Lara Fabian : "Grâce à l'empathie on peut se mettre à disposition de l'autre"
Depuis son arrivée sur le devant de la scène au Canada avec les albums Lara Fabian (1991) et Carpe Diem (1994) pour lesquels, elle a reçu un bon nombre de Félix, l'équivalent de nos Victoires de la musique, Lara Fabian fait partie de nos vies. En France, son adoption par le public est instantanée avec la sortie de l'album Pure en 1997 et ses titres devenus incontournables comme : Tout, Je t'aime, Humana, Si tu m'aimes ou encore à La différence.
Lara Fabian n'a jamais cessé de proposer un éclairage sur la vie, avec ses joies, ses peines, ses éclats de rire parfois axés sur les ruptures, les pages qui se tournent et des aventures qui démarrent. Vendredi 26 janvier, elle est de retour avec un nouveau single intitulé : Ta peine coécrit et composé avec Slimane.
franceinfo : Ta peine est une ballade et vous l'avez annoncée sur vos réseaux sociaux avec ce texte : "J'ai tellement attendu pour vous offrir le meilleur". Pourquoi cette attente ?
Lara Fabian : Parce que ça faisait des semaines que je parlais avec cette phrase qui était une sorte de formule à laquelle on avait pensé qui est : "Le meilleur reste à venir". Pourquoi cette attente ? Eh bien parce que c'était juste de le faire à un moment où tout était aligné, où tout était vraiment fignolé, finalisé.
Quand on découvre le titre de la chanson, on comprend qu'il s'agit d'absorber un sentiment à la place des autres, comme si on devenait un bouclier pour eux, comme si on voulait porter leur peine. C'est ça ?
Ou la transformer. Si l'autre est d'accord, bien sûr, parce qu'on n’a absolument pas cette option si on ne nous le permet pas. On peut avoir envie d'aider quelqu'un, de l'aider à guérir, mais si l'autre nous en donne la permission, si l'autre ouvre suffisamment grand son cœur pour qu'on puisse aller y puiser ce qu'il faut, eh bien oui, je crois qu'on peut transformer la peine de quelqu'un. Je pense qu'on peut "alchimiser" la peine, c'est possible.
Comment est née cette chanson avec Slimane ?
C'est parce que je l'ai appelé. Cela fait des mois, voire des années que je l'observe et que je me dis : il y a quelque chose qui nous rassemble.
"On a une âme commune avec Slimane, je le sentais."
Lara Fabianfranceinfo
Donc je lui ai demandé s'il était d'accord pour dîner avec moi. Il m'a répondu : "Oui". On s'est assis en toute simplicité, on a partagé beaucoup de choses. Et sans rien trahir, je peux simplement dire qu'effectivement je ne m'étais pas trompée, on a quelque chose en commun. Alors la vraie question à ce moment-là, c'était : Qu'est-ce qu'on fait de ce qui nous rassemble ? Comment est-ce qu'on le raconte ensemble ? Je lui ai parlé de certaines choses que je traversais, il m'a parlé de certaines choses qu'il traversait. Et on a eu envie d'écrire une chanson, pas seulement sur la résilience, mais sur la possibilité, dans le concret de faire quelque chose pour l'autre, de faire sens pour l'autre. Et on a tous, vous me contredirez peut-être, mais dans notre premier cercle, quelqu'un qui à un moment donné a vraiment besoin d'aide, mais ne le manifeste pas forcément. Et si on est un peu empathique, on peut se mettre à disposition de l'autre grâce à cette empathie. Et c'est vraiment de ça que Slimane et moi, on avait envie de parler.
Vous parlez de l'enfance, vous dites que certains enfants s'en souviennent. Inévitablement, on parle des blessures d'enfance. Est-ce qu'enfant, vous avez porté une forme de peine vous aussi ?
Qui n'a pas porté une forme de peine ? J'ai même envie de vous dire : qui n'a pas hérité de certaines casseroles que, bien malgré eux, nos parents nous transmettent sans aucune malveillance, simplement parce qu'eux-mêmes ne savent que faire de cette petite douleur qui devient parfois un compagnon, une habitude. Et puis ils nous la transmettent parce qu’eux-mêmes ne l'ont pas dressée.
"J'appartiens à une génération dont les parents n'étaient pas très enclins à parler de ce qui leur faisait mal. C'était plutôt l'omerta. C'était plutôt le silence sur ce qui faisait mal."
Lara Fabianà franceinfo
Je pense que je suis la cinquième génération de femmes qui peut se définir comme étant un agent du changement. J'ai vu des femmes souffrir les unes derrière les autres, de l'arrière-grand-mère à la grand-mère, ensuite ma maman et puis j'avais un très grand miroir devant moi et je me suis longtemps posé la question : est-ce qu'en étant l'héritière de cette douleur, je suis forcément obligée moi aussi de passer par les mêmes étapes ?
Et Ta peine, c'est un peu cette possibilité de dire à quelqu'un d'une façon ou d'une autre : "Tu sais, j'ai mal et je ne m'en sors pas. Est-ce que quelque chose en toi a l'élan de m'aider ?" C'est un peu ça qu'on fait quand on a très mal et qu'on n'a plus de solution, c'est que d’une manière presque silencieuse, tacite, on exprime un immense appel à l'aide, un immense "Au secours". Et si en face de nous, on a quelqu'un de suffisamment empathique, on peut attraper la balle et se faire aider. Donc petite, moi je n'ai pas toujours eu cette opportunité-là.
"Petite, je n'ai pas toujours eu l'impression que dans mes silences, on comprenait ma peine ou mes douleurs."
Lara Fabianà franceinfo
Vous êtes très proches des enfants et il y a une espèce de caisse de résonance entre ce que vous faites actuellement avec "Dream Team" sur TF1, vous les coachez, vous leur indiquez un chemin, vous les portez. On sent toujours ce regard bienveillant sur eux. Êtes-vous touchée de les entendre interpréter vos chansons ?
En fait, ça me touche, de les entendre dire qui elles sont au travers de ces interprétations. C'est leur volonté de se déclarer au travers de ces chansons. Que nous racontent-elles d'elles ? Comment elles le font ? Quelles sont certaines de leurs croyances qui parfois les limitent ? Comment je peux aider à débroussailler tout ça simplement avec des mots très simples ?
"J'adore l'idée que ce que moi j'ai dans mon sac à dos accumulé, depuis 30, 35 ans, puisse être utile à quelqu'un d'autre et en particulier aux enfants."
Lara Fabianfranceinfo
J'adore cette idée.
Le single Ta peine sort vendredi 26 janvier. Anxieuse ou pas ?
Toujours. En fait, je ne suis pas anxieuse, mais fébrile certainement.
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