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"Dès l'enfance, je prends des photos imaginaires " : Nikos Aliagas expose à Venise ses photos, "Regards vénitiens"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, le journaliste et photographe, Nikos Aliagas. Depuis le 2 février 2023, on peut voir son exposition : "Regards vénitiens", au Palazzo Vendramin Grimani, en plein cœur de Venise.
Article rédigé par Elodie Suigo, franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Nikos Aliagas, en octobre 2022. (GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP)

Nikos Aliagas est journaliste, animateur de radio et de télé et photographe franco-grec. Il a été chroniqueur de l'émission Union Libre présentée par Christine Bravo sur France 2, présentateur du journal télévisé en Grèce ou encore de la matinale de NRJ. Depuis plus de 20 ans, il est présentateur sur TF1 avec des émissions devenues emblématiques comme la Star Academy, The Voice et 50 mn inside. Ce qui le caractérise, c'est sa bonne humeur, sa bienveillance et sa capacité à observer et à capturer des portraits.

Son objectif, son regard, finalement, est également apprécié et plébiscité. Ses photos sont d'ailleurs exposées depuis le 2 février 2023, jusqu'au 3 avril prochain, dans les espaces du rez-de-chaussée et de la cour du Palazzo Vendramin Grimani, en plein cœur de Venise en Italie. Regards vénitiens, est une exposition regroupant plus de 100 photos en noir et blanc d'habitants de Venise pris dans leur quotidien.

franceinfo : La photographie est-elle devenue finalement l'expression la plus proche de ce que vous ressentez, de ce qui vous correspond ?

Nikos Aliagas : En tout cas d'un silence qui est nécessaire. C'est aussi une façon pour moi de me protéger et de revenir au point de départ. Si tu oublies la source, les raisons pour lesquelles tu essaies de faire des choses, tu vas te perdre en chemin dans le labyrinthe. Non pas de Radio France, j'ai commencé ici il y a plus de 35 ans et pour ne pas me perdre dans les couloirs, je tenais un fil rouge qui était celui d'Ariane, qui était le fils imaginaire de mes ancêtres, comme ce que faisait mon grand-père pendant la guerre. Ne pas oublier.

Ce qui est important aussi, c'est que vous transpirez effectivement cet héritage qu'on vous a transmis. Je pense à ce père tailleur qui vous a, j'ai l'impression, donner ce goût du travail bien fait, de la rigueur. Pareil pour votre mère infirmière. C'est d'abord cela qu'ils vous ont transmis ?

Oui. Le leitmotiv quotidien, c'était : "Nous sommes ici pour travailler. On n'est pas là pour perdre notre temps. Les loisirs, ce n'est pas pour nous". Quand mes copains allaient faire du sport, des week-ends de ski, mes parents ne comprenaient pas l'utilité. Moi, je restais, je travaillais avec eux. Donc le culte du travail, oui, puisque de toute manière, mes parents travaillaient pour aider leur famille qui était restée derrière et pour pouvoir économiser un peu pour avoir une vie meilleure. Le jour du grand retour, c'est l'éternel retour d'Ulysse. Finalement, personne n'est reparti, mon pays, c'est devenu la France. La France m'a accueilli comme l'un de ses enfants. Mais le travail, c'était au-delà du devoir, une conscience. La reconnaissance passait par le travail, pas par l'argent.

À quel moment vous tombez amoureux de la boîte noire, alors ?

Ça s'impose très vite. Dès l'enfance, je prends des photos imaginaires. Je m'en rends compte sans le savoir que j'ai une mémoire photographique.

"Chaque matin, en partant à l'école, je photographie chaque coin de rue, je photographie le visage du marchand de poissons, même des sons ! Je photographie à la fois du cadre, de l'image et du son. Tout ce que j'ai fait plus tard, professionnellement."

Nikos Aliagas

à franceinfo

Justement, pourquoi journalisme alors ? C'était une façon de raconter des histoires, vos histoires ?

Certainement ! Parce que si j'avais dit à mes parents : je veux être écrivain. Ils m'auraient dit : "Tu te prends pour qui ?" Quand je suis devenu journaliste, mon père commençait à dire que ce n'était pas un métier, il pensait que j'allais vendre des journaux dans la rue. Le jour où je lui amène ma carte de presse dans son atelier de couture, il m'a dit : "Qu'est-ce que c'est que ça ? Ce n'est rien ça !" et puis, quand je suis par, un choix instinctif, dans la posture du gars qui dit : "Papa, je vais peut-être aller faire un peu de divertissement", là, il ne comprend plus. Il est désemparé. "Ça y est, j'ai perdu mon fils" et ma mère, pareil.

Mais après, je crois que mes parents ont compris que la meilleure chose, c'était de me laisser librement, apprendre, tomber, remonter, explorer. On ne va pas dans la lumière par hasard, ça, je l'ai souvent répété aux jeunes. On vient tous dans la lumière pour raconter des histoires, mais aussi pour réparer quelque chose dans son héritage, conscient ou inconscient.

Qu'est-ce que vous avez réparé ?

Certainement les douleurs de l'enfance. Je suis né, on m'a opéré à la naissance, enfin des galères totales. J'ai toujours vu mes parents très tristes et soucieux quand ils me regardaient enfant, et je ne voulais pas en être responsable. Je ne voulais pas qu'ils soient tristes à cause de moi. Donc je me suis levé et j'ai fait tout le reste pour leur dire : "Regardez, tout va bien !" Et ensuite, j'ai essayé de leur donner de la joie et du sourire.

Très vite, le public français vous a adopté. Il y a eu Union libre avec Christine Bravo. En tout cas, c'est vraiment là, en France, qu'on vous découvre. Avant, il y a eu Euronews etc. Mais la France, les Français vous découvrent à travers cette table ronde qui parle de l'Union européenne.

Quand je viens faire Union libre, je n'ai aucune certitude, projection ou velléité de devenir animateur.

En parallèle, vous présentez le journal en Grèce.

"Je ne me serais jamais autorisé le fantasme de dire qu’un jour, je serais à la télé sur TF1 parce que j'étais le Grec de service."

Nikos Aliagas

à franceinfo

À Athènes, je suis en congé sans solde à Euronews où je suis reporter. C'est ça mon métier, donc je viens chez Christine en disant : "Attends, tout ça, c'est génial, mais ce que je veux, c'est juste l'expérience, ça ne m'intéresse pas". Et TF1 m'appelle alors je suis encore à Athènes. Et c'est le destin.

Que représente cette exposition Regards vénitiens ? C'est quand même quelque chose d'extraordinaire d'être exposé à Venise jusqu'au 2 avril.

C'est dingue ! Quand Béatrice de Reyniès, la directrice de la Fondation dell'Albero d'Oro, m'a appelée, j'ai eu un peu peur. Je me demandais : est-ce que je serai à la hauteur ? Alors que, mine de rien, en termes de photo, j’ai fait une trentaine de grosses expos. Et quand j'arrive à Venise, je me dis : mais est-ce que ça va passer quoi ? Les Vénitiens en termes d'esthétisme, d'Histoire de l'art, ils sont quand même très, très pointus. Mais je vais y aller quand même. En fait voilà, si je devais résumer ma vie, ce serait : "Je vais y aller quand même". Donc pour moi, cette exposition à Venise est un chemin d'encouragement.

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