Mort de Jean-Marie Le Pen : on a listé ses nombreuses condamnations par la justice
Jean-Marie Le Pen était un habitué des prétoires. L'ancien président du Front national, mort à l'âge de 96 ans mardi 7 janvier, a été condamné à de multiples reprises au cours de sa carrière politique, notamment à la fin des années 1980 pour ses propos sur les chambres à gaz, qu'il qualifiait de "détail de l'histoire" de la Seconde Guerre mondiale. "Je décidai (...) de me battre jusqu'au bout à chaque agression judiciaire", écrivait-il dans ses mémoires, Jean-Marie Le Pen, fils de la nation, parus en mars 2018.
Connu pour ses déclarations sulfureuses et provocations verbales, le fondateur du parti d'extrême droite a en revanche échappé à un dernier rendez-vous avec la justice fin 2024. En raison de son état de santé, il avait été exempté de procès dans l'affaire des assistants parlementaires européens du Front national. Franceinfo revient sur ses principaux démêlés judiciaires.
En 1964, après une bagarre boulevard Saint-Germain
Jean-Claude Mouchotte est étudiant en médecine quand il croise la route de Jean-Marie Le Pen le 24 février 1960 sur le boulevard Saint-Germain. Frôlé par une voiture conduite par le futur leader du Front national, relate Le Monde, il fait un geste en direction de celui qui est alors député de la 3e circonscription de la Seine. Ce dernier répond en l'insultant, sort de son véhicule et le frappe. Jean-Claude Mouchotte finit assommé, une dent cassée et une arcade sourcilière fendue. Jean-Marie Le Pen est condamné en 1964 pour "coups et blessures volontaires", rapporte L'Express.
En 1968, pour avoir édité un disque de chants nazis
Peu après avoir perdu son mandat de député aux élections législatives de 1962, l'homme politique lance, un an plus tard, sa propre maison d'édition de disques, la Société d'étude et de relation publique (Serp). Ce qui lui vaut, six ans plus tard, d'être condamné à 10 000 francs (environ 1 500 euros) et deux mois de prison avec sursis pour "apologie de crime de guerre et complicité", rappellent Philippe Cohen et Pierre Péan dans leur livre Le Pen, une histoire française . En cause, le disque Le IIIe Reich – Voix et chants de la révolution allemande, sorti par la maison de disques et sur la pochette duquel on peut lire : "La montée vers le pouvoir d'Adolf Hitler et du Parti national-socialiste fut caractérisée par un puissant mouvement de masse, somme toute populaire et démocratique, puisqu'il triomphera à la suite de consultations électorales régulières, circonstances généralement oubliées..."
En 1986, pour "antisémitisme insidieux"
Pendant la fête du Front national au Bourget (Seine-Saint-Denis), en 1985, Jean-Marie Le Pen prend la parole. "Je dédie votre accueil à Jean-François Kahn, à Jean Daniel, à Yvan Levaï, à Elkabbach, à tous les menteurs de la presse de ce pays, déclare-t-il. Ces gens-là sont la honte de leur profession. Monsieur Lustiger me pardonnera ce moment de colère, puisque même Jésus le connut lorsqu'il chassa les marchands du temple, ce que nous allons faire pour notre pays." Pour ces propos, qualifiés d'"antisémitisme insidieux", il est condamné en 1986 à payer un franc symbolique. Une décision validée par la Cour de cassation deux ans plus tard, note L'Obs.
En 1987, après ses propos sur l'"invasion" de la France
En 1984, Jean-Marie Le Pen est invité dans l'émission "L'Heure de vérité" sur Antenne 2. C'est la première fois que le responsable d'extrême droite bénéficie d'une telle tribune télévisuelle. Il profite de l'audience pour dénoncer "la véritable invasion qui est en train de se produire dans notre pays, la constitution de villes étrangères". Il compare également l'avortement à un génocide. Il est condamné trois ans plus tard par le tribunal de Paris à 3 000 francs d'amende (environ 450 euros) pour "provocation à la haine, la discrimination et la violence raciale".
