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"Alice Guy" : Catel met en lumière la vie extraordinaire de la pionnière oubliée du cinéma

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, l’autrice et illustratrice de bande dessinée, Catel. Elle vient de co-publier avec José-Louis Bocquet, la bande dessinée biographique de la pionnière du cinéma : "Alice Guy", aux éditions Casterman.

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
La dessinatrice Catel Muller à Paris (France) le 26 mars 2018 (JOEL SAGET / AFP)

Catel Muller est autrice en bande dessinée et illustratrice. Elle a commencé par la littérature jeunesse avant de se tourner vers les adultes avec notamment l'écriture des scénarios pour la série Un gars, une fille ou encore avec la série BD Lucie, ouvrant la voie à une certaine BD féminine aux préoccupations très contemporaines.

On lui doit aussi, avec la complicité du scénariste José-Louis Bocquet, les biographies en bande dessinée de Kiki de Montparnasse, Joséphine Baker et aujourd'hui, ils publient le petit dernier de cette série : Alice Guy aux éditions Casterman.

franceinfo : Alice Guy, pionnière du cinéma, a été, tour à tour scénariste, réalisatrice, productrice. Elle a travaillé en France et aux Etats-Unis. Elle a été la première réalisatrice de l'histoire du cinéma. Cette biographie paraît essentielle puisque finalement, on ne sait pas réellement qui elle était.

Catel : Oui. On commence à s'y intéresser depuis un petit moment, mais c'est vrai que pour le grand public, Alice Guy était totalement inconnue. Alors que tout le monde connaît la société Gaumont en France et dans le monde, il faut savoir qu'elle a fondé la société Gaumont avec Léon Gaumont et ça, peu de monde le sait.

Elle est née en 1873, décédée en 1968 aux Etats-Unis. Dans sa jeunesse, elle va monter sur les planches d'un théâtre à Paris et un soir à table, quand elle parle de la comédie française, son père s'emporte et lui dit : "Ma fille, actrice, jamais dans notre famille. Quelle honte! Je préfère te voir morte". C'est horrible !

Oui, mais c'est aussi l'esprit bourgeois du XIXe siècle. Être actrice, c'était un peu de la prostitution. Impossible de voir sa fille rentrer dans ce qui n'était même pas un métier en fait. Il faut le savoir, mais les filles de la bourgeoisie, à l'époque, devaient se marier et être entretenues, faire des enfants, être au service de leurs maris. Il n'était pas question qu’elles travaillent en France, et encore moins fassent un métier artistique, impossible.

La force d'Alice Guy, c'est qu'elle va faire bouger les lignes. Elle va aussi faire changer le regard des hommes sur les femmes, à une époque où les femmes n'avaient, effectivement, pas du tout leurs places.

C'est non seulement la pionnière du cinéma, la première femme dans un milieu uniquement d'hommes qu'est le cinéma, ce sur quoi tout le monde s'accorde, mais en plus, c'est une réalisatrice extrêmement intéressante, très innovatrice, qui va tout le temps chercher des idées.

"Alice Guy va faire du film documentaire, du film burlesque, des western, du péplum. Elle va vraiment toucher à tous les styles et en particulier, elle va faire des films féminins, voire féministes."

Catel

à franceinfo

Elle a aussi déverrouillé avant l'heure, et on peut faire le parallèle avec l'affaire Weinstein, une sorte de mouvement #MeToo, c'est-à-dire qu'elle trouve un producteur qui a énormément de pouvoir, elle sait qu'il abuse de la jeunesse d'un certain nombre d'actrices et de personnes qui tournent autour de lui et elle ne va pas le lâcher.

Absolument. Elle est opiniâtre. C'est aussi un de ses traits de caractère. Elle est volontaire, opiniâtre. Elle ne lâche rien. C'est quelqu'un qui est droit dans ses bottes. Et lors d'un tournage, il y en a un qui abuse, et d'ailleurs, visiblement, il en a l'habitude et ne voit pas du tout où est le problème parce que le droit de cuissage en France est presque une loi. C'est quelque chose qui ne choque et ne dérange personne. Or, Alice ne va pas laisser passer ça. Elle va arriver à faire virer ce type. Elle a décidé de se battre.

Vous avez commencé par publier des albums pour enfants. Pourquoi ?

Je voulais faire de la bande dessinée. Je me suis présentée en ayant terminé les Arts Déco avec mon ami Blutch, à Fluide Glacial. Il n'y avait que des hommes et au bout d'une soirée, j'ai pris peur et je ne me suis pas sentie dans mon milieu. Ils étaient charmants individuellement, mais tous ensemble, c'était une équipe de foot. C'était un peu sexiste, des blagues un peu graveleuses et je me suis vraiment sentie très mal à l'aise et je me suis réfugiée littéralement dans la jeunesse où se trouvent beaucoup de femmes.

Et puis, c'est avec Véronique Grisseau, quelques années après, coloriste pour des auteurs de BD célèbres, qu’on a décidé de créer un personnage féminin, Lucie, une Bridget Jones avant l'heure. Notre premier livre, Lucie sans souci, a eu du succès et ça nous a amenées à mettre, vraiment, un pied dans la littérature bande dessinée adulte et on a été contacté par une certaine Isabelle Camus à ce moment-là, qui démarrait une série qui s'appelait Un gars, une fille. On a commencé à faire les scénarios pour la série, on était tout à fait à la naissance de ce projet.

C'est le refus d'un éditeur, quand vous lui avez annoncé que vous vouliez travailler pour les adultes, qui vous a galvanisé, qui vous a donné envie d'avancer, de faire autrement.

Oui, forcément. C'est là que la ténacité arrive ! Il ne faut pas se décourager. Ma vraie grosse rencontre, c'était José-Louis Bocquet, scénariste, écrivain, féministe, il a tout compris. On ne s'est pas dit : "On va faire un travail sur les féministes, sur les femmes". On avait juste envie de faire quelque chose ensemble, sur ce qui nous tenait à cœur et on a eu envie de travailler sur Kiki de Montparnasse.

La suite, c'est quoi alors ?

Le Covid-19 nous a bien fait réfléchir et pendant cette période, on s'est concentrés sur la pionnière de l'écologie, une française d'origine arménienne, Anita Conti.

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