Son enfance, ses débuts au théâtre, sa rencontre avec Luc Besson... Jean Reno revient sur ses jeunes années

Le comédien Jean Reno est l’invité exceptionnel du Monde d'Élodie Suigo du 12 au 16 février 2024. Il remonte le fil de sa carrière autour de cinq de ses films les plus emblématiques.
Article rédigé par Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Jean Reno sur le tournage de "Subway" de Luc Besson, en 1985 (PATRICK CAMBOULIVE / COLLECTION CHRISTOPHEL VIA AFP)

Jean Reno a accepté de passer toute cette semaine dans le Monde d'Élodie sur franceinfo. L'occasion de faire un point sur ce parcours aux multiples collaborations avec les plus grands acteurs et réalisateurs. Sa rencontre avec les Français a été marquée évidemment par le rôle d'Enzo Molinari dans Le Grand Bleu (1988) de Luc Besson.

Dans ce parcours qui force le respect, il a su toucher à tous les registres, les comédies, les thrillers ou encore les drames : Nikita (1990) et Léon (1994) de Luc Besson, Les Rivières Pourpres de Mathieu Kassovitz en 2000, L'opération Corned-Beef de Jean-Marie-Poiré (1991), Godzilla de Roland Emmerich (1998), La Panthère rose de Shawn Levy (2006) ou encore La Rafle de Roselyne Bosch (2010).

Avec sa personnalité, il est devenu le protecteur, l'oncle de la famille, celui qui est à la fois drôle et autoritaire. Le père aussi, l'homme de confiance, celui à qui on confie des choses et celui derrière lequel on se range pour obtenir des conseils.

Mercredi 14 février, il sera à l'affiche du film Maison de retraite 2 de Claude Zidi Jr. avec Kev Adams et Daniel Prévost.

franceinfo : Vous avez tourné avec les plus grands réalisateurs, vous êtes devenu un des plus grands acteurs français qui a notamment su faire une carrière internationale. Que vous évoque cette espèce de bilan à mi-chemin ?

Jean Reno : Comme vous le dites, je me dis : wow ! Elle dit des choses que je ne me dis pas tous les jours parce que ce n'est pas possible. Je me suis toujours dit que le meilleur état pour un acteur, c'est celui qu'il avait quand il sort de l'école de théâtre ou du conservatoire parce qu'il a faim, il a envie de tout jouer et il croit qu'il peut tout jouer. Et j'essaie de me rappeler comment j'étais quand j'avais faim.

"Je préfère demain à hier parce que j'ai toujours peur de perdre de la fraîcheur et de l'honnêteté."

Jean Reno

à franceinfo

J'aimerais m'intéresser au petit garçon que vous étiez. Vous êtes né à Casablanca, au Maroc, sous protectorat français, de parents andalous qui avaient fui le régime de Franco. Comment cette histoire très lourde vous a été transmise ?

Sans doute par les silences de mon père et les mots de ma mère. Ma mère me parlait beaucoup des autres. Et sans doute que sa disparition à l'âge de 17 ans a été la plus grosse marque, la blessure la plus importante que j'ai eue. Mon père m'a dit des choses un petit peu difficiles à l'époque, quand j'ai quitté la maison pour aller au service militaire parce que je voulais aller au théâtre à Paris. Il m'a dit : "Ne va pas en prison", ça signifie "Ne salis pas mon nom". Il m'a dit aussi : "Tu vas revenir parce que tu vas avoir faim". Et là j'ai dit non, je ne reviendrai pas. Après, on a eu des conversations.

"Mon père était silence. C'était un homme du XIXe quand même et c'était un immigré et ça, je l'ai gardé."

Jean Reno

à franceinfo

C'est en 1969 que vous arrivez à Paris et là vous êtes cet immigré et la première chose que vous vous dites à ce moment-là, c'est : "Je ne vais pas m'imposer, je vais d'abord commencer par m'intégrer".

Bien sûr, il fallait manger, donc il ne fallait pas retourner, "Tu reviendras parce que tu auras faim", mais il fallait surtout trouver, pas vraiment le groupe, des personnes avec qui être ensemble et échanger cette passion que j'avais. Et j'ai trouvé à l'Atelier d'Andreas Voutsinas qui se trouvait aux Bouffes du Nord.

Parlons de vos débuts. On est en 1979 et Costa-Gavras qui va vous proposer un rôle. Là, on est dans "Clair de femme". Qu'est-ce qui change à ce moment-là ?

Il est venu me voir au théâtre et il me dit : "Voilà, j'ai besoin d'un flic qui arrête la voiture où il y a Romy Schneider et Yves Montand". Wow ! Qu'est-ce qui change ? C'est que tout d'un coup, je vois une caméra. Après, le chef-opérateur me dit : "Ne marche pas vite, quand tu marches vite, tu perds du poids". Alors ça, c'est la présence. Il l'avait détecté. Il a dit : "Je n'ai pas envie d'enlever à ce garçon-là cette sorte de présence", j'étais beaucoup plus fluet à l'époque, "et je veux qu'il la garde". Et après, c'est l'autorité et donc tac, la réflexion par rapport à ce média pour pouvoir l'oublier, évidemment. L'oublier, mais garder en mémoire les choses qui permettent de travailler en commun sur un plateau de cinéma, ce qui n'a rien à voir avec le théâtre.

C'est aussi comme ça, sur un tournage, qu'à un moment donné vous rencontrez Luc Besson. Pouvez-vous nous raconter cette rencontre ?

Oui ! Il vient, j'étais à Nanterre. Je jouais avec Michel Piccoli. J'amène là-bas ma liberté dans un théâtre national où j'ai une fiche de paye, vous vous rendez compte ! Wow ! Ça c'était primordial. Luc est venu. Il n'était pas du théâtre, mais il a une qualité énorme : c'est que lorsqu'il vous dit quelque chose, vous croyez immédiatement ce qu'il vient de dire. Je me suis surpris moi-même à dire : ce mec, tu viens de le rencontrer, il sait, c'est un fédérateur. Et il change ma vie.

Va suivre le film Le Grand Bleu. Ce film, au début, il n'est pas forcément bien reçu par la critique, mais le succès va être monstrueux. Comment vivez-vous cette incarnation ? Il y a Jean-Marc Barr et il y a Jean Reno.

"‘Le Grand Bleu’ est très mal reçu à Cannes, moi, je suis totalement déstabilisé. C'est comme prendre un coup de poing. Je divorce. C'est dur à digérer, quoi."

Jean Reno

à franceinfo

Déstabilisé. On va à Cannes. On fait la fermeture du festival. J'ai passé neuf mois à tourner ce film, donc je me suis éloigné de ma femme de l'époque. Je divorce. Je n'ai pas travaillé les 18 mois qui ont suivi, il fallait digérer. Je suis revenu avec une télévision, avec Carole Laure, au Canada. J'ai raccroché. Un autre rôle, un autre univers.

Ce film a changé votre vie ?

Complètement. J'ai fait deux fois le tour du monde. Ça a changé ma tête. J'avais une constitution. J'avais la cuisine, la salle de bains, la chambre à coucher, j'ai tout interchangé, je n'étais plus le même. C'est curieux.

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