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Le succès de son film "Le règne animal", les César 2024, le mouvement MeToo... Le réalisateur Thomas Cailley invité de franceinfo
Avec 12 nominations pour la 49e édition des César, Le règne animal devance Anatomie d'une chute (11 nominations). Le film de Thomas Cailley, avec notamment Romain Duris, se déroule dans un futur proche. Des humains sont contaminés par un virus qui les fait muter peu à peu en animal. Plus d'un million de spectateurs en ont fait un des films les plus vus ces derniers mois en France.
franceinfo : Est-ce que, même après toutes les polémiques que connaît ce rendez-vous depuis plusieurs années, cela reste un moment important pour vous ?
Thomas Cailley : Oui, c'est un moment important. D'abord parce que c'est un moment où on enregistre quelque part une caisse de résonance, une cote d'amour pour un film et c'est la reconnaissance de la profession et de nos pairs. Et puis c'est aussi le point, peut-être pas final, mais ça aboutit généralement quand même sur la fin de vie des œuvres. Enfin, en l'occurrence, Le règne animal est encore en salles. Il n'est pas sorti des salles depuis le mois d'octobre, ce qui est assez fou. Et effectivement, il ressort avec plus de copies à partir de maintenant.
Il n'est pas encore certain que Judith Godrèche prendra la parole ce soir, elle qui accuse les réalisateurs Benoît Jacquot et Jacques Doillon d'abus, alors qu'elle était encore mineure. Est-ce que, selon vous, une telle prise de parole pourrait être un nouveau tournant, comme après Adèle Haenel en 2020 ?
Oui, j'ai vraiment l'impression que le mouvement MeToo en France en 2017, ça ne s'est pas totalement déclenché, qu'il a fallu effectivement la prise de parole d'Adèle Haenel et que là, celle de Judith Godrèche apporte un nouveau souffle.
Adèle Haenel disait sa honte en 2020, après une récompense pour Roman Polanski. Vous la connaissez très bien, elle a tourné pour vous, elle a été césarisée pour ce rôle dans Les combattants. Trois ans après, vous sentez le monde du cinéma encore fracturé sur cette question ?
J'ai l'impression que dans ma génération, les gens que je côtoie, tout le monde est assez convaincu que ce mouvement est porteur d'une parole de souffrance qu'il faut entendre. C'est ça la priorité aujourd'hui. D'autre part, il est porteur d'une promesse aussi, d'une promesse d'amélioration des conditions de travail, mais aussi des rapports hommes-femmes, des représentations, etc.
Vous-même, vous faites jouer de très jeunes acteurs, de très jeunes actrices dans vos films. Est-ce qu'il y a des choses que vous n'acceptez plus, que vous ne perpétuez plus sur les tournages, comme pouvaient le faire vos prédécesseurs ?
Malheureusement, je ne connais pas forcément les pratiques de mes prédécesseurs, mais ce qu'on essaie de faire en tout cas, c'est de travailler de manière collégiale. J'ai vraiment une conception très collective du travail de mise en scène et globalement même du travail de conception et de production d'un film. Je ne suis pas seul. Je suis toujours entouré de mes collaborateurs les plus proches : mon producteur, mon chef-opérateur, ma première assistante et par exemple, pour les scènes qui concernent des jeunes acteurs, des scènes où ils s'embrassent par exemple, on regarde ça ensemble, j'essaie de comprendre comment eux voient les choses et la scène. C'est comme ça qu'on construit. Donc ce n'est pas l'histoire d'un démiurge qui impose sa vision, c'est plutôt quelque chose qu'on crée ensemble et qu'on découvre ensemble.
Des scènes de tendresse, de nu, il y en a dans votre film, notamment avec cet acteur, Paul Kircher, qui a un des rôles principaux. Il crève l'écran, il est époustouflant, dans un rôle incroyablement complexe. Il est nommépour le César de la révélation masculine. Comment l'avez-vous découvert ? Qu'est-ce qui vous a touché chez lui ?
Tout m'a touché chez Paul ! Il est bouleversant, il est phénoménal. Il a quelque chose d'éclatant. Ce qui m'a touché chez lui, c'est ce mélange précisément de fragilité et d'extrême puissance. Il y a quelque chose de très beau et très sauvage, de très indompté chez lui, de très libre en fait. Et ça allait complètement avec le rôle. Donc on a beaucoup construit autour de lui, autour de ce qu'il propose, et ce qu'il propose est sans arrêt différent.
Autre prétendant aux César, évidemment : Anatomie d'une chute de Justine Triet, film et réalisatrice que vous adorez, parait-il.
Oui, beaucoup. Et j'aime beaucoup ses films. On s'est beaucoup croisés ces derniers temps et ce qu'on se dit, c'est que c'est assez joyeux de se retrouver entre copains. Il y a en tout cas une nouvelle génération qui est là et c'est hyper-réjouissant.
Le règne animal, Anatomie d'une chute : deux films sur la famille, où l'animal joue un rôle important. Est-ce qu'il y a d'autres points communs ?
Ce ne sont pas des miroirs inversés, mais j'ai l'impression qu'elle offre une vision nouvelle de ce qu'est un couple. On n'avait pas vu ça comme ça au cinéma. Moi, de mon côté, dans Le règne animal, il y a aussi une tentative de déconstruire ce que c'est, par exemple, qu'un rapport père-fils, la masculinité. Donc de ce côté-là, oui, je crois qu'il y a des passerelles.
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