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Les 35 heures influencent la vie des couples

La querelle sur les 35 heures ne quitte pas l’actualité, après l’accord donné vendredi par les salariés du site automobile de Daimler, en Moselle, pour travailler 39 heures en échange d’une garantie de l’emploi, une étude éclaire d’un jour nouveau la réalité du temps de travail en France.
Article rédigé par Vincent Giret
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Franceinfo (Franceinfo)

Il s’agit vraiment d’une étude très originale et très sérieuse, réalisée par le sociologue Eric Maurin, connu pour avoir travaillé sur la peur du déclassement. Dans son nouveau livre qui vient de paraître, Maurin s’intéresse au conformisme, ou plus précisément aux effets d’entrainement, de suivisme, d’influence, à notre capacité de nous aligner sur le comportement de ceux qui nous sont le plus proches. Et figurez-vous que ce chercheur s’est ainsi intéressé, à ce qui s’était passé pour les couples, quand l’un des conjoints a bénéficié d’un accord de réduction du temps de travail et qu’il est passé donc aux 35 heures. L’interrogation du sociologue était la suivante : ont-ils réduit eux aussi leur propre temps de travail, afin par exemple de passer plus de temps en famille ; ou ont-ils, au contraire, saisi l’opportunité d’une plus grande disponibilité de leur partenaire pour s’investir eux-mêmes davantage dans leur profession, dans leur travail ? Et bien la comparaison ne laisse aucun doute : le conjoint – surtout quand c’est la femme qui a bénéficié des 35 heures,  a arbitré lui aussi en faveur d’une nette réduction de son temps de travail, par un phénomène que ce sociologue appelle joliment  "de capillarité conjugale". Chez les cadres, le phénomène est même encore amplifié. Les 35 heures ont donc bien eu  "d’importants effets d’entrainement", bien au delà des seuls salariés directement concernés.

Et quand ce sont les hommes qui ont bénéficié des 35 heures, est-ce que ça a eu un impact sur le temps de travail de leur compagne ? 

Quand les métiers se ressemblent, notamment les métiers de cadres, le phénomène est identique, le compagnon s’arrange lui aussi pour moins travailler. Mais quand il y a des enfants, et une différenciation des métiers, alors le phénomène s’inverse : quand le père est passé aux 35 heures, et bien le temps de travail des mères a souvent augmenté. C’est un autre effet méconnu des 35 heures, et la réforme a donc souvent favorisé un rééquilibrage des temps passés par les parents auprès de leurs enfants.

Quelles conclusions en tire votre sociologue  ?

Au moins deux conclusions. D’abord que la société n’est jamais modelée par l’action publique tel que le pouvoir voudrait qu’elle le soit. La grande loi tombant d’en haut et s’appliquant de manière plus ou moins uniforme à tous semble désormais totalement vaine. Dans la réalité, ceux qui sont concernés se chargent toujours d’en modifier le cours, la portée, la cible... Voilà une réflexion majeure pour les politiques publiques.

La 2ème conclusion, c’est l’importance de ce que Maurin appelle le couple contemporain : le couple devient le lieu d’amplification des grandes évolutions de la société. Le couple est le lieu des grands arbitrages. Autant dire que cette dimension-là, ces interactions là n’ont jamais été pensées par tout ceux qui décident des politiques publiques, qu’il s’agisse du temps de travail, ou de l’âge du passage effectif à la retraite par exemple. C’est tout le mérite du livre d’Eric Maurin.

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