En 1990, pour le premier épisode du "détail de l'histoire"
Jean-Marie Le Pen n'a eu de cesse d'employer cette expression. Le 13 septembre 1987, invité de l'émission "Grand Jury" diffusée sur RTL et Le Monde, il qualifie, pour la première fois, les chambres à gaz de "détail de l'histoire". "Je me pose un certain nombre de questions, explique-t-il alors. Je ne dis pas que les chambres à gaz n'ont pas existé. Je n'ai pas pu moi-même en voir. Je n'ai pas étudié la question. Mais je crois que c'est un point de détail de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale." Le tollé est général en France, même certains membres du FN claquent la porte.
En mai 1990, il est condamné à verser un franc symbolique de dommages et intérêts aux dix associations qui ont porté plainte contre lui. Le jugement estime que les propos du président du Front national sont "de nature à remettre en cause, à banaliser ou, pour le moins, rendre moins spécifiquement dramatiques les persécutions et les souffrances infligées aux déportés, et plus particulièrement aux Juifs et aux Tziganes par les nazis". L'année suivante, la peine est alourdie en appel, comme le rapporte Le Monde(Nouvelle fenêtre) à l'époque, avec près de 1,2 million de francs (182 000 euros) à verser au total.
En 1991, après le jeu de mots "Durafour-crématoire"
La chemise entrouverte, les manches retroussées, le poing levé, Jean-Marie Le Pen déclare à la tribune de l'université d'été 1988 du FN : "M. Durafour-crématoire, merci de cet aveu !" Il vise le ministre de la Fonction publique de l'époque, Michel Durafour, qui s'était alarmé de la progression du Front national dans les urnes. Au moment du discours, Jean-Marie le Pen est protégé par l'immunité de son mandat de parlementaire européen, mais cette dernière est levée en 1989. Il est condamné à 10 000 francs d'amende (1 500 euros) pour "injure publique".
En 1992, pour diffamation
En 1992, Jean-Marie Le Pen est condamné pour diffamation après avoir qualifié le député socialiste Jean-Chrisopthe Cambadélis d'"ami des organisations terroristes allemandes", au terme d'une réunion du conseil national du Front national, relate Le Monde. Il doit payer un franc de dommages et intérêts.
En 1995, après un redressement fiscal
Jean-Marie Le Pen est condamné par le tribunal administratif de Paris à un redressement fiscal, en 1995, pour "sous-estimation de loyer". En effet, le leader d'extrême droite ne payait qu'un faible loyer pour la villa Montretout de Saint-Cloud, dont il était propriétaire via une SCI, un montage financier pour réduire ses revenus déclarés, précise Libération. La justice était aussi intriguée par la différence significative entre l'état de ses comptes bancaires et sa déclaration de revenus, ainsi que par "l'oubli de plus-values (...) lui ayant rapporté 754 000 francs en 1979 et 391 000 francs en 1980", détaille le quotidien.
En 1997, pour avoir traité le président de SOS Racisme de "gros zébu fou"
En 1996, le patron du FN s'en prend à Fodé Sylla, alors président de SOS Racisme, qui l'accuse d'avoir "du sang sur les mains" à propos de l'affaire du cimetière juif de Carpentras, profané par des néonazis en 1990. En réponse, Jean-Marie Le Pen évoque les "délires du gros zébu fou Fodé Sylla". En 1997, il est condamné à 5 000 francs (environ 750 euros) d'amende.
En 1997, pour le deuxième épisode du "détail de l'histoire"
En 1997, Jean-Marie Le Pen réitère ses propos sur la Shoah. "Dans un livre de 1 000 pages sur la Seconde Guerre mondiale, les camps de concentration occupent deux pages et les chambres à gaz dix à quinze lignes, ce qui s'appelle un détail", déclare-t-il lors d'une conférence de presse le 5 décembre à Munich (Allemagne). Il est rapidement poursuivi pour contestation de crime contre l'humanité et condamné, le 26 décembre 1997, par le tribunal de Nanterre (Hauts-de-Seine), à verser jusqu'à 5 000 francs (750 euros) à onze associations. Un jugement confirmé en appel en 1999.
En 1998, après une bagarre en pleine campagne
La socialiste Annette Peulvast-Bergeal affronte Marie-Caroline Le Pen aux législatives de 1997 dans la huitième circonscription des Yvelines. En déplacement à Mantes-la-Jolie, sur les terres que convoite sa fille, Jean-Marie Le Pen est apostrophé par des manifestants opposés à l'extrême droite. Des échauffourées éclatent, avec la participation active du patriarche, filmé par les caméras de télévision. La députée socialiste s'en sort avec des griffures et trois jours d'interruption temporaire de travail. Le président du FN est condamné en appel en 1998 à un an d'inéligibilité et trois mois de prison avec sursis pour ces faits de violences. Une décision confirmée en cassation un an plus tard.
