Qu'apprend-on du premier acte de l'élection présidentielle américaine ?
Oui, il ne faut pas se laisser trop abuser. - même si c’est aussi une réalité américaine - par les appels à la prière de Ted Cruz, prêcheur évangéliste, se présentant en "serviteur de Dieu" dans ce petit Etat du Midwest, très atypique et fortement rural. Non, l’essentiel des premiers débats de cette interminable compétition ont tourné autour de l’état de santé de l’économie américaine. Et cela peut sembler, vue de Paris, à priori, un peu déconcertant, tant l’Amérique a changé de visage au cours des deux mandats de Barak Obama : c’est peu dire que l’actuel président des Etats-Unis laisse un pays en bien meilleur état qu’à son arrivée à la Maison blanche en 2009. L’Amérique avait été l’épicentre d’un séisme financier à la violence inégalée depuis la grande crise de 1929, les banques chancelaient dangereusement, les faillites et les licenciements déferlaient, tandis que le feu de la crise se transmettait à toute la planète financière mondiale. Le rétablissement paraît aujourd’hui spectaculaire, même si le redémarrage fut long et pénible, la croissance est revenue et avec elle plusieurs millions de créations d’emplois, l’Amérique réaffirmant la domination mondiale de son économie et son leadership incontesté en matière d’innovation.
Et pourtant, ce n’est pas ce que ressentent une majorité d’Américains, semble-t-il…
Oui, c’est toute la différence entre la macro-économie, les grands agrégats de chiffres vus de tout en haut et la micro-économie ressentie par les Américains dans leur vie quotidienne. Et c’est aussi tout le paradoxe de l’économie américaine que l’on peut mesurer en deux chiffres : l’apparent plein emploi cache en fait une réalité beaucoup plus crue : plusieurs millions d’Américains sont sortis du marché de l’emploi, et donc des statistiques depuis la crise. Il n’y a que 62% des Américains en âge de travailler qui participent réellement au marché de l’emploi, ce taux n’a jamais été aussi faible depuis 40 ans. Le deuxième chiffre noir, et il n’est pas sans lien avec le premier, c’est celui des salaires : en dépit de la reprise, en dépit de la croissance et des millions d’emplois créés, le salaire moyen américain ne progresse pas, il reste désespérément "flat", et cela depuis plusieurs décennies.
Et ces deux réalités bouleversent le jeu politique traditionnel aux Etats-Unis...
Oui, et c’est en même assez stupéfiant. Il faut se pincer parfois pour le croire, dans ce grand pays, héraut de la mondialisation, la campagne électorale se joue actuellement sur des thématiques assez classique de gauche. Donald Trump, chez les Républicains, défend l’intervention de l’Etat et un protectionnisme aux antipodes de dogmes traditionnels de son parti. Et chez les Démocrates, la montée en puissance d’un candidat très à gauche, Bernie Sanders, a contraint Hilary Clinton à s’aligner sur l’aile la plus à gauche de son parti, en prenant position par exemple, contre le traité de libre échange signé avec les pays riverains du Pacifique ou en annonçant de nouveaux impôts. La crise de 2007-2008 a bien transformé en profondeur l’Amérique, et c’est cette réalité là qui s’invite aujourd’hui dans la campagne.
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