Le Portugal va-t-il tourner le dos à la politique d'austérité ?
C’est une situation très inconfortable dans laquelle se trouve aujourd’hui le Portugal. La droite avait bien remporté les élections législatives avec près de 40% des voix, on en avait même salué la prouesse pour un parti qui avait mené pendant quatre ans une politique intransigeante d’austérité, mais elle avait toutefois perdue sa majorité absolue, et s'est retrouvée fragilisée.
Son gouvernement vient d’être renversé de manière inattendue par une coalition de gauche très hétéroclite et totalement inédite depuis la révolution des œillets en 1974. Il y a là des socialistes, et trois partis de la gauche radicale: le "Bloc de gauche", un parti anti-austérité proche des grecs de Syriza, le parti communiste, ultra-orthodoxe au Portugal, et enfin les écologistes. On attend donc aujourd’hui la décision du président de la République portuguais : soit il confie les rênes du pouvoir à cette coalition hétéroclite, soit il nomme un premier ministre de transition, qui dirigera un gouvernement technique, en attendant les prochaines élections qui ne pourront pas se tenir avant la fin du printemps prochain pour des raisons constitutionnelles. Avec un vrai risque : celui de la paralysie totale du pays.
Quel serait le programme de la gauche si elle parvenait au pouvoir ?
C’est toute la question. Jusqu’ici la crise qui a frappé l’Europe avait peu profité à la gauche, seul un petit tiers des pays de l’Union est aujourd’hui dirigé par un ou des partis de gauche. Et tous, même les Grecs de Syriza, mènent ou ont fini par mener des politiques d’ajustement en phase avec les règles européennes.
Au Portugal, l’alliance des gauches est plutôt baroque. D’un côté le parti socialiste, très européen, veut incarner une austérité plus douce, tandis que ces alliés du jour réclament, eux, une renégociation de la dette, il est vraie colossale, et un changement radical des traités européens. Ils ont pourtant trouvé entre eux un compromis laborieux, qui prévoit bien la fin des mesures d’austérité, avec le rétablissement du niveau de salaires des fonctionnaires, qui avaient beaucoup diminué, ainsi qu'une augmentation des retraites et une hausse du salaire minimum.
Vers une nouvelle crise entre l’Europe et l’un des membres de la zone euro ?
C’est tout à fait possible. Le paradoxe, c’est que la majorité des Portugais n’ont pas encore ressenti une nette amélioration de leur vie quotidienne, alors que globalement, les indicateurs du pays sont repassés dans le vert . La croissance est enfin revenue, moins forte que dans l’Espagne voisine, mais plus forte qu’en France, le déficit est repassé sous la barre des 3%, et le chômage a commencé à fortement diminuer. La gauche fait donc le pari qu’il y a maintenant des marges de manœuvre et qu’elle peut profiter du rétablissement de l’économie opéré par la droite. Mais les partis qui la composent sauront-ils s’entendre sur la durée, ne pas casser la dynamique dans laquelle se trouve le pays, et négocier avec Bruxelles un assouplissement sans psychodrame ? C’est toute la question qui agite ce matin d’abord les Portugais mais également leurs partenaires européens.
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