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Le monde d'Elodie. Valdimir Cosma : "Ecouter de la musique sereine, ça peut faire du bien à l'âme des gens qui ont peur"

Le compositeur de musiques de films cultes comme "Rabbi Jacob", "La Boum" ou "Diva" est  confiné à Paris, devant son piano, comme d'habitude. La période lui rappelle son enfance en Roumanie, pendant la guerre. 

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Le compositeur et chef d'orchestre Vladimir Cosma, à Paris, en 2016. (JOEL SAGET / AFP)

Elodie Suigo : Comment le compositeur que vous êtes, vit-il ce confinement ?  

Vladimir Cosma : Je le vis en composant, premièrement, puisque je suis la plupart du temps, confiné par la force des choses. Mais d’habitude, on n’a pas cette impression de confinement, au contraire, on a l’impression qu’on est libre, dans ses notes, tout ça, alors que là on a une espèce de poids, d’obligation de confinement qui est un peu pesante. En même temps, ça me rappelle ma jeunesse, mon enfance, la fin de la guerre… On était en Roumanie, on était confinés aussi, il y avait les alarmes, les bombes, tout ça et je me rappelle que mon père me prenait sur ses épaules, on descendait dans la cave pour se confiner encore plus que d’appartement ; mais pour moi c’était une sorte de jeu, j’étais enfant, je ne me rendais pas compte de ce qui se passe. Donc ce sont des souvenirs mélangés du bonheur d’être avec mes parents et maintenant que je réalise, c’était l’horreur de la guerre que je ne ressentais pas.  

Ce virus vous inquiète-t-il ?  

Ce n’est pas le virus qui m’inquiète, c’est les gens qui parlent du virus qui m’inquiètent ! La grippe, on l’a tous les ans, avec des milliers de morts et ce n’est pas dans cette atmosphère de tragédie, d’horreur qu’on nous assène du matin au soir.  

Cela vous aide-t-il à composer, ce moment où on revient à l’essentiel ? 

Ça m’aide à composer dans la mesure où ça me donne du temps, ce que je n’ai jamais et toutes les tâches un peu subalternes à la composition, comme on ne les fait plus, hé bien je suis devant mon piano, je vous entends au téléphone, mais ma page de musique est devant moi, le piano à gauche et je ne vais pas beaucoup bouger de cette ambiance musicale.

Vous vivez où ce confinement ? Je le vis à Paris.  

(Vladimir Cosma joue quelques notes de "Rabbi Jacob", dont il a composé la musique, "pour ajouter, dit-il un peu de soleil à cette journée"…)  

Faites-vous partie des gens qui se mettent à la fenêtre à 20 heures pour applaudir les soignants ?  

Non, mais je suis allé moi-même à l’hôpital avec un ami qui a fait un AVC et qui tentait de se faire transporter dans un hôpital pendant une heure et demie en passant des coups de fil désespérés à droite à doite, à gauche ; le 15… Et personne ne répondait, il n’a pas pu avoir quelqu’un, donc, en fin de compte cette personne m’a appelé, je suis allé là-bas, j’ai pris un taxi et je l’ai amené à l’hôpital Bichat et je suis tombé dans la gueule du loup, si je puis dire, parce que j’étais aux urgences à Bichat alors, je ne vous dis pas ce que c’est l’atmosphère, vous ne parlez à personne, tout le monde est là, des gens qui sont par terre avec de la fièvre… Je l’ai peut-être chopé...  Mais je ne pouvais pas laisser un ami qui fait un AVC sans faire ce que j’ai fait. Je ne me donne pas du tout en exemple, mais je n’avais pas le choix.  

Quel conseil pouvez-vous nous donner ?

Je crois que la musique ne peut que faire du bien aux gens qui ont peur, alors qu’ils écoutent de la musique un peu sereine, du Mozart ou du Charles Trenet… Quelque chose qui change de cette atmosphère pesante, ça peut faire du bien à l’âme et dans cette période, écouter de la musique c’est formidable. Maintenant laquelle, c’est ce que chacun sent qu’il a besoin…  

Comment vous imaginez la suite, après le confinement ?

Je me pose toutes sortes de questions, parce que j’ai l’impression qu’on va avoir cette appréhension et j’ai peur que les gens ne sortent pas de cette angoisse immédiatement. Vous savez que le changement ne va pas être immédiat ; on sort du confinement et ça y’est, les gens retournent au théâtre, au concert… comme à la fin d’une guerre où on se dit, "La guerre est finie, maintenant on est libres, on fait ce qu’on veut". Peut-être que ce sera un peu plus nuancé que ça…

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