Agnès b. ouvre la saison musicale de son espace culturel : "Il faut avoir l'envie, sinon on reste bloqués"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mardi 22 octobre 2024 : la styliste et collectionneuse Agnès b. pour le début de la saison musicale de son espace culturel, la Fab.
Article rédigé par Elodie Suigo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
La styliste Agnès b. à Paris en janvier 2024. (GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP)

Agnès b. est styliste, collectionneuse et fondatrice de l'entreprise du même nom. L'idée de ce nom remonte aux années 60, alors qu'elle travaille pour un magazine et qu'elle reçoit un coup de téléphone, chez sa grand-mère lui demandant comment elle souhaite signer ses parutions. Sa première boutique voit le jour à Paris en 1975 avant de s'implanter dans le monde entier à New York, Londres, ou encore Hong Kong. Elle est également galeriste, mécène, avec un emblème incontournable, son cardigan pression crée en 1979. Son espace culturel, la Fab, lieu de création artistique à Paris qui s'exprime sous toutes ses formes ouvre vendredi 25 octobre sa saison musicale, dédiée cette année au piano.

franceinfo : Vous avez présenté votre nouvelle collection il y a quelques jours. Ce qui ressort, c'est que le travail est là, mais surtout l'envie ?

Agnès b. : Je trouve ça beau, l'envie. Oui, il faut avoir l'envie, sinon on reste bloqués.

L'envie, vous l'avez vue très vite, mais presque, pour des raisons de survie ?

Exactement, puisque j'avais 20 ans et j'avais des jumeaux d'un an. J'avais quitté Christian Bourgois et il fallait que je vive. Il ne me donnait que le loyer, et il fallait que je me débrouille. Donc je dessinais des trucs pour différentes maisons, le soir, pendant que les jumeaux dormaient. Je sais ce que c'est que de ne pas savoir comment on va faire manger ses enfants le soir.

Vous avez même teint des vêtements dans votre baignoire ?

Oui, quand on a ouvert la boutique rue du Jour à Paris, on a fait six jupons en gaze que je teignais au début dans ma baignoire. 

"Les gens achetaient les jupes alors qu'elles n'étaient même pas sèches."

Agnès b.

à franceinfo

On les accrochait au plafond. Il y avait des crochets de boucher puisque c'était le quartier des boucheries la rue du Jour.

Votre première création, c'était une robe pour le bal. Vous n'aviez pas d'argent, et vous avez demandé à votre mère comment vous alliez pouvoir y assister ?

C'était le bal des 18 ans de ma grande sœur Marie-Laure. Je suis allée au marché Saint-Pierre, j'ai acheté du tulle Point d'Esprit blanc et de la doublure orange, et je me suis fait une robe bien serrée à la taille, la jupe très large. Je me suis quand même bien amusée, mais il était temps que j'aie une robe.

Quand on regarde bien, ce parcours est extraordinaire parce que vous avez quand même habillé Chet Baker, David Bowie, Alain Bashung, Oxmo Puccino, Jain. La liste est longue. Est-ce que vous n'êtes pas la styliste la plus rock'n'roll de France ?

J'espère bien ! Je suis bien dans l'esprit rock et j'adore le rock, c'est bien. David Bowie, je lui ai donné un jean en cuir noir pour lui trouver un style rock'n'roll parce qu'il avait sa période Berlin, marron, avec des plis partout sur les pantalons et on le perdait là-dedans. Je l'avais vu à Bercy, c'était une catastrophe.

J'aimerais qu'on évoque la Fab. C'est une maison de deux étages avec une librairie et deux espaces d'exposition, la collection et la galerie. La saison musicale ouvre ses portes les 25 octobre. Vous serez d'ailleurs en conférence le 3 juin au 2025 à la Philharmonie de Paris. Quelle place occupe la musique ?

J’ai fait un endroit voué à l'art, et j'y ai mis un piano à queue sur le grand balcon qui fait tout le tour du rez-de-chaussée. Il y a un très beau tableau qui représente John Lennon, c'est un grand poète. C'est vraiment quelqu'un que j'admire énormément.

Vous avez grandi très vite, Agnès b. Votre maman vous demandait de vous occuper de la fratrie. Est-ce que vous n'avez pas grandi trop vite aussi ?

Ah si. Mais c'est surtout à cause des hommes, parce que j'étais une proie.

"Vous savez, les petites filles de 12 ans, pour les garçons, on est des proies. Alors moi, j'avais des longs cheveux, j'étais timide, je ne parlais pas beaucoup. C'était compliqué la vie et ma mère ne m'en a pas protégé."

Agnès B.

à franceinfo

Vous avez été abusée adolescente, est-ce que vous en avez voulu à votre mère de ne pas vous avoir protégée ?

Je crois qu'elle était flattée que cet oncle très beau vienne le soir me voir tous les jours de mes 12 ans à mes 17 ans. Donc je ne lui en ai pas voulu, mais j'ai eu trois filles et je me dis que ça n'aurait pas duré une semaine cette comédie-là, mais pour moi, ça a duré des années.

Est-ce que la petite fille que vous étiez, est fière de la femme que vous êtes devenue ?

Contente, mais pas fière. Je m'amuse bien tout le temps avec mon équipe que j'adore. Je trouve que j'ai une chance folle, je suis entourée de gens jeunes, mais aussi, plus mûres. Tout me porte, ça m'emporte, ça me fait plaisir. Je suis contente de les voir tous les jours.

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