Le monde d'Elodie. Benjamin Biolay : "Si tout le monde baisse les bras en même temps, ça va être compliqué!"
Le chanteur se défie du confinement en sortant un single, annonciateur de son prochain album, "Grand Prix"
Elodie Suigo : Benjamin Biolay, vous êtes un homme libre, comment vivez-vous ce confinement ?
Benjamin Biolay : Il y a des hauts et des bas, il y a beaucoup de bas et plus beaucoup de hauts. C’est compliqué d’être au chômage et de ne pas savoir quand ça va s’arrêter et puis j’ai de la famille Outre-Atlantique, donc je ne sais pas quand je les reverrai, etc... C’est compliqué.
Aujourd’hui même sort votre nouveau single, qui s’appelle Comment est ta peine ? qui est le premier extrait d’un album à venir le 26 juin prochain qui s’appellera lui Grand Prix. On entend vraiment bien votre voix, on a même l’impression qu’il y a une forme de libération...
Oui, j’avais envie de faire un album où il n’y ait pas d’effet spécial à chercher sur ma voix, bien qu’il fallait qu’elle passe avec le groupe derrière donc nécessairement il fallait que je chante comme je chante sur scène, de manière un peu plus vocale et ça doit s’entendre. C’est assez logique car c’est un album assez rock, avec beaucoup de guitare électrique, ça nécessite vocalement d’être audible, tout simplement.
Dans ce nouveau single on entrevoit un mélange de plein de vos albums, c’est le cas de La Superbe, de Rose Kennedy. On entend aussi beaucoup de Palermo-Hollywood, j’ai eu l’impression qu’il y avait eu un vrai déclic avec Palermo-Hollywood, que vous aviez décidé à ce moment là de relever la tête, de chanter plus fort.
J’ai mis des années à me considérer autrement que comme auteur-compositeur et maintenant je crois que je me considère vraiment comme un interprète. C’est le fait de faire du cinéma aussi, d’aller faire un album en Argentine et de chanter avec des musiciens qui ne comprennent pas un mot de ce que vous chantez ! C’est assez spécial et on devient plus musicien avec sa voix, on la met plus en avant.
Il y a très peu d’artistes qui prennent le risque de sortir un single en ce moment, du coup annonciateur d’un album, c’est un geste fort ?
Oui, c’est vrai que la facilité aurait été de décaler cet album à octobre, mais pour moi il n’était pas question de baisser les bras. Si tout le monde baisse les bras en même temps, ça devient très compliqué tout ça !
Le nouvel album va s’appeler Grand Prix. Vous avez publié la photo du futur bébé sur Instagram, c’est un véritable hommage à Jules Bianchi (pilote de Formule 1 accidenté au Grand Prix du Japon et décédé neuf mois plus tard le 17 juillet 2015)...
C’est vrai que la chanson Déclic et la chanson Grand Prix elle même, je les ai composées quand on a su que Jules était décédé malheureusement. Ça a été une terrible mort parce qu’elle a été en plusieurs étapes. D’abord le terrible accident de Suzuka puis des mois de terrible attente, parfois des informations qui laissaient croire qu’il y avait de l’espoir. Ça m’a fait un effet terrible, parce que je sais à quel point c’était un immense pilote. Moi j’étais en train de faire Volver le deuxième album, donc cette chanson je l’ai laissée dans un coin, elle n’avait aucun rapport avec l’Argentine et quoique ce soit et quand je me suis remis à faire un nouvel album, j’étais repris cette chanson et lentement mais sûrement c’est devenu le fil conducteur de l’album. Donc c’est une chanson qui s’appelle Grand Prix et qui a donné son nom à l’album qui lui est vraiment dédié.
C’est un hommage aussi au Grand Prix en général, à l’évolution de la voiture de compétition ?
Et puis à tout ce que ça a de très romanesque, au delà de l’aspect technologique qui m’intéresse mais que je n’évoque absolument pas dans mon disque. Le côté shakespearien du sport automobile, le côté un peu vain de faire des tours en rond et de pouvoir y laisser sa peau. Quand j’étais petit, je me rappelle en 82 d’une année où tous les pilotes mourraient les uns après les autres, c’était quelque chose d’épouvantable. Oui, un Grand Prix, c’est une épreuve effroyable, sauf si on la gagne...
Il y a deux hommages, Jules Bianchi et la dernière chanson c’est un énorme clin d’œil à Ayrton Senna...
Senna, c’est vraiment le héros romantique par excellence ! J’aimais quand il pilotait, même si je trouvais qu’il était un peu dur avec Alain Prost, notre Prost national ! Mais j’étais fou d'Ayrton et je fais partie de ces millions de gens qui ont regardé le Grand Prix d’Imola, le 1er mai 94et qui ont pris ça en pleine tête, d’ailleurs j’ai lâché un peu la F1 en tant que spectateur en quelques années, après ce choc épouvantable !
Et vous êtes nombreux... Avec, dans ce nouvel album, des paroles qui claquent : plus on sait, on sait qu’on ne sait rien ou presque rien. Est-ce que vous savez ce que vis allez faire demain quand vous aurez le droit de sortir ?
Non, je suis comme tout le monde, c’est ça qui est à la fois terriblement anxiogène et un peu fascinant, c’est de savoir qu’on ne sait plus rien.
Vous l’imaginez comment lemonde d’après et quel est votre premier souhait ?
Que ça ait servi à quelque chose, c’est comme dans tout malheur, il faut qu’après ça est des répercussions positives. La liste est longue des choses terribles qui sont arrives dans l’histoire de l’Humanité et qui ont abouti à des progrès idéologiques ou techniques ou philosophiques ; ce serait très important. J’espère en gros que toute la conception même de la société dont la clé de voûte serait l’économie de marché va être remise en cause.
Merci Benjamin Biolay, votre single Comment est ta peine ? est disponible depuis ce matin et votre nouvel album Grand Prix sortira le 26 juin prochain.
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