Bernard Lavilliers : "Ce que je fais, c’est de m'occuper de choses qui ne me regardent pas"

L’auteur, compositeur et interprète, Bernard Lavilliers, est l’invité exceptionnel du Monde d'Élodie Suigo du 19 au 23 août 2024. Cinq jours, cinq chansons pour mieux connaître cet artiste indomptable, engagé, imprégné par les harmonies musicales et humaines. En novembre 2023, il sortait un album : "Métamorphose" et un livre : "Écrire sur place", aux Éditions des Équateurs.
Article rédigé par Elodie Suigo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 12 min
Bernard Lavilliers, aux Francofolies de la Rochelle en 2022. (ROMAIN PERROCHEAU / AFP)

Bernard Lavilliers est l’invité exceptionnel du Monde d'Élodie toute cette semaine. L'occasion de revenir sur cinq moments forts de sa vie avec cinq chansons de son répertoire. Auteur prolifique, compositeur et interprète depuis 1965, il n'a jamais cessé de nous faire voyager en mélangeant le rock, le reggae, la salsa, la bossa-nova et la chanson française. Fensch Vallée (1976), La Samba (1975), Saint-Étienne (1975), Stand The Ghetto (1980), Kingston (1980), Idées noires (1983) ou encore On the Road Again (1988) autant de chansons devenues pour la plupart des hymnes et la parole de celles et ceux qui ne se font pas entendre. En novembre 2023, le Stéphanois à la voix et au phrasé si emblématiques, sortait un album : Métamorphose et un livre : Écrire sur place aux Éditions des Équateurs.

franceinfo : Vous êtes pour beaucoup, un artiste proche du peuple. Vous êtes un ancien ouvrier devenu chanteur, baroudeur, un artiste à part, défenseur envers et contre tous des injustices et un raconteur d'histoires. Le moteur de tout ça réside finalement en un seul mot, c'est le mot liberté. Est-ce que cela a été votre moteur ?

Bernard Lavilliers : Ah oui ! Je n'ai pas fui. Je suis parti très loin, mais il n'y a pas de fuite. Je suis parti pour connaître d'autres cultures, d'autres personnes. Parmi les musiciens que j'ai fréquentés, la plupart venaient aussi du peuple. Comme disait Léo Ferré : "Je ne suis qu'un artiste de variété et tout ce que je dis doit être dit de variété, sinon, on dirait que je m'occupe de choses qui ne me regardent pas". C'est exactement ce que je fais d'ailleurs, m'occuper de choses qui ne me regardent pas.

Une chanson traduit notamment cet état d'esprit, cet art de vivre avec toutes ces aventures sans attaches géographiques, c'est On the Road Again dans l'album If... Je me demandais si vous l'aimiez toujours autant.

Moi, je l'adore ! C'est ma chanson la plus abstraite. En plus, la mélodie n'est pas de moi. Elle est de Sebastian Santa-Maria qui est mort très jeune. J'ai pris cette mélodie parmi un morceau beaucoup plus long et j'ai trouvé ce texte. J'ai commencé par écrire On the Road Again, mais je me suis dit : mince, il y a un groupe qui a déjà écrit ça ! Puis je me suis dit ma foi, ce n'est pas grave. Et alors après j'ai commencé : "Bandits joyeux, insolents et drôles", voilà. On the Road Again, c'est le voyage permanent.

"'On the Road Again', je peux la chanter dans n'importe quel bar, à n'importe quelle heure, devant n'importe quelles personnes désagréables. Ils vont adorer."

Bernard Lavilliers

à franceinfo

De voyager et de partager des moments avec vous, ça a été le cas de pas mal d'artistes. Et quand on regarde bien ces artistes, ils ont tous un peu le même ADN. Je pense à Jimmy Cliff avec Melody Tempo Harmony, à Cesaria Evora avec la chanson Elle chante, Nicoletta et Catherine Ringer sur Idées noires, Éric Cantona avec Qui a tué Davy Moore ? Tiken Jah Fakoly sur Question de peau ou encore Bonga Kwenda sur Angola. Cette famille d'artistes a énormément de points communs avec vous. C'est une famille que vous vous êtes constituée au fil du temps ?

La plupart d'entre eux sont des résistants pour moi, d'une façon ou d'une autre, mais la plupart d'entre eux ne sont pas forcément d'accord avec le show-business.

Et ce côté boxeur que vous avez toujours eu.

Je suis un boxeur. J'ai fait d'autres sports dans ma vie, mais j'ai été professionnel dans la boxe avec Jean-Claude Bouttier à une époque très ancienne pour ceux qui nous écoutent. Il y a un truc qui ne paraît pas évident entre le sport, la poésie et la musique, mais je vais m'accorder facilement avec quelqu'un, qui a des points communs au niveau de la poésie et de la musique.

Il y a une chanson qui traduit finalement cet état d'esprit, cet engagement que vous avez toujours eu, c'est : Les Mains d'or. C'est devenu un hymne ouvrier. Que représente cette chanson pour vous ?

Les mains d'or, ce sont tous les gens qui travaillent avec leurs mains. Le travail manuel n'est pas à la mode. Tout le monde veut être un influenceur, mais on verra après quand il n’y aura plus de plombiers. Ça représente l'œuvre dans le sens ouvrier. N'oubliez pas qu'ouvrier, ça vient de l'œuvre.

"Les mains d'or, ce sont tous les gens qui travaillent avec leurs mains, dans tous les métiers, c'est-à-dire du mineur de fond jusqu'au luthier, ça en fait du monde !"

Bernard Lavilliers

à franceinfo

L'intelligence artificielle n'arrivera pas à les remplacer. Je n’ai rien contre l'intelligence artificielle, mais un luthier, ça va être compliqué, et même un plombier ça va être compliqué. Je sais que le travail manuel n'est pas à la mode. Même les cultivateurs sont aussi des travailleurs manuels, ce n'est pas la mode.

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