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François-Régis Gaudry : "Aujourd'hui encore, c'est Paris qui donne le "la" de la pâtisserie dans le monde entier"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, le journaliste, auteur et critique gastronomique, François-Régis Gaudry. Jusqu'au 16 juillet 2023, il est l'un des commissaires de l'exposition "Paris, capitale de la gastronomie du Moyen-âge à nos jours", qui se visite à la Conciergerie de Paris.
Article rédigé par franceinfo, Elodie Suigo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
François-Régis Gaudry, lors d'une conférence à Radio France, en avril 2022. (Christophe Abramowitz / radiofrance)

François-Régis Gaudry est journaliste, auteur et critique gastronomique. Il officie sur France Inter tous les dimanches avec l'émission On va déguster qui passe au grill l'actualité de la gastronomie. Il a débuté au Guide du Fooding avant d'intégrer L'Express pour les pages Saveurs, puis les pages Restaurants avant de créer son encyclopéguide : On va déguster Paris (2015), suivi par On va déguster la France en 2017 qui a reçu le prix Jean Carmet. Jusqu'au 16 juillet 2023, François-Régis Gaudry est l'un des commissaires, avec Loïc Bienassis et Stéphane Solier, de l'exposition Paris, Capitale de la gastronomie du Moyen Âge à nos jours, qui se visite à la Conciergerie de Paris, sur l'île de la Cité.

franceinfo : Pour beaucoup, la Conciergerie est un lieu associé à Marie-Antoinette puisque c'est là qu'elle a été emprisonnée avant d'être guillotinée. Mais dans cette conciergerie, beaucoup de choses se sont passé, et notamment un énorme festin en 1378. 

François-Régis Gaudry : Oui, c'est ça. C'est peut-être bien l'un des actes fondateurs dans notre histoire, de ce qu'on a appelé la gastro-diplomatie, parce que c'est une façon d'asseoir le pouvoir politique à table. Une façon de se servir des fastes culinaires pour montrer une forme de grandeur ou de prestige de la France. Et il est vrai que ce festin du Moyen-âge a été un très haut fait d'armes, à la fois politique, diplomatique et gastronomique, puisqu'il s'agissait de recevoir Charles IV, l'Empereur du Saint-Empire romain germanique et 800 invités dans ce lieu prestigieux. Et puis, un grand nom de la cuisine française, peut-être bien le cuisinier le plus connu du Moyen Âge, Taillevent, qui a été notamment l'auteur d'un grand best-seller culinaire de l'époque, Le Viandier, dont on expose un très beau manuscrit de l'époque qui est très précieux.

Quand on parle d'assiette, on pense évidemment au restaurant, qui est une innovation de Paris.

Et oui. Au départ le restaurant, ce n'était ni plus ni moins qu'un bouillon qui restaurait la santé et qui était servi dans une nouvelle génération d'établissements à partir des années 1760. Il était un peu considéré au départ comme une maison de santé qui cassait véritablement les codes par rapport à ce que l'on connaissait jusqu'alors comme les tables d'hôte, les auberges qui étaient en général insalubres, où on vous promettait globalement un menu à prix fixe, à heures fixes. Parfois, on le payait à la tête du client. Il y avait en général à la clé des intoxications alimentaires, bref, ce n'était pas toujours très ragoûtant.

Le restaurant a apporté énormément de modernité et a été, en quelque sorte, ce qui a marqué la modernisation de la gastronomie parisienne et française.

François-Régis Gaudry

à franceinfo

À Paris, bon nombre de créations ont vu le jour. Des créations salées, mais aussi des créations pâtissières, boulangères. C'est aussi important de le préciser !

On peut même dire que Paris a eu très longtemps le quasi-monopole de l'excellence pâtissière et boulangère. Et aujourd'hui encore, c'est Paris qui donne le "la" dans le monde entier. Vous faites la liste de tout ce que Paris a inventé en termes de sucré, c'est incroyable ! Du macaron parisien au Paris-Brest en passant par le Saint-Honoré, le croissant, toute la viennoiserie, l'Opéra et j'en passe ! Beaucoup de savoir-faire et de recettes sont parisiennes et Paris est encore aujourd'hui une terre d'innovation et d'excellence puisque Paris attire à elle énormément de talents français, mais également des talents du monde entier.

Vous semblez être tombé dans la marmite très tôt. À quel moment vos papilles se sont activées au point de vouloir les mettre au service de votre vie, donc d'en faire votre métier ?

J'ai toujours grandi dans une famille où on portait une grande attention à ce que l'on avait dans notre assiette. Ma maman cuisinait beaucoup, mais il y avait une approche, ce n'était pas s'en mettre plein la panse, je n'ai jamais été de cet appétit-là. L'assiette et la table peuvent être une formidable grille de lecture du monde, tout simplement. J'ai toujours grandi dans cette atmosphère avec un papa féru de grands restaurants. J'aime la théâtralité du restaurant. Et puis j'ai fait des études Sciences-Po pour être journaliste généraliste. Je m'imaginais plutôt dans la politique ou la culture. Et puis après, vous savez ce que c'est, le naturel revient au galop. On finit par proposer dans des conférences de rédaction, en presse écrite, etc. des sujets qui vous animent et vous intéressent. Et c'est comme ça que je suis vraiment tombé dans la marmite à partir de 2005, 2006.

Certes, vous êtes critique, mais est-ce que vous êtes un bon cuisinier et un bon pâtissier ?

J'adore cuisiner. Alors simplement, je ne me prends pas pour un chef parce que je n'ai pas les diplômes correspondants et j'ai trop de respect pour les chefs dont je juge, par ailleurs, la cuisine pour oser me comparer à eux. Toutefois, je suis un papa nourricier avec deux enfants. J'adore cuisiner au quotidien et je fais des choses assez simples. J'ai picoré dans les répertoires de ma grand-mère et de ma mère. Et puis, par ailleurs, quand je vais au restaurant et que j'adore un plat, en général, je harcèle le chef jusqu'à menace de mort pour obtenir la bonne recette ou le bon tour de main.

C'est vrai que vous avez cette force de nous donner envie de cuisiner, de respecter les plats, de les comprendre davantage.

Désormais, on ne peut plus simplement se demander si c'est bon dans l'assiette. Il faut se demander aussi, si en amont, c'est bon pour la planète, bon pour le producteur, bon pour la santé du sol, etc.

François-Régis Gaudry

à franceinfo

Tout m'intéresse en fait. À la fois la dimension nutritionnelle, historique, culturelle et écologique ! Et ça, c'est très important.

Est-ce que vous êtes optimiste alors ?

Oui, plutôt. Parce que je passe mon temps à observer des initiatives qui sont de formidables signes d'espoir. Il y a effectivement de très bonnes volontés qui se retroussent les manches et qui font des choses formidables dans tous les secteurs agricoles et alimentaires.

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