"C'était le cinéma, mon meilleur psychanalyste" : Pierre Richard se livre dans une autobiographie
Sur le papier, Pierre Richard est acteur, réalisateur et scénariste, mais à l'image et dans la vraie vie, il est bien plus encore. Il est tout simplement lui. Il est un personnage, un de ces êtres différents regardant le ciel, la lune et ses étoiles plus que le bout de ses chaussures. Il a toujours été bien dans ses baskets, pas toujours à l'aise au sein des soirées en grande pompe, mais détendu en petit comité, entre amis simples. Il est discret, humble, amoureux de la vie, soucieux de ne pas faire trop de bruit. Jeudi 30 novembre, il publie avec la complicité de Christophe Duthuron, Souvenirs d'un distrait aux éditions du Cherche-Midi.
franceinfo : Dans ce livre, on a la preuve par A plus B que vous êtes, sans réellement l'être, distrait. Des récits tirés de vos histoires plus vraies que nature. Alors si vous n'êtes pas distrait, qui êtes-vous ? Parce que finalement, je n'ai aucune réponse dans cet ouvrage et j'ai tout lu.
Pierre Richard : Je n'ai pas beaucoup de réponses non plus ! Je suis surtout intéressé par le superflu et l'inutile. Alors évidemment, je ne suis pas bien dans ce monde où on me demande d'être très attentif aux urgences. Pour moi, les urgences ne sont pas les mêmes que celles des choses.
"Peut-être qu’on me croit distrait parce que je suis attentif aux choses auxquelles les gens ne prêtent pas attention."
Pierre Richardà franceinfo
Cela fait un demi-siècle qu’un malentendu persiste effectivement, mais quelle idée, et vous le dites, de démarrer avec un film qui s’intitule Le distrait ?
C’est ce que je dis dans le livre, j’aurais pu aller voir Tant qu’il y aura des hommes avec Burt Lancaster où j'aurais été nu sur une plage avec une très jolie femme, et j’aurais pu faire la carrière de Burt Lancaster, mais je me suis trompé de film ! Je suis allé voir Jacques Tati et je me suis dit : je vais faire pareil et je ne m’en plains pas. C’est vrai que j’étais quand même plus à même de raconter des histoires auxquelles je crois, c’est-à-dire la poésie, le burlesque, l’inattendu, l’irréel. J’étais dans les nuages alors ce n’est pas facile de raconter des choses qui se passent sur le trottoir.
Quand on regarde bien, c'est surtout votre grand-père qui va vous indiquer un chemin. Je pense que vous aviez compris que ce chemin allait être le vôtre, c’est-à-dire celui un peu de côté. Et tout au long de cet ouvrage, on se rend compte à quel point ce sont les autres qui vous ont indiqué certains caps à suivre et qui vous ont donné confiance en vous.
J’ai passé mon temps à être disciple. Je n’ai jamais été Jésus. J’ai été disciple d’Yves Robert qui a vu en moi des choses que je ne voyais pas. Maintenant, j’ai de plus en plus de mal à mon âge, je deviens malgré moi, un patriarche. Mais j’ai du mal.
"J’ai toujours cherché des pères parce que je n’avais pas le mien. Alors, j’ai eu plein de pères."
Pierre Richardà franceinfo
Ce grand-père a dit à votre mère : "De toute façon, lui, va réussir". Ça vous a énormément aidé car quand le film Le Distrait est sorti en 1970, vous aviez 40 ans.
J'avais 40 ans. Et donc jusqu'à 40 ans, j'aurais pu me poser des questions sur mon avenir. Je me les posais, mais sans trop d'inquiétude, parce que j'avais cette phrase de mon grand-père sur son lit de mort. C’est important parce que c’est plus fort que de dire ça, en passant, dans une conversation en mangeant un dessert. Il avait dit sur son lit de mort : "Il réussira". Je l'ai gardé dans ma tête parce que c'était mon grand-père, mon Dieu. C’est vrai que jusqu’au Distrait, j’étais tranquille. Je me suis : ça viendra et c’est venu.
Il y a une dualité dans votre personnalité. Il y a à la fois ce doute qui vous a toujours accompagné et en même temps ce courage qui a fait que vous avez réussi à affronter cette timidité parce que vous étiez timide plus jeune. Mais dès l'instant où vous jouez, on a l'impression que tout se libère.
C'est peut-être ma manière à moi... Il y a des gens qui vont voir des psychanalystes justement pour essayer de surmonter certains de leurs défauts comme la timidité, peut-être, ou la peur. Moi, c'était le cinéma mon meilleur psychanalyste. C’est vrai qu’au théâtre, je suis dans la coulisse et je vais rentrer sur scène et je prie le ciel qu’il y ait une bombe qui tombe, quelque chose d’épouvantable pour qu’on me dise : "Non, on ne joue pas ce soir". Et je rentre en scène et puis ça y est, ça va bien ! Ce qui se passe avant le lever de rideau et après, je n’en sais trop rien, mais finalement ça se passe bien.
Il y a un autre personnage qui vous a énormément accompagné, c'est Georges Moustaki. Vous avez assisté à ses côtés à la naissance de la chanson Ma liberté (1970), qu'il avait écrite pour quelqu'un d'autre. Cette notion de liberté, à chaque fois qu'on parle de vous, est omniprésente. Avez-vous le sentiment d'avoir toujours été un artiste libre ? Un homme libre ?
En tout cas, je m'y suis essayé. Je crois que j'ai toujours tout fait par plaisir. Dès que je sens qu'il n'y a pas de plaisir, je me sauve. Mon métier est un plaisir énorme, j'ai passé ma vie en vacances, mais parce que j'ai cherché à rester en vacances aussi.
"J’ai refusé des tas de choses qui auraient pu me faire gagner de l’argent ou me mener je ne sais où. Je n’ai pas envie de faire quoi que ce soit qui me gêne, qui m’ennuie."
Pierre Richardà franceinfo
Quel regard avez-vous sur ces 60 ans déjà passés à nos côtés ?
Je suis devenu un patriarche sans le vouloir et maintenant que je le suis, il faut bien que j'assume. J'assume ce plaisir qu'ont eu les gens de me voir, même des petits enfants de huit ans. Il y a trois générations de différence parce que les parents ont montré mon film, alors j'existe toujours, puis un beau jour, je n'existerai plus, c'est normal, peut-être dans deux siècles !
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