Audrey Tautou : "Je suis quelqu'un qui m'émerveille d’un rien"
En 2016, Audrey Tautou reprenait la chanson La Mauvaise réputation de Georges Brassens parce que suivre les chemins qui ne mènent pas à Rome lui ressemblait plutôt bien. C'est Tonie Marshall qui lui a donné sa chance dans Vénus Beauté (institut), avec en prime le César du meilleur espoir féminin en 2000. Puis Jean-Pierre Jeunet a lui aussi craqué sur elle et a décidé de lui faire confiance et de la propulser sur le devant de la scène internationale à travers son rôle dans Le fabuleux destin d'Amélie Poulain. Ce film et ce rôle ont été un tournant et un tremplin puisqu'il y a eu un avant et un après Amélie Poulain avec des propositions venant du monde entier. Même la marque Chanel a fait d'elle son égérie. Alors, oui, Audrey est une star, une vraie et elle l'écrit dans son livre Superfacial paru aux éditions Fisheye qui présente son travail de photographe.
franceinfo : Vous êtes une star qui a gardé les pieds sur terre, loin des paillettes pour ne pas vous perdre. Et on a l'impression que cet ouvrage, c'est d'abord une façon de dire que vous êtes une fille comme une autre.
Audrey Tautou : Oui, c'est vrai. C'est peut-être pour ça que j'ai vu cette aventure de la célébrité avec distance, avec amusement et avec une certaine légèreté, que j'ai essayé de faire vivre dans ce livre.
On a l'impression qu'il y a aussi un besoin, à travers ces clichés, de lutter contre les clichés.
C'est vrai, on nous met un peu souvent sur une espèce de piédestal en nous attribuant un peu des pouvoirs qu'on n'a pas du tout. Souvent, on a fantasmé que je pouvais un peu rencontrer n'importe qui, et finalement cette espèce de petit pouvoir qui est quand même assez superficiel, je ne peux le regarder qu'avec amusement.
"C'est vrai que le star-system pour moi, c'est un truc qui m'a toujours un peu fait rigoler."
Audrey Tautouà franceinfo
Qui vous a même fait peur par moments ?
Ah oui, au début oui.
C'est vraiment venu chahuter la jeune fille que vous étiez après Vénus Beauté (institut). En 2001, tout s'est enchaîné et ça a été une espèce de raz-de-marée, qui vous a un peu volé une partie de votre liberté et de votre vie.
C'est exactement ça. Moi, je l'ai vécu comme une entrave à ma liberté. Et c'est vrai que les mois qui ont suivi, ce que j'appelle cette espèce de tsunami avec la sortie d'Amélie et cette célébrité qui est arrivée hyper vite, c'était que je ne pouvais plus prendre le métro et donc je ne pouvais plus circuler librement. J'avais oublié que ça avait été quelque chose d'hyperpénible pour moi, alors que normalement, j'aurais dû être heureuse d'avoir une voiture, des taxis, justement de sortir du souterrain. Mais ce n'était pas du tout mon cas.
Quand ce succès est arrivé, vous avez compris qu'il y allait avoir un avant et un après ?
On m'a beaucoup alertée et c'est ce que j'ai redécouvert en consultant mes carnets de bord et en décidant de les mettre dans le livre. On me disait, "Est-ce que tu as conscience que ça va changer ta vie et vraiment ?" Et je l'écris : "mais je suis devenue complètement idiote, mais je n'arrive pas à comprendre ce qu'ils veulent dire". C'est vrai qu'on ne vit pas les choses de la même manière au départ, quand soudain on est regardé différemment et surtout quand les rapports qu'on pouvait avoir avec les autres, son entourage proche ou moins proche d'ailleurs, subissent cette influence-là, ce petit changement. Les bases se transforment.
Parlons du choix de l'argentique parce qu'il y a toujours eu, même dans vos choix, des films dans lesquels vous avez tourné, un côté laborantine.
"Pourquoi j'aime l'argentique ? C'est parce que j'adore les surprises !"
Audrey Tautouà franceinfo
Quand on utilise la pellicule pour faire des photographies, on a la surprise de voir si c'est réussi ou pas. Ce petit temps qui existe entre le moment où on dépose sa pellicule et le moment où on va la chercher, crée une espèce de distance qui fait que quand on retrouve ces images, ça provoque une émotion. Alors soit c'est la consternation et la déception comme cela m'est souvent arrivé, soit quand j'arrive à ressentir l'émotion que j'espérais ressentir en regardant cette photo-là, là, c'est une excitation que je ne connais qu'avec la photographie.
On découvre votre écriture en lettres cursives. Quand on montre son écriture, on plonge vraiment dans l'intime de la personne.
C'est vrai. Après, je fais les choses beaucoup avec instinct et l'écriture, alors ça paraît évident, mais c'est vrai qu'elle me ressemble et je pense que c'est peut-être ce qui a de plus intime, plus qu'un autoportrait à travers lequel il y a quand même un filtre. L’écriture avec les mots qu'on choisit, les tournures de phrases qu'on va décider, avec ses erreurs, ses fautes, d'ailleurs, j'en ai gardé exprès. Il y a eu le correcteur des textes qui pour certaines tournures de phrases me conseillait de faire différemment parce que c'était plus correct, mais voilà, ce n’est pas comme ça que mon cerveau ou mes pensées les auraient dites. Et même si c'est moins parfait, c'est plus moi.
Il y a une chose qui n'a pas changé, c'est votre regard. On a l'impression qu’il est toujours aussi déterminé et toujours aussi curieux. C'est ça le plus important ?
C'est vrai que je suis quelqu'un de très curieux vis-à-vis des gens, d'un pays, d'une culture, d'une œuvre, c'est sûr que je suis quelqu'un qui m'émerveille d’un rien.
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