Le cinéaste et dessinateur Jan Kounen écrit et expose ses voyages intérieurs
Jan Kounen est réalisateur, scénariste et producteur. Il a fait des films, des clips, des pubs et aujourd'hui il est auteur et illustrateur. Il a notamment réalisé les films Dobermann en 1997 et 99 francs en 2007. Entre les deux et depuis plus de 20 ans, le sujet qui l'inspire le plus est le voyage intérieur grâce à l'utilisation de l'Ayahuasca, une plante hallucinogène originaire d'Amérique du Sud, sacralisée d'ailleurs par les indigènes de l'Amazonie pour ses vertus curatives, purificatrices et même magiques.
Jan Kounen a une triple actualité. Il y a une bande dessinée, Docteur Ayahuasca, un livre d'entretiens avec le chaman François Demange, avec un sous-titre très évocateur Ayahuasca - Le livre que nous aurions aimé lire pour bien vivre ce type d'expérience psychédélique tous deux aux éditions Trédaniel La Maisnie. Et puis enfin une exposition Visions chamaniques - Arts de l'Ayahuasca en Amazonie péruvienne, avec la présentation de ses dessins au musée du Quai-Branly Jacques Chirac, qui aura lieu du 14 novembre au 26 mai.
franceinfo : Vous démarrez la bande dessinée en écrivant que le sujet, la nature de la réalité, vous passionne depuis l'adolescence. Comment un ado se questionne-t-il sur ce genre de sujet ?
Jan Kounen : Qu'est-ce qu'il y a après la mort ? Qu’y avait-il avant le début de l'univers ? Si c'est Dieu qui l'a fait, qui l'a créé ? C'est ça la question sur la réalité. Qu'est-ce qu'on est ? Où on est ? Que vit-on ? Dans quel état j'erre ? Et je pense que c'est une question qu'on a tous humains, qu'on laisse un peu de côté, que la culture est censée venir combler ou proposer des réponses. Parfois, ces réponses ne sont pas assez satisfaisantes, on va aussi regarder ce qu'il y a dans d'autres cultures.
Alors, quelles sont vos réponses aujourd'hui ?
Ça m'a fait souvent sourire que des gens puissent penser qu'il y a un monde spirituel ou autre. Puis, une fois que vous rencontrez effectivement les Indiens, vous tombez de haut depuis votre culture parce que vous vous rendez compte qu'en fait il y a une autre lecture ou une autre proposition, que ce soit votre imaginaire, votre subconscient, votre inconscient avec qui vous dialoguer par contre de manière frontale et intense. Une série d'expériences vous font considérer autrement les choses et petit à petit, plus adopter la pensée indigène ou en tout cas le modèle indigène de la nature, de la place de l'homme dans le reste des règnes qui soit végétal, animal ou spirituel.
Comment avez-vous rencontré l'Ayahuasca ? Déjà, on va préciser une chose, c'est que c'est interdit en France. C'est le mélange de deux plantes, d'une liane d'un côté et de l'autre chacruna. Qu'avez-vous vécu ?
Alors, c'est comme si votre corps s'agrandissait et que vous perdiez le contrôle. La nausée nous traverse et c'est un petit peu comme si on était poussé au bord du vide et on résiste.
"L'Ayahuasca va vous guider dans cette rencontre entre votre esprit, votre corps, les équilibres intérieur et extérieur."
Jan Kounenà franceinfo
Vous pouvez avoir des visions et petit à petit, on est guidé par rapport à la chose que l'on veut régler ou découvrir et entraîné dans des diètes, où on va prendre parfois des plantes qui ne sont pas psychoactives, mais qui vont vous aider à soigner notamment des traumas, de la tristesse, du manque de joie de vivre, ce type d'affections.
Quelle place occupe le cinéma dans tout ça ?
Le cinéma, c'est mon métier donc c'est ma passion. Alors, aujourd'hui, c'est difficile de faire des films à la fois créatifs, ambitieux, originaux. Dans le monde d'aujourd'hui, le cinéma, c'est un art où il y a beaucoup d'argent en jeu donc je fais moins de films. J'essaye de monter des projets, j'en ai des très beaux, j'espère qu'ils se feront. Je pousse, mais c'est beaucoup, beaucoup d'énergie. Ma passion est mon métier. Maintenant, ma vie avec l'Ayahuasca, c'est bien de la partager et de la faire en bande dessinée, en livre, parce que ce sont des choses que j'ai faites en film, et ce sont aussi des choses qui me permettent une autre relation avec le lecteur en tout cas, de dire d'autres choses et de les dire autrement.
"Au fond, même si je fais des films sur d'autres sujets, je pense qu'un cinéaste projette toujours des choses à lui, des états et que quels que soient mes films, vous trouverez toujours des vestiges de la jungle à l'intérieur."
Jan Kounenà franceinfo
Évidemment, quand on lit cette BD et même l'échange que vous avec le chaman, ils vont donner envie à certains d'essayer. Est-ce que c'est responsable ?
Je parle quand même pas mal dans la bande dessinée, de la dureté. Il y a des pages... Je pense que certaines personnes vont lire trois ou quatre pages et se dire : Mais ça, je n'irai jamais. C'est particulier. Donc ça, c'est responsable, c'est de dire : Voilà, cette chose existe, ça peut être très difficile, il y a des dangers, mais il peut y avoir des choses positives et ça peut convenir à certaines personnes.
Vous êtes passionné par le cinéma et aussi par le dessin. Vous êtes dessinateur de cet ouvrage. Que représente-t-il pour vous ?
Je n'ai pas voulu être cinéaste en fait. J'adorais le cinéma. Je voulais être dessinateur de bande dessinée. Ça a été mon rêve profond de mes 14 à 22 ans. Et puis après, j'ai fait du cinéma et c'est très bien comme ça. J'ai eu la chance de rencontrer Moebius et plein de dessinateurs que j'admirais et de faire Blueberry avec lui. Mais ce qui me fait vraiment plaisir, c'est qu'en moi, l'adolescent qui a eu un rêve, a ouvert l'album imprimé, je suis allé lui montrer. Donc j'ai eu un double plaisir, celui de parler d'un sujet qui me passionne, mais surtout de faire quelque chose que j'ai rêvé de faire quand j'étais jeune.
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