Jean-Marie Le Pen et la guerre d'Algérie : "Il y a peut-être dans cette façon de faire de la politique une mémoire de la revanche à l'œuvre", explique l'historien Benjamin Stora
"Toute la mémoire politique [de Jean-Marie Le Pen] est celle la nostalgie, d'une grande France de l'empire, qui aurait été selon lui trahie et abandonnée par les différents leaders politiques français", explique Benjamin Stora, spécialiste de l'Algérie et de l'histoire de la colonisation, au lendemain de la mort Jean-Marie Le Pen survenue mardi 7 janvier.
L'histoire de cette période croise celles de Jean-Marie Le Pen et du Front national, selon le spécialiste : "Jean-Marie Le Pen est fondamentalement un homme de la IVe République, et c'est le moment où l'empire colonial vacille", décrit l'historien. "Arrivé trop tard" pour la guerre d'Indochine, "il compte bien se rattraper en Algérie", affirme-t-il.
Une guerre féroce et perdue
Or, la guerre d'Algérie reste un point noir notoire de l'histoire de France, à cause de la pratique de la torture et des exécutions sommaires qui y ont été pratiquées. Si Jean-Marie Le Pen avait admis en 1962 avoir pratiqué la torture avant de se rétracter, "les preuves sont celles de témoignages recueillis par une journaliste du Monde, Florence Beaugé," qui ont été jugées "assez irréfutables", indique l'historien.
Ces témoignages d'Algériens ont d'ailleurs permis à la justice de trancher, lorsque Jean-Marie Le Pen a porté plainte contre cette enquête, qui le mettait en cause pendant la bataille d'Alger en 1957. "Mais ce que je précisais, et qui a fait l'objet d'une discussion, ajoute toutefois l'historien, c'est que Jean-Marie Le Pen n'était qu'un exécutant, ce n'était pas un décideur. Les décideurs sont ceux qui étaient au pouvoir, c'est-à-dire Robert Lacoste [responsable de la SFIO] et François Mitterrand [alors ministre de la Justice] en particulier", rappelle-t-il, deux figures de la gauche socialiste, précise-t-il.
Les années 80
Le succès de Jean-Marie Le Pen s'est ensuite révélé dans les années 80, et cela s'explique avec l'expansion de l'immigration algérienne, "sur laquelle il s'est focalisé", décrit Benjamin Stora. Le cofondateur du Front national a alors concentré la plupart de ses discours contre les Algériens, raconte l'historien, avec cette question : "Vous avez voulu l'indépendance de l'Algérie, alors pourquoi cette poursuite de l'immigration algérienne vers la France ?" S'est ensuivie "toute une série de discours prononcés lors des années 80, 90, 2000, décrit le spécialiste, sur cette invasion algérienne en France, qui en fait faisait appel au ressort de la mémoire de l'Algérie française perdue", "une mémoire de la revanche".
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