Bernie Bonvoisin : la réédition des trois premiers albums de Trust, "c’était avant tout un challenge"
Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd'hui, l’invité est le co-fondateur et chanteur du groupe Trust, Bernie Bonvoisin pour la réédition de leurs trois premiers albums : "Trust" (ou "L’Elite"), "Répression" et "Marche ou crève" réenregistrés en live et réarrangés : "Re.Ci.Div".
C’est en 1977 que Trust est fondé et Re.Ci.Div est un peu comme une idée de fin de repas, apportant un regard tout neuf sur le passé. Bernie Bonvoisin explique ce passage à l’acte : "C’était avant tout un challenge parce qu’il a fallu se remettre en tête 36 titres. Ce qui était assez étonnant c’est que parmi tous ces titres, il y en a un bon tiers que l’on n’avait jamais joué live. Le but, c’était de faire de nouveaux arrangements, c’est-à-dire de les jouer à la sauce à laquelle on joue aujourd’hui avec le son qui est le nôtre aujourd’hui et donc de voir comment on pourrait trouver un terrain d’entente là-dedans sans trop dénaturer ce qu’il y avait avant. Même si pour certains titres il ne reste que d’original que le titre".
"J’étais un peu une espèce de témoin"
En 1979, leur premier album éponyme : Trust s’intitule rapidement L’Elite et donne ce ton rebelle au groupe de hard rock et Bernie Bonvoisin explique pourquoi : "Moi, je venais d’un certain milieu, je vivais certaines choses. En termes d’écriture ce sont des choses qui vous traversent, qui vous inspirent et je parlais de choses que je voyais, dans lesquelles je grandissais, que je subissais aussi. J’étais un peu une espèce de témoin". Leur franc-parler et leurs textes engagés et dérangeants, à l’époque, font qu’ils débutent sans un réel soutien des médias, souvent censurés d’ailleurs : "Et toujours un peu" ajoute-t-il. Même s’il regrette l’absence de "ce type d’appui médiatique", finalement c’est un mal pour un bien selon lui.
Trust, c’est un groupe qui s’est surtout construit, installé par la scène, comme on n’avait pas de promotion.
Bernie Bonvoisinà franceinfo
Au même moment, c’est le groupe de rock Téléphone qui est en plein essor et il raconte à Elodie Suigo une anecdote peu connue du grand public. Les deux groupes ont la même maison de disque et cette dernière privilégie Téléphone : "On avait un premier contrat chez Pathé pour ne pas déranger la carrière de Téléphone et Star Shooters" puis il poursuit : "Quand Alain Lévy a pris les rênes de Sony, j’ai assisté à un coup de téléphone magnifique où il appelait le président de Pathé en lui demandant s’il avait vu La guerre des mondes, le mec ne comprenait pas trop et puis il lui a dit : 'Voilà, j’aimerais récupérer le contrat de Trust sinon je vais vous montrer ce qu’est La guerre des mondes.' Et donc, il a récupéré le contrat et on a pu faire ce qu’on avait à faire". Ils espèrent vendre ce premier album à 30 000 exemplaires… "Et, on en a fait 850 000", indique-t-il, toujours étonné.
Trust ne perd pas son sang-froid
Répression, leur deuxième album sort en 1980. Ils partent à Londres pour l’enregistrer car c’est Bon Scott du groupe ACDC qui a accepté de signer des textes. Malheureusement, tout ne se passe pas comme prévu puisqu’il décède avant même d’avoir livré son travail. Après de nombreux rebondissements et du temps perdu, c’est Jimmy Pursey qui reprend le flambeau et là, c’est à des millions d’exemplaires qu’ils vendent ce nouvel album avec le titre devenu atemporel: Antisocial.
Antisocial, "C’est notre croix" dit avec humour Bernie Bonvoisin et plus sérieusement, il revient sur les raisons d’être de ce morceau qui a marqué de nombreuses générations : "Il y avait déjà cette forme d’aliénation… Moi, je viens d’un milieu ouvrier, ma mère travaillait dans les cantines des écoles et mon père sur les chantiers. Je voyais malgré moi la sphère dans laquelle je rentrais, ce qu’était la vie de ces gens-là. Tout ça pour quoi ? Comment ces gens sont lessivés, essorés, pressés, c’est assez vertigineux de vivre comme ça".
Bernie, homme de parole
C’est à la sortie du troisième album Marche ou crève en 1981 que forts de leurs succès, ils ont notamment fait les premières parties de Iron Maiden ou encore de Motörhead qu’ils sont approchés par les américains pour faire carrière Outre-Atlantique.
On reçoit un appel d’Ahmet Ertegün qui a découvert entre autres Ray Charles et qui avait monté le label Atlantic, pour nous dire qu’il est prêt à faire pour nous aux Etats-Unis ce qu’il a fait pour Led Zeppelin.
Bernie Bonvoisin de Trustà franceinfo
Mais Bernie Bonvoisin refuse, ce qui mettra à mal un temps les relations du groupe. Lui, s’est déjà engagé auprès d’Alain Lévy, celui qui leur avait tendu la main, les avait aidé et donné les moyens de travailler comme peu d’artistes dans ce pays pouvaient le faire : "Parce qu’on était la troisième vente européenne derrière Police et Iglesias et donc, il avait besoin de la reconduction de notre contrat pour son maintien en tant que président. Je trouvais qu’il était tout à fait normal et logique qu’à partir du moment où on avait eu besoin de lui, s’il avait besoin de nous, on devait être là". Trust, c’est comme un couple, on s’aime, on se sépare, on se reforme et on continue sur le même chemin : "Moi, je reste émerveillé. Là, on a fait plus de 250 dates ces deux dernières années, on fait des concerts, je vois comment c’est blindé, comment les gens réagissent. C’est assez fou qu’après tout ce temps les choses soient toujours de cette manière-là, donc tant mieux".
Vous ne pouvez pas décemment vivre une histoire comme ça pendant 40 piges sans qu’il y ait des hauts et des bas, des engueulades. C’est vivant !
Bernie Bonvoisin de Trustà franceinfo
Bernie Bonvoisin s’engage aussi pour la reconstruction de Beyrouth, meurtrie par une double explosion en août 2020. Il raconte son Beyrouth et le lien intime qu’il entretient avec cette ville dans un texte publié dans le livre : Pour l’amour de Beyrouth aux éditions Fayard. 2 euros seront reversés directement à une association locale OffreJoie.
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