Pourquoi le Tafta est (très) mal parti
Ce projet de traité transatlantique est très mal en point, et cela bien au delà des seules positions de la France. Et je vais essayer de vous expliquer pourquoi. Il faut redire d’abord, Fabienne, l’ambition initiale du projet : créer une vaste de zone de libre échange entre les deux plus premiers espaces économiques mondiaux, c’est à dire les Etats-Unis et l’Europe. Ce projet repose sur une conviction forte : l’ouverture plus grandes des marchés, la suppression de barrières commerciales, l’harmonisation des règles et des normes, tout cela dope fortement l’activité économique, et donc la croissance. Il y a là une réalité incontestable : le désarmement douanier sur lequel a reposé la mondialisation progressive de l’économie depuis 1945, a été un prodigieux facteur d’enrichissement dans le monde. Voilà pourquoi de 2013, l’Europe et les Etats-Unis tentent d’aller plus loin, et négocient, pied à pied, la création de cette immense zone de libre-échange. C’est une négociation extrêmement complexe, qui concernent des centaines de lois, de règles, de normes et il y a déjà eu treize rounds de discussions sans que les choses aient d’ailleurs beaucoup avancé.
Pourquoi cette négociation suscite-t-elle tant d’inquiétudes ?
Cette négociation se déroulant dans le plus grand secret, il est bien difficile de démêler leurs peurs, les fantasmes, et les vrais dangers eux, déjà identifiés et justifiés. Le commerce, c’est aussi une culture, la plupart des pays européens ne veulent renoncer ni à leur modèle, ni à leurs appellations, ni à certaines normes sociales, environnementales ou culturelles, et cela est bien compréhensible. Et cette semaine, une fuite de documents confidentiels, très techniques, sur l’état de ces négociations qui a mis le feu aux poudres. Il y a une grande sensibilité d’une partie de l’opinion, en France et plus encore en Allemagne sur ces sujets où ce projet de traité a donné lieu à des pétitions massives. La pression politique s’accroît depuis plusieurs semaines. La France avait déjà manifesté sa mauvaise humeur, plusieurs voix dans l’opposition, comme celle de François Fillon, demandaient à la France de claquer la porte. François Hollande l’a donc fait hier.
Les négociations vont s’arrêter ?
A priori, non elles devraient se poursuivre. C’est Bruxelles qui négocie, mais la France aura comme les autres Etats un droit de veto. Mais si ce projet de traité paraît quand même très mal en point, c’est parce qu’aux Etats-Unis il est aussi devenu un enjeu politique au cours des primaires de l’élection présidentielle. Sanders, côté démocrate et plus encore Trump, pour les Républicains ont fait de la critique du libre échange le point fort de leur campagne respective. Dans des registres, il est vrai très différents, tous les deux ont dénoncé les dégâts du libre-échange, qui a fait aussi beaucoup de perdants : la concurrence chinoise a eu, par exemple, des conséquences dramatiques sur plusieurs grandes bastions industriels américains. Et les emplois détruits ne seront pas compensés de sitôt. Et ce vent de colère contre le libre-échange laisse penser qu’il sera très difficile de conclure à l’avenir une nouvelle génération d’accords de libéralisation commerciale.
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