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Le décryptage éco. Quand le FN voulait créer ses propres syndicats

Vincent Giret décrypte les programmes de Marine Le Pen et d’Emmanuel Macron dans le domaine social : quelles relations veulent-ils avoir avec les partenaires sociaux, avec les syndicats ?

Article rédigé par franceinfo, Vincent Giret
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Emmanuel Macron et Marine Le Pen, le 24 avril 2017 et le 18 mai 2015.  (JEAN-SEBASTIEN EVRARD / AFP)

Emmanuel Macron et Marine Le Pen sont deux candidats de rupture dans le domaine des relations sociales. Deux ruptures opposées : une rupture totale et radicale du coté de Marine Le Pen, et une rupture culturelle et contractuelle du côté d’Emmanuel Macron. Et cette question des relations avec les partenaires sociaux est importante parce qu’elle dit beaucoup sur l’art et la manière de gouverner, de réformer et de chercher de nouveaux équilibres dans la société, des équilibres acceptables par le plus grand nombre, sans mettre la France sans dessus-dessous.

Un cas d'école : Whirlpool

Mercredi 26 avril, on a pu presque visualiser ces deux conceptions du social lorsque les candidats se sont rendus tous les deux à Amiens auprès des salariés de Whirlpool. Emmanuel Macron a souhaité rencontrer d’abord à huis clos et pendant une heure et demi l’intersyndicale, c’est à dire les représentants élus des salariés, ceux qui négocient avec la direction de Whirpool, Avant de se rendre par la suite devant l’usine pour dialoguer avec les grévistes. Marine Le Pen, de son côté, s’est rendue directement auprès des salariés, sur le parking de l’usine, balayant d’un revers de main l’idée même d’aller rencontrer l’intersyndicale : les syndicats ne servent à rien, ne sont représentatifs de rien et défendent d’abord leur poste à eux, ont expliqué la candidate et son équipe. En fait la question syndicale n’est évoquée qu’une seule fois dans les 144 points du programme Le Pen, pour défendre la suppression du monopole de représentativité syndicale et instaurer des contrôles plus stricts de leur financement.

Le FN et la stratégie d'entrisme syndical

Pourtant le Front national a tenté dans le passé de créer ses propres syndicats; C’est une histoire peu connue et totalement oubliée aujourd’hui. Le Front national a créé dans les années 1990 des syndicats et des sections syndicales. On avait ainsi vu apparaître FN RATP, FN Poste, FN Pénitentiaire, FN Education nationale, FN des locataires, FN salariés de la presse, une Coordination française nationale des travailleurs et même un syndicat patronal, la Fédération nationale entreprises modernes et libertés.

Le problème, c’est que les syndicats traditionnels et représentatifs et notamment la CFDT ont attaqué en justice ces pseudo-syndicats, que la justice les a tous invalidés et que ces syndicats FN ont donc tous disparu en 1998. En fait, il s’agissait pour le Front national d’une stratégie politique d’entrisme syndical, pour tenter de conquérir le vote ouvrier. Une stratégie qui avait été théorisée par l’un de ses leaders d’alors, Bruno Mégret, qui a depuis quitté le FN. L’affaire en est restée là. Et depuis que cette stratégie a été mise en échec, le FN défend une position de mépris syndical et de suspicion. Bref, pour gouverner, Marine Le Pen s’en passerait, cherchant d’abord à les contourner et à réduire leur influence.

En Marche et l'inflexion à la scandinave

Emmanuel Macron veut aussi changer les règles du jeu syndical. Mais d’une tout autre manière. Et dans un double mouvement. Premier temps, il retirerait aux syndicats et partenaires sociaux la gestion des grands risques, à travers ce qu’on appelle le paritarisme, la gestion notamment de l’assurance chômage et d’une grande partie de la formation professionnelle. Emmanuel Macron estime que c’est à l’Etat de reprendre la main, d’assumer ses responsabilités et qu’on ne peut pas demander aux syndicats de salariés et des patrons de s’entendre sur des réformes difficiles dans ces domaines. Il prend acte de l’échec des tentatives passées de réformes en la matière. Et c’est là une vraie rupture.

En revanche, le candidat d’En Marche ! ne conteste nullement la représentativité des syndicats, mieux il souhaite la renforcer. Et, c’est le deuxième mouvement : donner plus de responsabilités aux partenaires sociaux au sein de l’entreprise et de la branche pour négocier des accords et des compromis au plus près des réalités du terrain. C’est une inflexion forte, directement inspirée du modèle scandinave. Et dans ce pays très vertical, ce serait déjà une sacrée révolution culturelle.

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