Le film "Prodigieuses" représente un appel à "trouver des solutions, même lorsqu'on pense que c'est cuit", estime Isabelle Carré

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mardi 8 octobre 2024 : La comédienne et écrivaine Isabelle carré. Elle est sur la scène du Théâtre de la Porte Saint-Martin dans la pièce "La serva amorosa" et sera le 20 novembre prochain à l’affiche du film "Prodigieuses" de Frédéric et Valentin Potier.
Article rédigé par Elodie Suigo
Radio France
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La comédienne et écrivaine Isabelle Carré, en avril 2023. (FRED DUGIT / MAXPPP)

Isabelle Carré obtenait en 2003, le César de la meilleure actrice pour son rôle dans le film Se souvenir des belles choses après avoir été couronnée d'un Molière pour Mademoiselle Else en 1999 avant de l'être de nouveau pour L'hiver sous la table en 2004. En 2018, elle a écrit son premier roman Les Rêveurs, avant de publier Du côté des Indiens et Le jeu des si. Elle sera bientôt à l'affiche du film Prodigieuses de Frédéric et Valentin Potier, qui sortira le 20 novembre prochain. Elle est également sur scène au Théâtre de la Porte Saint-Martin, jusqu'au 4 janvier 2025, dans la pièce La serva amorosa. Une pièce féministe de Goldoni mise en scène par celle qui l'a jouée il y a 40 ans, Catherine Hiegel.

franceinfo : La serva amorosa, c'est l'histoire de Coraline, servante complexe, intelligente qui s'obstine à vouloir réconcilier son maître et le père de celui-ci. Cette pièce et ce rôle, sont-ils des cadeaux ?

Isabelle Carré : Oui, c'est un énorme cadeau que m'a fait Catherine Hiegel parce que c'est une transmission et c'est très émouvant, parce que c'est son rôle fétiche. Moi, je l'avais vue en plus à l'époque, quand elle était sur scène dans ce rôle. J'ai été émerveillée parce qu'elle donnait. C'est un rôle qui lui correspond tellement. Donc quand elle m'a contactée, j'étais étonnée parce que je ne me voyais moins qu'elle dans le rôle. Et grâce à elle, grâce à sa direction d'acteur, je me sens portée, j'ai des ailes grâce à elle. Ma voix s'est posée autrement.

"Tous les soirs, 'La serva amorosa' est un voyage et c'est un voyage extraordinaire."

Isabelle Carré

à franceinfo

La phrase qui termine cette pièce de théâtre...

"Qu'ils viennent à présent ces prétendus sages qui disent du mal des femmes. Qu'ils viennent ces messieurs les poètes qui croient ne pouvoir être applaudis qu'à nos dépens. Je les ferai rougir de honte, et tant d'autres le feront mieux que moi. Tant de femmes nobles, courageuses, qui surpassent les hommes en vertu et n'arrivent jamais à leurs chevilles dans le vice."

C'est une ode à la femme.

Ah oui, à la fin de la pièce, on le vit tous les soirs, en ce moment, il y a une montée d'applaudissements à la fin, parce que c'est un cri, qui résonne aujourd'hui, étrangement. J'aimerais qu'il résonne moins en réalité, j'aimerais qu'il n'ait pas besoin de résonner ainsi avec l'actualité qu'on connaît. Ces procès, ces femmes qui sont entendues et on se dit : "Mais c'est fou comment tant de gens ont pu se taire ?"

Vous la première. Vous avez accepté de parler en l'écrivant dans vos livres. Évidemment, il y a eu ce mouvement #MeToo. Est-ce que ça avance ?

Oui, ça avance, mais c'est comme si on n'en finissait pas de se réveiller en se disant, mais comment ça a pu se produire et durer tant de temps ? Comment on a pu tolérer ça ? Et puis on n'en finit pas effectivement de découvrir que ce n'est pas une, pas dix, c'est nous toutes en fait.

Il y a un point commun à tout ce que vous faites. Ça existe aussi dans le film qui arrive le 20 novembre prochain, Prodigieuses, qui est nourri de l'histoire vraie des deux sœurs Pleynet qui se sont illustrées dans l'univers du piano. Elles étaient les meilleures jusqu'à ce qu'elles découvrent qu'elles avaient une maladie génétique orpheline. À un moment donné, il faut savoir justement prendre sa vie en main ?

Elles ont trouvé une méthode à elles, l'une palliant les défauts de l'autre. Ça, c'est aussi très beau parce que c'est une ode à l'altruisme, au compagnonnage, à l'amitié. On peut s'en sortir ensemble.

Tous ces projets ne sont pas un hasard.

Ce sont finalement deux textes qui nous donnent du courage. La serva amorosa, c'est vraiment une pièce où une servante se retrouve sur un ring. Elle se prend des coups. C'est une journée quand même assez spéciale. Elle doit vraiment se battre à chaque instant. Et ce film Prodigieuses aussi. C'est une ode, un appel à trouver des solutions même quand on est entravé, même quand on pense que ça ne va pas être possible, quand on pense que c'est cuit. Voilà, trouver sa propre méthode, trouver son chemin, trouver des solutions et s'en sortir avec un peu de folie, d'audace et d'inventivité.

Dans quelques mois, vous allez signer votre premier film ?

Oui, c'est une première réalisation de mon premier roman. J'ai choisi de prendre le moment où j'ai été internée quand j'avais 14 ans, dans un hôpital psychiatrique. J'ai décidé de passer cette histoire à l'écran parce qu'au moment du confinement, je me suis rendu compte que beaucoup d'adolescents, beaucoup de jeunes avaient du mal à accepter tout ce qui nous arrivait, plus que nous les adultes.

En voulant mettre fin à leurs jours, ce qui a été votre cas.

"J'ai eu besoin de me sentir portée par une cause, celle de ces adolescents, de ces enfants en fragilité pour me sentir légitime."

Isabelle Carré

à franceinfo

Il y a encore beaucoup de difficultés aujourd'hui. Je ne devrais pas avoir à me poser ces questions comme ça. Je devrais me dire que peu importe si je me trompe ou pas, j'ai le droit d'essayer.

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