Jérôme Commandeur évoque son métier d'humoriste : "Ce qui est passionnant, c'est quand on est sur le fil et que ça commence à déraper"

L’humoriste, comédien, réalisateur et producteur Jérôme Commandeur est l’invité exceptionnel du Monde d'Élodie Suigo du 23 au 27 décembre 2024. Depuis le 18 décembre, sa série en huit épisodes "Le monde magique de Jérôme Commandeur" est diffusée sur Canal+.
Article rédigé par Elodie Suigo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Jérôme Commandeur, le 6 février 2023, à Paris. (MARC PIASECKI / WIREIMAGE / VIA GETTY)

Jérôme Commandeur est un humoriste, acteur et réalisateur. Il est l'invité exceptionnel du Monde d'Élodie Suigo sur franceinfo du 23 au 27 décembre 2024. Selon lui, le rire a une dimension tripale et il assume et aime l'expression, "rire avec le ventre". Changer de costume et s'immerger dans une autre époque sont, sans conteste, ce qui lui plaît dans les métiers d'acteur et d'humoriste. Depuis le 18 décembre 2024, il apparaît sur Canal+ dans "Le monde magique de Jérôme Commandeur", une série, composée de huit épisodes, qu'il a rédigée et dans laquelle il occupe la première place, entouré d'amis.

franceinfo : C'est le jour de Noël, étiez-vous un enfant sage ?

Jérôme Commandeur : J'étais espiègle, tendance un peu grinçante. Oui, j'aimais bien commenter, imiter. Quand les gens avaient le dos tourné, je regardais mes cousins, je faisais la petite moue que le grand-père ou la grand-tante venait de faire, je la refaisais, comme un cancre pensant que personne ne vous voit alors que tout le monde vous voit. J'ai gardé ce truc-là.

Dans "Le monde magique de Jérôme Commandeur", vous abordez des thèmes toujours tabous, comme certaines personnalités politiques qui sont sans foi ni loi. Vous parlez du consentement avec un couple de stars du porno qui prône la morale. Vous avez quand même ce côté "tout en douceur", ce qui a donné d'ailleurs le nom de votre dernier one man show ?

Je dirais plutôt, une tape, une caresse, il faut essayer d'être dans une espèce d'équilibre. C'est en fait une ligne de crête beaucoup plus difficile à respecter qu'il n'y paraît.

"On n'est pas là pour secouer les gens et les violenter avec notre humour, mais en même temps, l'humour Béni-oui-oui, un peu Bisounours ne marche pas non plus."

Jérôme Commandeur

à franceinfo

On se maintient en équilibre comme ça entre les deux cordes qu'on a dans la main gauche et dans la main droite, c'est-à-dire toujours le "ni trop, ni trop peu". Mais c'est passionnant à faire parce que quand vous trouvez un espace où en même temps, on met les doigts des gens dans la prise tout en leur montrant qu'on n'est pas non plus ce sale type qu'on veut bien montrer et que ça fonctionne, ça devient jubilatoire.

Tout est une question d'équilibre.

Exactement. D'ailleurs, regardez, quand vous allez voir un artiste seul sur scène, qui que l'on soit d'ailleurs, on a une forme de trac un peu particulier pour lui. On se demande s'il va arriver au bout. Cela peut-être des amis, mais ça peut être aussi des gens que je ne connais pas à qui je dis : "Ah la, j'avais le trac pour vous quand vous êtes arrivé". Et c'est vrai qu'il y a un petit côté numéro de cirque que je trouve assez génial.

Est-ce que l'humour est un remède, une formule magique pour tout aborder ?

Ah oui, mais souvent, il y a un peu en sous-texte le fameux, "peut-on rire de tout ?" Mais ce qui est amusant, c'est que jamais les gens du grand public, les gens qui vous attendent à la sortie des salles ou qui aiment votre travail, qui viennent vous le dire, vous disent : "vous êtes allés trop loin". Voilà 25 ans que je fais ça et ça ne m'est jamais arrivé. Je me suis un peu posé la question, si je dois être honnête, quand mon spectacle a été diffusé à la télévision, mais j'ai choisi de ne rien changer et de mettre le spectacle tel quel, de ne pas me censurer.

Florence Foresti a été très attaquée par ceux qui soutenaient Roman Polanski, par exemple. Ce n'est pas simple de dire des choses à voix haute, même sur le ton de l'humour. Est-ce que vous êtes inquiets de cette liberté d'expression ?

Oui. Je me suis souvent dit que les César, c'est un peu comme une vieille dame qui a envie de s'encanailler, mais en même temps, ce n'est pas parce qu'elle a envie de s'encanailler que vous arrivez chez elle et que vous mettez les pieds sur la table. Je pense que l'humour, c'est pareil. Un jeune humoriste qu'on ne connaît pas et qui arrive pour son premier jour sur un média national et qui fait une chronique en déglinguant tout le monde, je ne suis pas sûr qu'il revienne le deuxième jour. Je pense que c'est quelque chose à manier avec un peu plus de précaution qu'il y a quelques années, mais qu'en même temps, moi quand je vois Jérémy Ferrari, quand je vois Gaspard Proust, je trouve que la liberté d'expression ne s'est jamais aussi bien portée.

Qu'est-ce qui vous donne envie d'écrire ?

Oh, c'est une belle question ! Les sentiments. Ce n'est pas forcément ne pas aller bien, bien sûr qu'il y a le tragique qui occupe une grande place dans les œuvres, dans nos écritures, etc. Mais je dirais, qu'est-ce qu'on a manqué à un moment ? Pourquoi à un moment, ça s'est mal passé ? Est-ce que je suis dans ma bonne vie ?

"Le questionnement, c'est ça qui me donne envie d'écrire."

Jérôme Commandeur

à franceinfo

Moi, j'ai une passion, c'est ce que je racontais dans mon dernier spectacle, pour les faits divers. Je racontais sur scène : pourquoi les faits divers sont-ils aussi populaires ? Les émissions, les documentaires de faits divers ? Je disais peut-être parce que ça appelle quelque chose de noir en nous qu'on a et qui sommeille, et que cette passion nous permet d'assouvir, à peu de frais. Je quittais un tout petit peu le domaine du rire, il n'y avait pas de vanne dans ce que je racontais et je voyais les yeux des gens s'écarquiller en se disant : "oh putain merde ! Et si..." C'est ça qui est passionnant. C'est quand on est sur le fil et que ça commence à déraper. C'est ça qui donne envie d'écrire.

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