En 1998, pour avoir évoqué la décapitation de Catherine Trautmann
Entre les deux tours des législatives, Jean-Marie Le Pen exhibe un buste en carton à l'effigie de la socialiste Catherine Trautmann, alors ministre de la Culture, et déclare : "J'offre sa tête à Marie-France Stirbois [son opposante] puisque le PS a eu la déloyauté de retirer son candidat en faveur du RPR." Pour cette mise en scène jugée "macabre et choquante" par les juges, Jean-Marie le Pen est condamné, en septembre 1998, à verser un franc symbolique de dommages et intérêts à Catherine Trautmann, relate Libération.
En 2005, après des déclarations sur les musulmans
"Le jour où nous aurons en France, non plus 5 millions mais 25 millions de musulmans, ce sont eux qui commanderont. Et les Français raseront les murs, descendront des trottoirs en baissant les yeux", affirme Jean-Marie Le Pen dans Le Monde le 19 avril 2003. Une interview qui lui vaut deux ans plus tard une condamnation en appel à 10 000 euros d'amende pour incitation à la haine raciale.
En 2008, après son interview dans "Rivarol"
Jean-Marie Le Pen accorde, en 2005, un entretien au journal d'extrême droite Rivarol. "En France, du moins, l'Occupation allemande n'a pas été particulièrement inhumaine, même s'il y eut des bavures, inévitables dans un pays de 550 000 km2", lance-t-il. Pour ces propos, il est condamné en appel en 2009 pour "contestation de crime contre l'humanité". Jean-Marie Le Pen saisit la Cour européenne des droits de l'homme mais il est débouté, rappelle L'Express.
En 2013, pour des propos sur les Roms
Jean-Marie Le Pen comparaît en première instance pour avoir déclaré en 2012, lors de l'université d'été du FN, que les Roms "comme les oiseaux, [volent] naturellement". Un an plus tard, le tribunal correctionnel de Paris le déclare coupable "d'injure publique envers un groupe de personnes en raison de son appartenance à une ethnie" et le condamne à 5 000 euros d'amende. Une décision confirmée en appel puis en cassation.
En 2016, après de nouveaux propos sur les Roms
Jean-Marie Le Pen réitère ses propos à l'égard de la communauté rom en qualifiant leur présence à Nice d'"urticante" et "odorante" lors d'une conférence de presse en 2013. Trois ans plus tard, le président d'honneur du Front national est condamné en première instance à 5 000 euros d'amende pour "provocation à la haine et à la discrimination ethniques". "Ce sont des termes que je maintiens parce que je les ai pensés", lance-t-il en appel en février 2017. La justice confirme la décision.
En 2017, pour le troisième épisode du "détail de l'histoire"
Jean-Marie Le Pen récidive en 2015 sur BFMTV : "Ce que j'ai dit correspondait à ma pensée : que les chambres à gaz étaient un détail de l'histoire de la guerre à moins d'admettre que la guerre soit un détail des chambres à gaz." Et d'ajouter : "Je maintiens parce que je crois que c'est la vérité et que ça ne devrait choquer personne." En 2017, il est condamné en appel à 30 000 euros d'amende pour "contestation de crime contre l'humanité". Une condamnation confirmée en 2018 en cassation.
En 2019, pour des déclarations homophobes
Jean-Marie Le Pen a à plusieurs reprises ciblé les homosexuels dans ses prises de parole. "L'abaissement des règles morales est une constante d'une société décadente, et je crois que la pédophilie, qui a trouvé ses lettres de noblesse – interdites, mais tout de même – dans l'exaltation de l'homosexualité, met en cause toutes les professions qui approchent l'enfance et la jeunesse", affirme-t-il en mars 2016 dans une vidéo.
En avril 2017, il commente ainsi l'hommage rendu à Xavier Jugelé, le policier tué dans l'attentat des Champs-Elysées, au cours duquel son compagnon s'est exprimé : "Il m'a semblé qu'il y avait dans cette cérémonie une équivoque et qu'on rendait plutôt hommage à l'homosexuel qu'au policier." Pour ces injures publiques visant les homosexuels, il a été condamné en appel à 2 400 euros d'amende en 2019.
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