Marc Levy : "J'ai eu le bonheur de passer ma vie entouré de personnages imaginaires avec lesquels je menais des conversations imaginaires sur des terres imaginaires"
Marc Levy est romancier depuis plus de 20 ans. Il est considéré comme l'écrivain français le plus lu dans le monde, avec plus de 50 millions d'exemplaires vendus, des traductions en 50 langues. Son succès a été immédiat après la parution de son premier roman, Et si c'était vrai…, en 2000. Celui-ci a été tel qu'il a démissionné du cabinet d'architecture dans lequel il travaillait, pour se consacrer pleinement à l'écriture. Il a continué à explorer les âmes humaines, les relations homme-femme, le couple, l'amour. Il y a eu Où es-tu ? en 2001, Sept jours pour une éternité... en 2003, Vous revoir en 2005, qui était d'ailleurs la suite de Et si c'était vrai..., Mes amis, mes amours en 2006.
Marc Levy vient de publier Éteignez tout et la vie s'allume aux Éditions Robert Laffont Versilio.
franceinfo : Vous êtes plébiscité dans le monde entier, traduit dans 50 langues et l'auteur français le plus lu sur la planète. Est-ce que ce n'est pas une pression permanente ?
Marc Levy : Non, parce que dans la vie de tous les jours, quand vous faites des œufs au plat, vous ne pensez pas à ce genre de choses. Je n'ai jamais été dans la compétition. C'est quelque chose qui ne m'a jamais intéressé. Donc, comment vous dire ? J'ai vécu des choses que je n'espérais même pas vivre. C'est un bonheur fou. Ce qui est fait est fait. Après, la pression ne s'inscrit pas là, elle s'inscrit dans la rigueur de l'artisan de faire un travail à la hauteur de l'attente. Mais comme n'importe quel artisan, je pense que je partage la même exigence qu'un boulanger qui fait son pain et qui veut que son pain soit toujours bon et qui a la même inquiétude quand il travaille son pain.
Comment avez-vous vécu les critiques négatives ? Est-ce que vous vous préservez de ça ?
Avec beaucoup d'humilité. Vous avez deux types de critiques. Vous avez la critique qui est bête et méchante, bon vous vous en foutez, ça, c'est la cour d'école. Et puis après vous avez la critique qui est constructive et dans celle-là, il faut prendre tout ce qu'il y a à construire.
"Ce serait triste de penser qu'on ne peut pas s'améliorer. Tout l'amour d'un travail naît de ses imperfections."
Marc Levyà franceinfo
Qu'est-ce qui vous donne envie d'écrire ?
Les envies sont plurielles. La pudeur est un moteur d'écriture, c'est-à-dire que vous avez un sentiment, une émotion et vous êtes trop pudique pour l'exprimer par les mots, alors vous allez le raconter dans une histoire. Après, il y a le rêve de gosse de rendre les choses possibles. Le voyage, quand j'écris mes romans, je pars en voyage. Et puis le bonheur de s'entourer de gens, même si ce sont des personnages de fiction, qui prennent vie. J'ai le bonheur d'avoir très souvent ma fille qui vient jouer dans mon bureau pendant que je travaille. Elle a sa petite maison, elle a des poupées et elle fait parler les poupées entre elles. Et je pourrais lui dire n'importe quoi, le monde pourrait s'écrouler, elle est dans son monde, avec ses personnages et à chaque fois que je la regarde, je me dis : je fais le même métier qu'elle !
Quelle place occupent vos romans dans votre vie alors ? Les considérez-vous un peu comme des enfants ?
L'image qui me vient, c'est comme si, dans mon bureau, il y avait des portes qui conduisent à chaque fois dans des mondes imaginaires. C'est-à-dire que moi, qui ai eu 4:20 en physique au bac, quand j'écris Le premier jour (2009), je deviens astrophysicien, ce qui est extrêmement improbable, avec mes résultats scolaires. Quand j'étais enfant, je mettais le drap au-dessus de ma tête et dans le noir, je m'imaginais cosmonaute dans les étoiles et j'étais vraiment dedans. C'est-à-dire qu'au lieu d'être dans la peur de la nuit, j'étais un cosmonaute dans les étoiles. Eh bien, quand j'écris, c'est pareil. Vous ouvrez cette porte et vous entrez dans un monde imaginaire.
Votre dernier roman Éteignez tout et la vie s'allume est aussi un peu la continuité de ce rêve-là. Il raconte la rencontre de deux êtres qui ont des histoires de vies diamétralement opposées. Et pourtant, il y a beaucoup de points communs. C'est une formidable déclaration d'amour à la tolérance et à l'importance d'être différent.
"S'accepter tel qu'on est avec nos différences, se trouver un peu aimable soi-même, se dire que finalement, nos défauts n’en sont pas, c'est aussi ce qui nous rend terriblement humains. La perfection, c'est super ennuyeux."
Marc Levyà franceinfo
C'est une femme qui, peut-être croit qu'elle a vécu sa vie. Et tout à coup, le regard que porte ce jeune homme sur elle l'éclaire de telle façon qu'elle se rallume et elle se rallume complètement. Et puis lui, c'est un homme en devenir, mais sans avenir et à la rencontre de cette femme et de sa maturité, de son regard et peut-être du fait qu'elle est un peu décalée aussi, eh bien, c'est son chemin de vie qui s'éclaire et pour la première fois, il sait ce dont il a envie. C'est magnifique. Le moment, dans votre vie, quand vous savez ce dont vous avez envie est magnifique.
Alors justement, dans l'écriture et au fil des pages de ce roman, on se rend compte que vous êtes de mieux en mieux dans vos baskets, que vous êtes apaisé.
Apaisé, oui. De mieux en mieux dans mes baskets, ce serait plutôt le contraire. De mieux en mieux dans mes baskets, ça veut dire jouir d'une assurance. Ça c'est tout le contraire. Je me rends compte que c'est beaucoup mieux d'être apaisé.
Quel regard portez-vous sur ce parcours ?
Je me suis bien amusé. J'ai réussi un truc, c'est de ne pas faire ça en me prenant au sérieux. Ça aurait gâché tout le plaisir. Je l'ai fait très sérieusement parce que j'ai beaucoup travaillé. C'est vraiment du travail. Un roman, c'est dix heures d'écriture par jour pendant des mois et c'est vraiment beaucoup de travail. Mais j'ai eu le bonheur de passer ma vie entouré de personnages imaginaires avec lesquels je menais des conversations imaginaires sur des terres imaginaires. Et en plus de le partager avec des lecteurs qui ont été tout au long de cette carrière d'une générosité incroyable et à qui je dois tout, donc je serais bien mal venu de me plaindre. C'est un rêve d'enfant. Je ne dis pas un rêve de gosse. C'est un rêve d'enfant et c'est un travail qui m'a permis de rester encore enfant et puis de cultiver tout au long de ma vie, parfois, ça a agacé autour de moi, mais j'ai entretenu le sens de l'émerveillement et de la curiosité.
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