"Je suis fier, d'autant plus que c'était inespéré", Christian Signol se raconte au travers de son roman "Une famille française"
Christian Signol a été consacré comme étant l'un des dix romanciers préférés des Français. Il faut dire que depuis la sortie de son roman Les Cailloux bleus en 1984 et sa trilogie La Rivière Espérance (1990, 1991, 1993), adaptée ensuite à la télévision, ses ouvrages n'ont eu de cesse de trouver leur public. En septembre dernier, il a publié Une famille française aux éditions Albin Michel.
franceinfo : Une famille française, est-ce le livre qui vous correspond le plus finalement ? Qui traduit ces 40 années passées aux côtés des lecteurs ?
Christian Signol : Sans doute parce que c'est le roman qui ressemble le plus, finalement, aux chemins de ma famille, c'est-à-dire que mes grands-parents étaient paysans, mes parents n'étaient pas enseignants comme Antoine dans le livre, mais ils étaient commerçants, le statut social était à peu près le même. Avec mes frères et sœurs, nous avons fait tous les quatre des études universitaires et c'est effectivement le chemin qu'ont parcouru, à mon avis, au moins 50% des familles françaises qui, passant de la paysannerie à l'université, sont aussi passées des campagnes vers les villes.
Je voudrais que vous me racontiez votre vie parce qu'il y a tellement de vous à l'intérieur de cet ouvrage. On vous imagine petit garçon. Vous étiez déjà amoureux de la lecture. Cette envie d'écrire a commencé comme ça.
L’amour de la lecture a commencé dès l'école primaire.
"Je me souviens qu'au fond d’une classe, dans un petit village perdu au fin fond du département du Lot, il y avait trois étagères dans une petite bibliothèque où figuraient tous les livres de Victor Hugo et ça a été assez déterminant dans mon désir d'écrire."
Christian Signolà franceinfo
Je me souviens de mon instituteur, un type extraordinaire, un de ces anciens instituteurs de la IIIe République, qui demandait à ses élèves : " Que voulez-vous faire plus tard ?" J'ai répondu : "Je veux devenir écrivain". Cet homme-là, au lieu de se moquer de moi ou d'émettre des réserves, m'a dit : "Si tu le veux vraiment, tu le deviendras". Et ça a été assez déterminant dans mon désir d'écrire par la suite. Mais c'est un chemin qui a été très long. Pendant des années, j'ai envoyé des manuscrits à des éditeurs qui me les refoulaient dans le mois qui suivait.
En tout cas, il y a un besoin de perpétuer la tradition. C'est important pour vous ?
Oui, c'est que c'est important, mais c'est aussi difficile. J'ai des petits-enfants, mais les petits-enfants d'aujourd'hui... J'ai une petite-fille qui étudie à Madrid, l'autre qui voyage continuellement en Amérique du Sud et donc il est très difficile de les relier entre eux. Et alors, est-ce qu'ils lisent ces livres ? Je n'en suis pas persuadé, mais ce dont je suis persuadé quand même, c'est que leurs parents ou leurs grands-parents les lisent.
Quel est votre rapport avec l'écriture aujourd'hui ? Qu'est-ce qui a le plus changé depuis vos débuts avec ces Cailloux bleus et aujourd'hui avec cette famille qui vous correspond tellement ?
L'évolution a été lente. Elle se traduit aujourd'hui beaucoup plus dans l'écriture, qui est devenue une écriture plus rapide qu'elle ne l'était au début. Parce que, c'est vrai qu'avec Les cailloux bleus, il y a si longtemps, j'ai insisté davantage, par exemple sur les paysages etc. Encore aujourd'hui, un peu, mais beaucoup moins quand même, parce que c'est une nécessité.
"Tout, aujourd'hui, est devenu tellement rapide, il faut réagir très vite et il faut aussi donner dans l'écriture cette impression de rapidité, sinon les gens décrochent."
Christian Signolà franceinfo
Vous rendez hommage à l'importance d'être professeur. Évidemment, on pense aux deux professeurs assassinés dans l'exercice de leurs fonctions, Samuel Paty et Dominique Bernard. Ça vous évoque quoi, que dans une cour d'école ou à la suite d'un cours, on puisse être assassiné pour avoir exercé son métier ?
C'est le monde d'aujourd'hui. Le terrorisme, il y a quelques années, me paraissait très lointain, très vague. Et puis finalement, non. J'avais un ami qui s'appelait Bernard Maris et il y est resté, dans les locaux de Charlie Hebdo. Il y est mort. Et donc ce phénomène de terrorisme, qui me paraissait vraiment très lointain, tout d'un coup, au mois de janvier 2015, est devenu très proche, très réel. Et pour moi, ça a changé quand même énormément de choses dans mon état d'esprit. Je suis quand même devenu à ce moment-là beaucoup moins optimiste qu'avant. Ma vision des choses, des événements de l'époque a énormément changé.
Vous qui rêviez d'écrire, de devenir écrivain, vous l'êtes devenu. Vous êtes l'un des écrivains français les plus lus actuellement. Êtes-vous fier de ce parcours ?
Je suis fier, d'autant plus que c'était inespéré. C'est-à-dire qu’un enfant du fin fond du département du Lot dans les années 1960… Imaginer un destin comme celui-là, c'était absolument impossible. Ceci dit, comme l'a écrit Jim Harrison : " Qu'est-ce que le destin, sinon la densité de l'enfance ?" Je pense que mon enfance a été d'une densité extraordinaire, d'une force extraordinaire et qu'elle m'a permis finalement de réaliser ces rêves-là.
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