Françoise Fabian sort un deuxième album : "Je me demande si je suis si comme il faut que ça"
C'est l'art sous toutes ses formes qui a d'abord attiré Françoise Fabian, entre Alger et Paris. Eric Rohmer a décidé de lui faire confiance et de lui offrir ce rôle magnifique de Maud dans son film de 1969 Ma nuit chez Maud. Tout au long de sa carrière, les plus grands lui ont fait confiance au théâtre, à la télévision, au cinéma, Louis Malle ou Luis Buñuel, Gilles Grangier, Michel Deville, Jacques Demy, François Ozon, Jean Marais. Mais en plus du jeu, ce que l'on retient d'elle, c'est sa voix. Et là aussi, Alex Beaupain, Charles Aznavour, Julien Clerc ou Léonard Lasry ne s'y sont pas trompés. Aujourd'hui, elle sort son deuxième album, L'heure d'un rendez-vous, qui comporte neuf nouvelles chansons écrites par elle et vous par Lisa Point et une reprise.
franceinfo : Vous avez commencé à être artiste d'abord au Conservatoire de musique d'Alger, où vous avez appris le piano et l'harmonie. Est-ce le point de départ ?
Françoise Fabian : Oui. J'ai été au Conservatoire d'Alger. C'est ainsi que j'ai fait du théâtre. Mon premier flirt était un élève comédien et comme le conservatoire de musique était dans le même immeuble que le Conservatoire d'art dramatique, il m'a amené dans son cours et m'a dit :"Viens, viens voir le cours de comédie, cela t'amusera beaucoup". J'y suis allée et la professeure Paule Granier m'a dit : "Vous connaissez des poèmes ?" J'ai répondu "oui, bien sûr, je connais des poèmes". "Mais montez, récitez-nous un poème". Et j'ai récité un poème de Baudelaire et elle m'a dit : "Ah, mais c'est très bien !" Et elle a téléphoné à mon père pour le voir et lui dire : "Vous savez, votre fille, elle est très douée. Si vous voulez, j'aimerais beaucoup lui donner des leçons de comédie et de tragédie gratuitement". Et papa a dit oui. J'ai pris deux ans de cours avec elle et elle lui a demandé : "Est-ce que vous feriez le sacrifice de l'envoyer à Paris ? Parce que je voudrais la présenter au Conservatoire de Paris". Il a dit : "Oui, j'ai confiance en ma fille et je lui donne cette chance". C'est ainsi que je suis ici.
Ce qui est étonnant, c'est que vous ayez mis autant de temps à revenir à la musique.
Quand je suis arrivée à Paris, j'ai pris aussi des leçons de musique. Je n'ai pas abandonné la musique, le piano. Mais à un moment donné, je me suis cassé la main et je n'ai plus pu faire de piano, et cela a vraiment été un sacrifice pour moi de ne plus pouvoir en jouer.
Je voudrais qu'on parle de Que savons-nous de nous que vous interprétez avec Léonard Lasry. Cette chanson en dit aussi long sur le regard que vous portez sur le monde.
Bien sûr, Que savons-nous de nous ? La question se pose toujours, parce que c'est vrai que je me sens différente. C'est exactement comme si je jouais ma vie. Je joue la comédie de ma vie. C'est la première fois que je me le dis parce que tout dépend de la façon dont on se lève et de la façon dont on a dormi, les rêves qu'on a pu faire, les rendez-vous qu'on a dans la journée, et ça nous construit.
"Chaque jour est une aventure."
Françoise Fabiansur franceinfo
Que gardez-vous de cette arrivée à Paris au début des années 50 ?
J'étais très pauvre. J'étais dans des petits hôtels pas chauffés. J'avais un hôtel rue Saint-André-des-Arts où il n'y avait pas de chauffage. Il y avait une cheminée, alors j'allais au marché Bussy et je récupérai des cageots de bois pour allumer le feu dans la cheminée pour me chauffer. Personne ne savait que j'étais pauvre. J'avais des copains au conservatoire qui me protégeaient, que ce soit Jean-Paul Belmondo, Jean-Pierre Marielle, Jean Rochefort et tout ça. Cela dit, ils étaient tous mariés. Comme les garçons du Conservatoire pouvaient, jusqu'à 21 ans, se présenter au Conservatoire. Évidemment, ils avaient fait leur service militaire et ils s'étaient déjà pratiquement tous mariés. Et moi, ils me protégeaient et ils n'ont jamais essayé quoi que ce soit avec moi. Je le jure !
Vous avez toujours eu un caractère très fort. Vous ne vous êtes jamais laissée faire, en tout cas, les choses étaient claires. Cela fait partie de votre personnalité.
Les choses étaient claires. Il fallait qu'elles le soient. Il fallait que je choisisse aussi. Alors, je n'étais pas une espèce de chose comme ça, qu'on met d'un côté ou de l'autre. Je savais ce que je voulais. Je savais comment je devais vivre. Je savais que je devais respecter mes parents. J'étais assez costaud finalement, je ne m'en rendais pas compte, mais j'ai toujours eu une certaine rigueur.
Quel regard portez-vous sur tout votre parcours aujourd'hui ?
Ce que j'ai fait, je considère cela comme un cadeau. J'ai eu tellement de bonheurs. J'ai connu des gens tellement merveilleux, j'ai eu des parents tellement extraordinaires qui m'ont offert, qui m'ont permis d'avoir une vie extraordinaire. J'ai connu des gens merveilleux, j'ai connu des amis extraordinaires, mais j'en perds de plus en plus quand même à mon âge, n'est-ce pas ? Et je ne sais pas, est-ce que j'ai envie de l'avenir ?
"Je ne crois pas à l'avenir qu'on me propose. Je n'ai pas envie."
Françoise Fabiansur franceinfo
Pourtant, l'avenir que vous nous proposez, on en a envie. C'est cet album, L'heure d'un rendez-vous. Cet album, c'est vous.
Ah bon ? Je le trouve tellement comme il faut et je me demande si je suis si comme il faut que ça.
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