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Le décryptage éco. Pourquoi la direction bloque quand le personnel gréviste réclame une hausse des salaires ?

La grève chez Air France jeudi semble suivie. Les salariés demandent une augmentation générale des salaires de 6%, mais il n'est pas sûr que la compagnie puisse se le permettre.

Article rédigé par franceinfo - Fanny Guinochet (L'Opinion)
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
La grève chez Air France semble bien suivie jeudi 22 février. (MAXPPP)

Les salariés d'Air France en grève jeudi 22 février, estiment que la compagnie est en capacité d’augmenter les salaires des membres du personnel. Ils sont tous d’accord, pilotes, navigants, agents du sol, pour des revendications qui se basent sur les résultats record d’Air France-KLM en 2017 : 1,488 milliard d'euros de bénéfice, soit une hausse de 42%. Et ce, après des années d’efforts, avec des plans de redressement qui se sont succédé. Durant ces années,  les salaires ont été gelés, les RTT rognées. On comprend que les salariés veuillent leur part du gâteau.  

Une direction sourde aux revendications

La direction estime qu’il ne faut pas s’en tenir à ce seul indicateur. Si la compagnie va mieux, elle reste largement convalescente. Air France a encore plus de 5 milliards d’euros de dette. Par ailleurs, si on regarde la marge opérationnelle de la compagnie aérienne, c’est-à-dire ce ratio qui permet d’estimer la rentabilité de l’entreprise, on voit qu’Air France n’est pas très compétitive dans un marché hyper concurrentiel, notamment avec les low cost. Elle affiche 4% de marge opérationnelle, alors que British Airways fait 12%, Lufthansa 9%, et KLM 9%. D’ailleurs, les bons résultats du groupe l’année dernière sont en bonne partie dus aux performances de KLM, la partie néerlandaise du groupe. Sur le 1,5 milliard euros de bénéfice, un tiers a été réalisé pour la partie française.

De bons résultats, à relativiser

La compagnie est en bonne santé, en raison des efforts de productivité, grâce aussi à la nouvelle compagnie Joon qu’elle a lancée, mais aussi en grande partie parce qu’Air France a bénéficié, comme ses concurrents, d’un environnement favorable, avec des prix du pétrole en baisse, ou encore une hausse générale du trafic. Il y a donc beaucoup d’éléments conjoncturels qui entrent en ligne de compte. Conséquence : c’est assez fragile. Dans ce contexte, la direction estime qu’alourdir ses charges serait irresponsable. Une augmentation des salaires de 6% pour tous, c’est-à-dire pour les 45 000 salariés, cela représenterait 240 millions d’euros, explique Jean-Marc Janaillac, le patron d’Air France.

Une direction frileuse

Pour la direction, augmenter les salaires freinerait les investissements. En effet, pour Air France, ça "alourdit la masse salariale", aux dépens d’investissements pour se moderniser. Du coup, Air France joue sur d’autres leviers, ce qui est assez classique, comme les primes, versées une fois, ou encore l’intéressement. La direction prévoit de reverser 20% du résultat d’exploitation de 2017. Cela devrait faire 130 millions d’euros de distribués aux salariés pour 2017, soit pour un pilote, en moyenne 8 000 euros de prime d’intéressement, 2 400 euros pour une hôtesse ou un steward et 2 200 euros pour un salarié au sol. Puis, elle versera quand même une hausse générale de 1% en deux fois cette année. C’est la première fois qu’elle peut faire des augmentations collectives depuis 7 ans. Mais visiblement, tout ça ne convainc pas. Cette grève ne devrait pas dépasser 24 heures, mais il pourrait bien y avoir d’autres mouvements en mars.     

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