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Le décryptage éco. Le plafonnement des indemnités prud'homales remis en cause... par les prud'hommes

Trois conseils de prud’hommes ont jugé la barémisation des indemnités prud'homales contraire aux conventions internationales. Une mesure phare d'Emmanuel Macron remise en cause. Le décryptage éco de Fanny Guinochet ("L'Opinion").

Article rédigé par franceinfo - Fanny Guinochet
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Un Code du travail posé sur une table du conseil des prud'hommes à Arles (Bouches-du-Rhone). (GERARD JULIEN / AFP)

C'était une mesure les plus importantes des ordonnances Macron réformant le Code du Travail. Emmanuel Macron y était très attaché. Il avait voulu, quand il était ministre de l’Economie, l’inscrire dans la loi El Khomri. Mais ne pouvant le faire à l’époque, il l’avait instaurée dans les ordonnances de 2017. 

Mais, en quelques jours, trois jugements de conseils des prud’hommes, un prononcé à Troyes, un autre à Amiens et un dernier à Lyon, ont estimé que le plafonnement des indemnités prud’homales était contraire à la convention 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT), que la France a signée et qui est applicable depuis sa ratification en 1989. La barémisation des indemnités prdud'homales, est ainsi remise en cause.

La convention 158 de l'OIT stipule qu’en cas de licenciement ou de rupture de contrat sans cause réelle et sérieuse le salarié doit pouvoir prétendre à "une indemnité adéquate" ou toute autre forme "de réparation appropriée". Ce que ne permet pas un barème préétabli comme celui instauré par les ordonnances réformant le Code du travail d’Emmanuel Macron adoptées en 2017. Ça ne permet pas aux juges d'apprécier les situations individuelles des salariés injustement licenciés.  

La loi résultant des ordonnances continue de s’appliquer et formellement, cela ne change pas grand-chose. Si demain, vous allez aux prud’hommes pour ce type de contentieux, le barème des indemnités s’appliquera.

Mais c’est une brèche importante qui s’ouvre. Car ces trois jugements vont sûrement se poursuivre en cours d’appel, voire en Cour de cassation, la plus haute juridiction dans l'ordre judiciaire, qui aura le dernier mot. Il n’est pas dit non plus que ces jugements ne fassent pas des petits. Ailleurs, d’autres juges prud’homaux seront tentés de faire de la résistance et se sentent habilités à contester le barème.

Une brèche pour les syndicats

Les juges font de la résistance. Pour eux, c’est une prérogative qui leur a été enlevée. Ils n'ont plus le pouvoir souverain de déterminer le montant des dommages et intérêts qu'ils souhaitent en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Ils sont tenus de respecter des planchers et des plafonds déterminés selon l'ancienneté du salarié. Ils ne sont pas les seuls à combattre la mesure. Tous les syndicats, y compris la CFDT, étaient contre : ils risquent aussi de se saisir de ces litiges.

C'est un sérieux coup porté à une mesure phare de la réforme du Code du travail. Le gouvernement expliquait que la barémisation permettrait d’harmoniser les jugements sur le territoire, mais aussi et surtout de freiner la peur de l’embauche du côté des patrons. Notamment des chefs d’entreprise de petites structures, qui disaient ne pas oser embaucher, par crainte de se voir traîner ensuite devant les prud’hommes quand ils voulaient licencier. Ce dispositif a pour objectif de mieux prévoir le cout des licenciements pour les entreprises et donc de faire baisser le chômage,

Or, on voit bien que pour le moment, on n’y est pas parvenu puisque l’on a encore un taux de chômage à 9%. Et en attendant, ces trois jugements créent de l’incertitude juridique là où l'exécutif, précisément, voulait en enlever.

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