qu’il a tenu sa promesse, in extremis, mais dans les faits, la centrale n’a pas été fermée au cours de son mandat, rien d’irréversible n’a été entrepris et donc rien n’empêcherait un prochain président, par exemple François Fillon, d’en décider autrement. 

Du côté de l’entreprise EDF   

Là aussi, il y a beaucoup de non-dits. L’entreprise, tout comme les salariés d’EDF, n’étaient pas favorables à la fermeture de Fessenheim, mais EDF a bien compris que la décision n’était pas irréversible. Et surtout, elle s’est servi de l’ambiguïté de l’Etat pour négocier au mieux et arracher des concessions : la fermeture de Fessenheim ne pourrait pas entrer en vigueur avant que l’EPR de Flamanville ne soit terminé et mis en fonctionnement. Et EDF a obtenu une compensation financière, en fixe et en part variable, jusqu’en 2041 s’il vous plaît. Cela s’appelle une négociation très politique, très bien menée.  

Du côté des salariés, il y a bien sûr la défense de l’emploi, mais pour bien comprendre, il faut faire un peu d’histoire, et se souvenir que la CGT avait marché main dans la main avec la direction de l’entreprise, alors presque en cogestion, pour bâtir le grand projet nucléaire français et construire les centrales. Le tout au nom d’une religion de l’électricité, et d’une certaine idée, très gaullienne, de l’indépendance de la France. Culturellement, politiquement, la CGT a toujours été favorable au nucléaire.   

Un dossier qui divise aussi les écologistes

Même si en façade, tous les dirigeants écologistes vous diront, la main sur le cœur, qu’ils exigent au nom de la sécurité et de la protection de l’environnement l’arrêt total et programmé du nucléaire, certains militants et experts en leur sein, notamment dans l’entourage de Nicolas Hulot, sont plus mesurés. Ils estiment que le nucléaire a, certes, des défauts, et même beaucoup de défauts, mais que dans le cadre de lutte contre le réchauffement climatique, le nucléaire est un moindre mal. Et même un atout décisif, au vu de l’urgence et de la gravité de la situation : le nucléaire n’émet pas plus de CO2 que l’éolien, il faut donc s'y résigner, plaident-ils, tant que les technologies ne résolvent pas le problème du stockage et de l’intermittence des énergies renouvelables.

D’autant, ajoutent ces experts, que l’autorité de sûreté nucléaire, aujourd’hui très crédible, a jugé sans risque le fonctionnement des deux réacteurs de Fessenheim pendant encore six ans. Dernier indice qu’on reparlera encore un certain temps de cette histoire bien française qu’est le feuilleton de Fessenheim.


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