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Maïa Mazaurette : "J'aimerais vivre dans un monde où la sexualité serait traitée aussi bien que la cuisine"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd'hui, c’est la journaliste Maïa Mazaurette.

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 7min
La journaliste et autrice Maïa Mazaurette, le 15 janvier 2021. (JOEL SAGET / AFP)

Autrice, peintre, chroniqueuse dans l’émission Quotidien sur TMC et à France Inter, journaliste, experte en sexualité pour le journal Le Monde, Maïa Mazaurette est une référence chez les féministes et toutes les personnes, hommes et femmes, qui s'intéressent au plaisir sexuel. Son ambition est de casser les stéréotypes, redéfinir le plaisir féminin, repenser la sexualité. Un travail minutieux que l’on découvre dans son livre La vulve, la verge et le vibro aux éditions de La Martinière.

Elodie Suigo : Vous le dites dès les premières lignes en bonne "sexperte" gastronome: "Mon rêve serait que l'on parle de sexe comme on parle de cuisine".

Maïa Mazaurette : Oui, absolument. Cela fait longtemps que les métaphores culinaires sont employées pour parler de sexualité à juste titre, et en même temps il y a un switch qui s'est fait dans le passage de la nourriture à la gastronomie qui ne s'est pas vraiment opéré en sexualité. J'aimerais vivre dans un monde où la sexualité serait traitée aussi bien que la cuisine.

Quand vous avez suivi vos cours de journalisme, vous étiez la seule à vous tourner vers cette option, cette spécialité. Tout le monde voulait être reporter de guerre, mais pas vous.

Quand on s'intéresse à ce genre de sujet, forcément, c'est comme si on essayait de compenser quelque chose qu'on ne fait pas. C'est toujours celle qui en parle le plus qui en fait le moins. Et puis, on a vite fait de se chopper une réputation pas possible.

Cela dit, j'ai l'impression que vous avez toujours tout assumé ?

Oui.

Déjà par votre éducation, vos parents étaient féministes eux-mêmes, ils vous ont vraiment élevée exactement de la même manière que votre frère.

Dès la maternelle, je me rappelle n'avoir pas compris pourquoi on me demandait des stéréotypes du genre : ne pas pouvoir jouer à chat dans la cour parce que les filles, ça ne court pas. Et ensuite, dans la sexualité, c'était pareil. Pourquoi faut-il que ce soit le garçon qui fasse tout ? C'est toujours cette surprise et là j'ai 42 ans et quelque part, je ne m'habitue pas au fait qu'on exige de moi des comportements féminins et je ne sais toujours pas ce que ça veut dire.

Parfois, je sais que je dis des choses qui vont être un petit peu dures notamment pour les hommes, pas parce que le féminisme me rendrait particulièrement cruelle envers les hommes mais parce qu'il est temps de dire que le pénis n'est pas la chose la plus importante dans la sexualité

Maïa Mazaurette

à franceinfo

On n'est pas les uns contre les autres, vous dites : "Je ne suis pas contre des individus, je suis contre un phénomène de société, une façon de voir les choses".

Je trouve ça intéressant d'ailleurs, il y a une certaine expression de la misandrie qui émerge en ce moment en tant que colère des femmes. Je trouve cela assez légitime mais ce n'est pas ma chapelle. Là, en ce moment, avec #MeTooInceste, les scandales Matzneff, Duhamel, c'est vrai que ça pourrait être anxiogène et on se dit : "Mais ce n'est pas possible, on ne va pas arriver à vivre ensemble parce que c'est dangereux d'être une femme au milieu des hommes". Alors ensuite, je me calme, je regarde les hommes autour de moi, je vois bien qu'ils sont très sympathiques mais le féminisme est la condition pour que je puisse continuer à aimer les hommes. Et souvent, on dit :"Le féminisme c'est la haine des hommes ou alors, c'est leur amour absolu". J'ai l'orgueil de pouvoir dire que j'ai rendu pas mal de mecs féministes "work in progress', je continue.

Qu'est-ce qui a changé depuis #MeToo, depuis l'affaire Weinstein ?

On est en train de complètement changer de paradigme, de point de vue. Le point de vue de l'homme blanc de 50 ans qui est l'écrivain typique, qui est le réalisateur typique et bien maintenant, c'est en train de devenir le point de vue d'une enfant de 12 ans, de Greta Thunberg, des femmes noires évidemment, des transgenres et on est profondément enrichis par tout ça.

Comment réagissez-vous quand on vous dit: "Oui mais c'était une autre époque?"

Si on parle de la génération 68 en particulier, moi, on m'a collé le livre de Gabriel Matzneff à 14 ans entre les mains en disant: "Ça c'est un grand artiste, ça c'est un grand écrivain". On m'a encouragée à trouver ça érotique comme relation entre moi et un homme qui serait beaucoup plus âgé. Ça n'a pas marché.

C'est important de choisir les bons mots, de les expliquer correctement?

Oui. Il y a du boulot parce que c'est un énorme problème dans la communication sexuelle. Comment fait-on pour sortir d'un vocabulaire soit scientifique, soit de choses extrêmement grossières, soit un peu enfantin : des zizis, des kikis... Je me suis aperçue avec les premiers lecteurs du livre qu'il y a des mots qu'ils ne connaissent pas.

Vous jouez beaucoup avec l'humour.

Je prends totalement le contrepied des conseils sexuels qui sont habituellement donnés aux personnes pour pimenter leur vie sexuelle. Moi, je trouve que le piment ça pique, je n'ai pas envie que ma sexualité ressemble à celle du porno. Moi, je suis une grande fan de sextoys, ce n'est pas un secret.

Je trouve ça super de se dire qu'on n'a pas de voitures volantes en 2021 mais en revanche on a des pulsateurs clitoridiens qui fonctionnent du feu de Dieu !

Maïa Mazaurette

à franceinfo

En parlant de ça, combien mesure le plus gros godemiché ?

C'est 50 cm, il me semble. J'avais reçu en service de presse plein d'énormes godemichés, que j'avais mis au travail chez Quotidien donc il y avait des gros godemichés noirs un peu partout autour de mon bureau et je me suis dis : "Ils sont énormes, personne ne pourra jamais les utiliser". Puis, au fil des jours quand même, il y en a pas mal qui ont disparu. Et en en parlant avec une copine récemment, elle m'a di t: "Mais ramène-les moi, je connais quelqu'un qui les utilisera en vrai". Tout passe avec un petit peu de bonne volonté alors allez savoir s'il ne fera pas un ou une heureuse quelque part !

On apprend plein de choses dans cet ouvrage notamment qu’en France, un homme sur cinq pense que quand une femme dit  "non", elle pense "oui". Vous expliquez l'importancedu "non". 

Cette histoire de la femme qui dit "non" mais qui pense "oui", c'est aussi tout un imaginaire des femmes irrationnelles, coupées de leur propre réalité, de leur inconscient. On est bien d'accord que les personnes qui ont mis en place cette manière de penser avaient un agenda très précis sur ce qu'une femme veut ou pas. C'est à dire qu'ensuite on crée les femmes qui, par une espèce de pudeur étrange, devraient ne pas exprimer : "J'ai envie de toi, j'ai envie que tu te déshabilles, j'ai envie que tu me déshabilles, j'ai envie que tu me caresses les seins", alors que ce n'est pas hyper compliqué de le faire, je viens de le faire.

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