Prise d'Alep : "le mouvement HTS a vu une fenêtre d'opportunité s'ouvrir", analyse le journaliste et chercheur Wassim Nasr
La guerre civile s'est réveillée en Syrie. Alors qu'Alep est tombée aux mains des rebelles et troupes islamistes depuis samedi 30 novembre 2024. Le régime de Bachar El Assad espère le soutien de ses alliés russe et iranien. Des alliés distraits par les conflits en Ukraine, entre Israël, le Hamas et le Hezbollah. Une situation critique, donc, pour le régime de Bachar El Assad, et "une fenêtre d'opportunité" pour ces rebelles et groupuscules islamistes selon Wassim Nasr, journaliste à France 24, chercheur au Soufan Center à New York et auteur de "État Islamique, le fait accompli" paru aux éditions Plon en 2016.
"Les frappes israéliennes contre le Hezbollah, les gardiens de la révolution et les milices chiites en Syrie ont créé un vide militaire sur les fronts face à Idlib et à Alep, parce qu'Israël cherchait à couper les routes d'approvisionnement du Hezbollah vers le Liban et à diminuer sa force", affirme ainsi Wassim Nasr. Des zones qui avaient été reprises aux mains des islamistes par le régime baasiste il y a des années maintenant, alors que la guerre civile, commencée en 2011 en plein Printemps arabe, a fait plus d'un demi-million de morts en 10 ans. "HTS a vu une fenêtre d'opportunité s'ouvrir", analyse Wassim Nasr.
HTS, le mouvement à l'origine de l'attaque
Intensifiée par l'émergence du groupe État islamique en Irak et en Syrie, la guerre avait pris des proportions inédites, alors que les différents mouvements rebelles avaient fini par s'opposer les uns aux autres. Le mouvement Hayat Tahrir al-Cham (HTS), aujourd'hui à la tête des rebelles qui ont pris Alep fin novembre 2024 est toutefois radicalement opposé au groupe État islamique. "Ce ne sont pas des grands démocrates, ni des laïques. Ils sont rigoristes et islamistes, mais ce ne sont pas des jihadistes dans le sens d'Al-Qaïda ou de le groupe État islamique" précise Wassim Nasr, "ce sont des ennemis déclarés du groupe État islamique. Leurs prisons sont pleines de sympathisants du groupe État islamique".
Un mouvement que le journaliste connaît bien puisqu'il avait rencontré personnellement le chef du mouvement HTS, Abou Mohammed al-Joulani. "C'est un Syrien qui était le chef d'Al-Qaïda en Syrie. Il a coupé les ponts avec Al-Qaïda en 2016 de façon, disons cordiale, avant de s'engager dans une guerre contre le groupe État islamique et contre Al-Qaeda", évoque-t-il.
"Ils m'ont dit très clairement que le jihad global était une erreur. Ils sont concentrés sur la Syrie pour faire rentrer les gens chez eux, pour faire tomber Bachar al-Assad, et pour combattre les Iraniens et les Russes."
Wassim Nasrfranceinfo
La reprise et l'intensification des affrontements en Syrie, peut-elle faire craindre un nouveau bain de sang dans une région déjà très instable ? "On n'est pas dans le cadre de la flambée jihadiste qui avait eu lieu en Syrie avec le groupe État islamique et qui avait été suivie de massacres. Là, ce n'est pas ce qui se passe sur le terrain". Le mouvement HTS est rigoriste mais plus tolérant que le groupe État islamique affirme ainsi Wassim Nasr, qui a été témoin de leur tolérance envers les minorités, envers les chrétiens notamment, autorisés à reconstruire leurs églises et à pratiquer leur culte.
"Ce qui se passe sur le terrain c'est aussi des bombardements de l'armée russe contre des localités civiles tous les jours depuis des années", analyse le chercheur, alors que l'attaque d'Alep a, assure-t-il, été déclenchée par un bombardement russe sur un village mené quelques jours plus tôt, dans la nuit du 23 novembre.
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