Cet article date de plus de trois ans.

"J'aurais voulu être détective privé" : Joey Starr raconte des histoires de gangsters en podcast

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd'hui, le rappeur, producteur, acteur et raconteur d’histoires Joey Starr.

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Didier Morville, alias Joey Starr, à Paris (France) le 1er juillet 2020 (AURELIEN MORISSARD / MAXPPP)

Joey Starr est rappeur, producteur et acteur. Son duo incontournable avec Kool Shen au sein du groupe Suprême NTM est considéré comme un pilier du hip-hop français. Au cinéma, ses rôles dans les films Le bal des actrices (2009) ou Polisse (2011) de Maïwenn ont révélé ses talents d'acteur. Depuis quatre saisons, il est aussi raconteur d'histoires méconnues de gangsters à écouter sur Deezer en podcast : Gang stories.

franceinfo: Comment "le Jaguarr" s'est-il retrouvé à la tête de ces histoires qui racontent les bas-fonds des organisations criminelles ?

Joey Starr : Vous avez commencé par dire que j'étais rappeur et bien c'est un peu dans cette continuité-là. Un rappeur, ça se raconte ou ça raconte des choses. Ça m'amusait aussi parce qu'on désacralise le gangster, la lecture hollywoodienne du gangster n'existe pas. Voilà, tant que je m'amuse, j'y vais.

Vous auriez pu être un narcotrafiquant?

Oui, j'aurais pu. J'ai fait des conneries un peu dans ce genre-là mais sans me voir en Pablo Escobar. Je préfère de beaucoup ma posture de voleur de poules, un peu saltimbanque, je trouve ça nettement plus intéressant.

Je suis libre surtout et ça n'a pas de prix!

Joey Starr

à franceinfo

Je voudrais qu'on parle de cette liberté que vous êtes allé chercher. Quand on regarde votre parcours on se dit : "Comment a-t-il fait pour éviter ça ?" Enfant, vous avez subi les coups de votre père et ses réflexions comme quoi vous n'étiez bon à rien. Vous avez réussi à vous sortir de cela. C'est grâce à la danse ?

C'est plein de choses, plein de paramètres. Ce sont des rencontres. Dès que je pouvais mettre le nez en dehors de chez moi, c'était l'exutoire. Du coup, je prenais tout, j'étais curieux et ça m'a appris qu'à tout moment, la vie balançait des surprises dans la gueule. Je prenais ce qui arrivait et je vivais dans l'immédiat.

À quoi rêviez-vous enfant ?

J'aurais voulu être détective privé... Oui mais avec l'imagerie américaine. Il y avait cette série, Baretta ou même le film Serpico avec Al Pacino. Le détective un peu loser, crasseux, dans son appartement tout seul. Je m'entends très bien avec moi-même donc j'aurais pu le faire !

C'est dur de lâcher prise ? Au début, vous aviez cette carapace en mode warrior, pour survivre...

À partir du moment où on a signé chez Sony dans les années 80 tout en s'appelant Nique Ta Mère, on a un peu lâché prise quelque part. Nous, le fait d'être ponctuels aux rendez-vous pour faire de la promotion ou autre, d'un seul coup on ne vivait plus comme avant. Je ne pensais pas du tout m'inscrire là-dedans, je me dis: " Tu sais quoi ? Il se peut que dans vingt ans, tu sois encore référencé quelque part !"

Certains disent que vous êtes aussi vecteur d'espoir parce que vous avez connu la rue. Le premier chèque de NTM vous ne pouviez pas l'encaisser parce que vous étiez sans domicile fixe. On peut toucher le fond et réussir à faire quelque chose de sa vie, avancer, représenter quelque chose.

J'ai été SDF par choix. Et puis surtout, je ne comptais pas revenir, j'étais dans cet état d'esprit. J'avais le temps de pouvoir rêver les yeux ouverts, c'est le truc. J'ai su écarter les murs là-dessus.

Il y a un côté Laisse pas traîner ton fils aussi. 

J'ai appris que c'était la chanson qui avait le plus de clics sur Google. Je me dis qu'encore une fois, on est dans un truc générationnel. Je ne suis pas sûr que ce soit forcément seulement les gens de ma génération qui veillent au grain. Sans être les Beatles, se dire qu'au moment où on se parle, il y a peut-être quinze personnes qui écoutent ma musique quelque part... 

Les choses je les fais comme ça, je prends une fulgurance dans la gueule, j'y vais et puis on verra bien demain. Demain est un autre jour.

Joey Starr

à franceinfo

À un moment donné, quelque chose a basculé avec Maïwenn venue vous chercher pour faire du cinéma. Carton plein dès le départ avec Le bal des actrices, première nomination aux César. Comment avez-vous vécu cette période ? 

Je n'y croyais pas. De toute façon comme à chaque fois. La première fois qu'on m'a proposé de faire du théâtre, j'ai fait une mauvaise blague et dit : "Je peux avoir l'adresse de votre dealer, les mecs ?" Ça ne les a pas du tout fait rire. L'idée de cette pièce, c'était de prendre des gens qui ont été artistes et qui ont eu des hautes fonctions. Je vais au rendez-vous, ils me passent le texte et je rentre chez moi, je le lis et trouve ça mortel. Je prends le téléphone et dis : "Ok, c'est bon, je vais le faire". Je raccroche et là mon frère me dit : "Mais à part à l'école en primaire, tu as déjà fait du théâtre ? Tu as oublié que tu allais monter sur scène tout seul."

C'est ce qui vous définit : vous fonctionnez à l'instinct.

À l'instinct et je crois que la zone de confort ne m'intéresse pas trop. Ce que j'aime aussi c'est sortir de la posture de Joey Starr un peu.

Êtes-vous heureux ?

J'ai besoin de sentir les autres. J'ai besoin de sentir la vie. C'est ce qui me permet de sentir que j'existe en vrai. Je n'ai pas envie d'aller très bien.

Joey Starr

à franceinfo

Je vais très bien ! Quand je dis ça, je vais très bien avec tous les problèmes que j'ai. J'adore ma mauvaise humeur, j'ai besoin d'avoir des problèmes. Honnêtement, ça ne m'intéresserait pas que tout aille bien. J'ai besoin de me plaindre. Souvent, on me dit que je me suis embourgeoisé... Sûrement ! Et j'espère n'avoir pas fait tout ça pour rien.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.