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"Elle est juste particulière et moi, j'aime bien les gens particuliers" : Hélène de Fougerolles raconte dans un livre son combat pour et avec sa fille autiste

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, la comédienne Hélène de Fougerolles.

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Hélène de Fougerolles lors du festival de La Rochelle (Charente-Maritime) le 14 septembre 2018 (FRANCK CASTEL / MAXPPP)

Hélène de Fougerolles a été nommée deux fois aux César dans la catégorie Meilleur espoir féminin et a reçu le prix Romy Schneider pour son rôle dans Va savoir de Jacques Rivette (2001). Elle a joué dans une cinquantaine de films pour le cinéma notamment sous la direction de Cédric Klapisch ou encore de Jean-Jacques Beineix. On la retrouve aussi à la télévision, comme dernièrement dans la série Balthazar.

Elle publie un livre autobiographique T'inquiète pas maman, ça va aller aux éditions Fayard, dans lequel elle parle de son parcours de femme, d’actrice mais aussi celui de mère d’une enfant différente, autiste. Une belle déclaration d’amour à Shana, sa fille de 17 ans.

franceinfo : T'inquiète pas, maman, ça va aller est un ouvrage qui raconte votre plus grand rôle, celui de maman. Ça représente quoi d'être maman ?

Hélène de Fougerolles : Peut-être qu'à cette époque, bêtement, un aboutissement. Aujourd'hui, on n'a pas besoin d'être maman pour aboutir à quoi que ce soit. En ce qui me concerne, j'avais envie d'essayer cette grande expérience. Je ne pensais pas que ça allait être aussi dense.

Votre fille arrive quand vous avez 30 ans. Vous racontez l'histoire de votre fille qui est différente des autres mais en même temps, vous gardez l'espoir !

En fait, elle n'était pas malade, elle était juste différente et ce n'était pas vraiment un problème pour moi. On devait aller consulter et faire plein d'examens dans les hôpitaux, c'était complètement incohérent pour moi parce qu'il n'y avait aucune inquiétude. C'était juste qu'elle était différente. Elle a marché tard, elle ne parlait pas encore mais on se comprenait très bien et c'est encore une jeune fille, aujourd'hui, qui va très bien. Elle est juste particulière et moi, j'aime bien les gens particuliers.

C'est l'école qui vous alerte en premier en vous disant : "Ce n'est pas normal, votre fille ne parle pas, ce n'est pas logique, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond" et à ce moment-là, vous ne voulez pas entendre.

Il y a beaucoup de personnes qui se réunissaient et qui parlaient de ma fille devant moi comme si je pouvais tout. En fait, je n'avais pas envie d'entendre leur problématique parce que pour moi ce n'est pas forcément une gloire de rentrer dans le système et dans ce qu'ils appellent la normalité. J'ai l'impression que je ne rentrais pas non plus dedans.

Ce qui a été difficile à vivre pour vous, c'est qu'on a chargé la mule, c'est-à-dire qu'il faut que ce soit la faute de quelqu'un. Et ça ne peut être que celle de la maman. C'est ce que vous avez porté.

En fait, c'est une théorie qui a été enseignée, au départ par Bruno Bettelheim et il y a eu aussi Freud, Dolto. On leur a enseigné que sûrement, l'autisme était la cause d'une maltraitance maternelle ou d'une carence maternelle. Et quand je leur disais : "Mais moi, je m'en occupe beaucoup, beaucoup, beaucoup". Ils me disaient: "Justement, vous faites tout le contraire et ça revient à peu près au même. Vous êtes une mauvaise maman".

La force de cet ouvrage réside dans le fait que vous assumez tout, même les comportements où vous lui en vouliez, où vous étiez, ce que vous appelez "violente" vis-à-vis d’elle parce qu’on vous disait qu’il fallait la brusquer, la frustrer etc…

On a traversé cette période aussi où quelquefois j’ai même eu honte d’elle, j’en ai eu marre d’elle et surtout à chaque fois que je la voyais, ça me renvoyait la mauvaise mère que je pouvais croire être. Donc, oui j’ai eu des moments de rejet, des moments où je l’ai détestée.

Je lui disais : 'C’est difficile d’être la maman d’une enfant comme toi' et c’est souvent elle qui me consolait et qui me disait : 'Justement ne t’inquiète pas maman, ça va aller'.

Hélène de Fougerolles

à franceinfo

Dans cet ouvrage, vous vous racontez aussi. Vous revenez à vos origines, à vos parents. Vous racontez leur absence, leur immaturité. Vous êtes toute jeune, vous avez 16, 17 ans quand vous décidez de devenir actrice. Votre maman est à fond !

Je réalise son rêve, je pense qu'elle rêvait au fond d'être actrice donc ça y est, elle allait pouvoir vivre ça à travers moi.

Au début, vous êtes mannequin et vous vous rendez compte très vite que dans ce métier, le désir que vous suscitez est plus porté sur le physique que le métier lui-même. Vous dénoncez des choses dans cet ouvrage, il faut quand même un certain un courage. Quand vous parlez de David Hamilton, les difficultés que vous avez rencontrées, ça a été dur ?

Comme je ne savais pas comment ça devait être en temps normal, je ne peux pas dire que c'était dur, c'était ma vie. Mais c'est vrai que ça a été un sacré parcours.

Je suis de l'époque de Vanessa Paradis et il y avait beaucoup cette idée de Lolita. Ce n'était pas du tout gênant qu'une fille de 16 ans fasse fantasmer des mecs de 50.

Hélène de Fougerolles

à franceinfo

On voyait bien L'Amant de Jean-Jacques Annaud avec une petite gamine qui tombait folle amoureuse d'un type beaucoup plus vieux qu'elle. C'était une période, où c'était accepté donc c'est vrai que je me retrouvais dans des castings ou dans des situations où on faisait fantasmer des personnes qui pouvaient nous donner du travail, c'étaient des metteurs en scène, c'était assez particulier. Même aux Bains-Douches, j'y rentrais j'avais 16 ans avec la bouille d'une fille de 13 ans et ça ne dérangeait personne.

Avez-vous douté d'y arriver par moments ? Car vous racontez aussi qu'alors que vous aviez déjà signé avec des grands réalisateurs, vous avez dû à chaque fois prouver des choses.

J'ai eu la grande chance d'être très naïve et vraiment, ça me traversait, ça passait d'un côté, ça ressortait de l'autre. C'est-à-dire que je tombais par terre, je me relevais et puis j'y retournais. C'est vraiment cette sorte de naïveté, d'innocence qui a fait que je suis passée à travers tout, sans que ça me fasse du mal.

Pendant tout ce parcours vous allez naviguer entre espoirs et déceptions avant de comprendre finalement que pour aller mieux, il faut accepter et c’est un long travail que vous allez faire sur vous-même. Ce livre est une énorme déclaration d'amour à votre fille.

Moi, je trouve mais ça fait 18 ans qu'elle me fait des énormes déclarations d'amour. C'est vrai, vous le voyez comme ça ? Je suis ravie.  

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