"Il nous manquait l'envie de réussir" : Mirwais revient dans un livre sur l’histoire du groupe de rock Taxi-Girl
Mirwais est le membre fondateur du groupe Taxi-Girl, né à la fin des années 1970. Il est aussi un artiste, un compositeur et un musicien qui a su proposer de nouvelles sonorités, notamment celles de la musique électronique. On pense aussi à sa casquette de producteur d'albums devenus légendaires et cultes comme Music (2000) et American Life (2003) qui ont relancé la carrière de la Madonna.
Aujourd'hui, il nous offre un condensé de lui-même et de ce qui le définit avec un ouvrage qui s'intitule Taxi-Girl 1978-1981 (chez Séguier) ou l'histoire en coulisse des quatre premières années de ce groupe considéré comme un objet artistique par beaucoup d'artistes majeurs.
franceinfo : Comme le montre la photo en couverture, Laurent Sinclair, Daniel Darc, Stéphane Erard, Pierre Wolfsohn et Mirwais étaient arrogants, fiers, indomptables. Vous écrivez dans votre préambule : "Nous avions tout pour nous et pourtant tout nous manquait". Que voulez-vous dire ?
Mirwais : Il nous manquait l'envie de réussir. Si vous rentrez dans ce genre de métier et que vous n'avez pas l'envie de réussir, tout nous manque, c'est ça en fait.
C'est étonnant parce que vous racontez les quatre premières années. Celles qui restent le plus en mémoire avec la création du groupe et le chaos qui a suivi le décès de Pierre Wolfsohn, votre batteur qui a succombé à une overdose d'héroïne au moment de votre tube Cherchez le garçon. Ce livre est le premier volet d'une trilogie. La drogue était de mise. Elle revient régulièrement dans cet ouvrage. Finalement, ce groupe, c'est aussi une photo d'une époque.
Exactement. Et il y a aussi l'aspect social et politique en filigrane. Je parle de la guerre d'Afghanistan parce que je suis moitié Afghan par mon père et j'ai vécu là-bas. Et en fait, à ce moment-là, on a changé le monde. Quand est sorti, en 1981, Mannequin, notre premier single avec Taxi-Girl, il y avait la guerre d'Afghanistan. Je suis devenu réfugié politique à l'époque, je ne pouvais pas faire autrement. Ensuite, Reagan est arrivé. Aujourd'hui, beaucoup de gens disent : "Oui, il y a le monde d'avant" le monde digital. Il y a eu le même type de basculement, qui était plus politique. Cette période pré-Reagan, pré-guerre en Afghanistan a été très intéressante.
Vous remettez dans le contexte tous ces conflits et cette envie que vous aviez, dès l'âge de 12 ans, de fonder un groupe parce que justement vous aviez besoin de sortir de ça ?
En fait, mon histoire n'est pas très commune. J'ai vécu en Afghanistan, je suis né en Suisse. Ma mère était italienne. Mon père travaillait pour le gouvernement et il était nommé pour une mission et au final, on n'est pas retourné en Afghanistan. Tant mieux d'ailleurs. Mais on n'était que quatre dans notre famille directe, donc il fallait se retrouver une famille. Ce n'était pas suffisant.
"On avait des problèmes comme toutes les familles. Ce n'est pas non plus l'histoire de Cosette, mais il fallait que je trouve quelque chose et la guitare est arrivée, puis la musique."
Mirwaisà franceinfo
Je voudrais qu'on parle effectivement de Cherchez le garçon. Que représente cette chanson pour vous ?
Ça a été un peu la fin du groupe parce que malheureusement, on a remplacé notre bassiste. En réalité, c'est moi qui joue la partie de basse sur ce titre et ça a été une très grave erreur. Il y a eu une hystérisation de la situation. Par exemple, chez les Rolling Stones, Keith Richard parfois jouait de la basse sur des morceaux, ce n'était pas une raison pour virer Bill Wyman, mais nous, on l'a fait. Les autres ne supportaient pas Stéphane, le bassiste, qui par ailleurs, s'en est très bien sorti. Il est astrophysicien et je dis souvent, c'est le seul qui a réussi de nous tous.
En tout cas, cette chanson fait partie de vous. Elle est incontournable. Vous parlez des paroles queers.
En fait, c'était le premier titre queer puisqu'après, sur Seppuku, Daniel, qui était très ambivalent sexuellement et qui a fait son coming out vers ses 30 ans, a fini par signer Viviane Vog. On peut dire que c'est le premier hit parce que des titres queers, il y en a toujours eu, même avant nous, mais là, c'était en France. C'est une pop moderne et avec le passage dans les années 1980. On a donc inspiré beaucoup de gens.
Est-ce que le fait d'écrire ce livre ne vous permet pas finalement de dégommer un peu la tristesse que vous avez gardé en vous pendant très longtemps ?
La colère. D'abord, une dépression que nous avons retournée contre nous et qu'on a ressortie sous forme musicale. Ensuite, c'est devenu dans la deuxième partie une pure dépression parce qu'on s'est fait avoir.
"Taxi-Girl était une dépression."
Mirwaisà franceinfo
Alors bien sûr, tout le monde s'est fait avoir une fois ou deux dans la vie avec l'argent, mais il y a eu quelque chose de très intéressant, c'est qu'on a retourné notre colère contre nous-mêmes sous forme de dépression. Sur la quatrième de couverture, il y a marqué : "On ne se laissait pas faire". Oui, on ne s'est pas laissés faire ni politiquement, ni socialement, ni émotionnellement, mais sur le plan de l'argent... Se faire déposséder a été un circuit malsain pour nous. Moi, je parle de dépossession.
À travers votre écriture et surtout à travers Taxi-Girl, on se rend compte que vous êtes très rock. Le rock, c'est la vie ?
Oui. Je trouve que ça vieillit bien. Dans chaque nouvelle génération, on retrouve l'esprit du rock et ce, dans tous les nouveaux courants.
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