"La salsa est un beau mélange et un bon outil social" : Yuri Buenaventura de retour sur scène en France
Yuri Buenaventura est un chanteur colombien indissociable de la salsa et de la France. Sa version latino du titre Ne me quitte pas de Jacques Brel, a fait de lui le premier chanteur de salsa disque d'or en France. Sa première fois avec la France, c'était dans les années 80, lorsqu'il s'est inscrit à la Sorbonne. C'est en jouant dans les rames de métro parisien que son amour pour la musique s'est développé, accompagné de son tambour. Il revient en France le temps d'une série de concerts, dont un, exceptionnel, à l'Olympia, le 29 juin 2023.
franceinfo : Que ressentez-vous à l'idée de remonter sur scène 23 ans après votre première montée sur scène ?
Yuri Buenaventura : L'Olympia est un symbole très important, c'est un temple de la musique. Et la première fois, il y a 23 ans, j'avais très peur de ne pas être à la hauteur du public de l'Olympia. Mais cette fois-ci, je suis très tranquille, très heureux et rempli. Je suis prêt.
La salsa est à la fois un rythme musical et une danse. C'est aussi à travers la salsa qu'une partie du monde a réussi à avoir toujours autant d'espoir, malgré les situations du pays assez dramatiques, entre la dictature et les privations de liberté.
Exactement. La salsa est faite d'Amérindiens, de croisements de visions amérindiennes, des esclaves d'Afrique avec les tambours et de l'Europe, de l'harmonie européenne, du lyrisme européen et de la langue espagnole. Ces trois éléments font la salsa, mais quand tu fais un cocktail de tout ça, c'est un mélange de mysticisme, de joie de vivre, un peu de lyrisme. C'est un beau mélange et c'est un bon outil social.
Vous avez vécu et grandi dans une maison en bois et pour que l'eau ne rentre pas dans la maison, votre maman collait des affiches sur les murs. C'est comme ça que vous avez appris à lire ?
Oui, exactement. La maison était en bois et en carton. Alors la pluie entrait parfois et ma mère mettait des papiers sur les murs.
"Pour protéger de la pluie notre maison en bois et en carton, ma mère collait des publicités sur tous les murs. Alors, quand j'étais petit, elle me faisait lire sur les murs et c'est comme cela que j'ai appris à lire."
Yuri Buenaventuraà franceinfo
Cet amour inconditionnel que vous portiez à votre maman vous a donné envie d'écrire. Vous écrivez votre première chanson vers sept ans. C'est d'abord pour lui faire une déclaration, pour la remercier ?
Oui. La maison était tellement remplie d'amour, notre entourage était aussi plein d'amour, que je ne me rendais pas compte qu'on avait des difficultés financières. Jusqu'à mes 17 ans, je trouvais cela normal parce qu'il y avait la nature, la biodiversité, la Cordillère des Andes. On ne se rendait pas compte que nous étions des précaires.
Vous êtes le premier chanteur de salsa à recevoir un disque d'or en France, avec votre reprise de Ne me quitte pas, de Jacques Brel. Cette reprise vous est insufflée par un documentaire. Vous voyez le visage de Brel apparaître et il est tout transpirant. Vous avez l'impression qu'il joue sa vie, qu'il est limite en train de mourir sur scène en interprétant cette chanson. C'est un déclic pour vous ?
Oui, Jacques Brel jouait sa vie sur la scène et je ne savais pas qu'il n'allait pas mourir. Je ne parlais pas français et je regardais les images en me disant que c'était un documentaire sur un monsieur qui meurt sur scène d'un arrêt cardiaque. Et il disait : "Pas, Pas", mais je ne comprenais pas. Je suis allé en Colombie, mais à l'époque, il n'y avait pas Google, YouTube, tout ça et j'ai cherché dans tous les magasins des disques une chanson française qui disait "Pas" et finalement, je l'ai trouvée et j'ai fait une version, une adaptation de cette œuvre de Brel en salsa. Les gens dans mon pays peuvent danser la salsa même en étant à l'intérieur de la francophonie et de la francophilie.
"Jacques Brel m'a certainement donné une clef très importante pour comprendre que par la musique, on peut découvrir le monde, vivre une vie digne et de partage."
Yuri Buenaventuraà franceinfo
Ce qui ressort de vous, c'est cette énergie que vous avez tout le temps. C'est une façon aussi de transmettre le fait qu'il faut toujours continuer à y croire, garder de l'espoir ?
Oui ! Je faisais la manche dans le métro et je parcours le monde avec la musique. La vie se construit avec confiance. Je crois que les premiers murs à abattre, c'est la peur. Et on est rempli de peur. Et tous les exercices de confiance, tous les exercices d'amour, peuvent changer la mise.
Yuri Buenaventura sera aussi en concert le 23 juin 2023 à Montauban, le 18 juillet au festival de musique Sun & Sea à Canet-en-Roussillon et le 21 juillet au Nice Jazz Festival etc.
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